Osons Patrick Sébastien !

par LM
mercredi 31 mai 2006

La Corrèze, pas morte : son plus célèbre rejeton après Chirac déploie ses 52 ans dans un ouvrage en colère. Les mêlées de l’audimat, les en-avant des faux amis, les cravates des médias présentées comme les règles du jeu d’un sport sans esprit : la télévision.

D’emblée, cassons l’ambiance : oui, j’ai lu le livre de Patrick Sébastien. Une des meilleures ventes du moment, en librairie. Comme le Da Vinci Code (pas autant d’exemplaires, quand même), comme les romans de Marc Lévy ou les souvenirs de Jean-Claude Brialy.

Que certains beaux esprits ne s’illusionnent pas, les « gens » lisent comme ils regardent la télé.

Donc, oui, j’ai lu en intégralité le livre de l’amuseur public, comme on le surnommait avant. En entier. Parce que je ne travaille pas pour un des ces quotidiens où il m’aurait suffi de le feuilleter ou de résumer l’émission de Fogiel de dimanche pour disqualifier l’ouvrage et son auteur.

Je l’ai lu, et je ne mérite pas une médaille pour autant.

J’avais quelques réticences, il est vrai, plutôt persuadé (à la suite du Fogiel sus cité) de tomber sur un énième livre aigri d’un de ces présentateurs de télé hier à succès aujourd’hui has been, qui pleurnichent sur la dictature de l’audimat.

Après tout, il avait bouffé du gros gâteau quand ça roulait, qu’il se démerde avec ses échecs maintenant ! Dimanche soir, harponné par un Foucault très hâbleur, Sébastien n’était pas apparu à son avantage. Au contraire, il avait parfaitement renvoyé l’image du clown triste, triste de ne plus être aussi applaudi qu’avant, de ne plus signer autant d’autographes. En fait, pas du tout. Le livre du corrézien, chiraquien par amitié plus que par conviction politique (dans « homme », aurait-il pu écrire, il n’y a pas « homme politique »), ce livre commence par un pistolet sur la tempe.

Froid comme début, mais bon, on peut simplement être ici en présence de quelque simagrée roublarde de la part d’un tartuffe spécialiste du genre. Dans son film T’aime (qu’il s’obstine à considérer comme un injuste insuccès dû à la mauvaise foi des critiques parisiano-parisiennes, et que je m’obstine, après l’avoir vu, à considérer comme un film assez catastrophique, démagogique et niais, mais ce n’est qu’un avis), il en faisait déjà des tonnes pour tirer quelques larmes au spectateur indulgent. (Et il fallait l’être).

Donc, pistolet sur la tempe n’équivaut pas à sincérité troublante.

D’autant plus que tout continue sous forme d’une vraie fausse lettre à Lily, sa petite dernière.

Là, on se croirait un peu chez Pierre Perret, ou Yves Duteil, enfin sur des terrains pleins de cailloux et portes qui claquent comme des planchers au plafond... bref en mauvaise mélodie.

Les phrases sont courtes, simples. Les retours à la ligne fréquents. Comme dans les romans de Mary Higgins Clark. Ou d’Amélie Nothomb.

Puis le troupier plus comique mais bien sérieux d’un seul coup (de feu ?) se met à nous raconter quelques souvenirs, « en vrac » comme il l’écrit.

Jacques Martin, pour commencer. Son éviction brutale de la télévision, son accident cérébral. Le petit Nicolas (Sarkozy) qui lui pique sa femme. Sarkozy qui avait marié Jacques et Cécilia quelque temps auparavant ! D’où ce mot de Bouvard aux grosses têtes à un Martin vengeur : « Jacques, tu ne vas quand même pas tuer le maire de tes enfants ! »

Ah, ça y est, on rigole un peu. Ce n’est pas loin du canon, quand même, mais on est déjà loin de la mort. Et ça continue sur cet air-là, entre dénonciations et éloges, enfin surtout dénonciations. L’ex animateur de la 5 de Berlusconi nous parle de Sarko, beaucoup, de certaines confidences qu’il lui aurait faites sur les moyens d’arriver au pouvoir, coûte que coûte. C’était « un jour de mariage au château de Bity, dans un petit salon privé ». Mais Sébastien ne peut pas en dire plus. Crainte du procès.

Sarkozy, il ne l’aime pas. Pas assez franc du collier. Traître à Chirac. Ce livre n’arrangera pas grand-chose, sans doute.

Les chapitres portent des prénoms, Nicolas, Lino, Etienne, Paul, j’en passe et des meilleurs, et des pires, apôtres d’une vie passée de succès en insuccès, d’argent et de moins d’argent, de réussite et de doute. Rien de spectaculaire, rien d’explosif. La vie d’un homme public qui en veut à certains journaux, ou à certains journalistes, aux pratiques douteuses, qui en veut à certains patrons de chaînes, à la morale incertaine, mais tout cela n’est pas nouveau, on le sait déjà.

Ce qu’on sait peut-être moins, c’est la grosseur du yacht d’Arthur et ses « placards qui s’ouvrent au son de sa voix. » Des placards qui s’ouvrent au son de votre voix, fabuleux, non ? En voilà une révélation ! Arthur, l’animateur recycleur de la télévision française, a chez lui des placards qui s’ouvrent au son de sa voix ! Arthur qui n’a pas eu qu’une carrière longue, fleuve, et tranquille à TF1. Viré une première fois, c’est Patrick Sébastien qui lui tendra la main, le remettra dans le droit chemin, pavé de (peu de) bonnes intentions, surtout celles de se remplir les poches ! Arthur paiera sa dette, puis oubliera le briviste. Dur métier.

Mais il n’est pas que question d’audience dans ce livre, on y parle aussi disparitions. Disparition d’un fils, pour l’auteur, qui jouera le soir même de l’accident, comme si de rien n’était, surtout pour éviter de péter les plombs, et qui sera victime d’une attaque inqualifiable d’un grand journal, qu’il nomme Grand Quotidien, et dont on devine les lettres gothiques à cent mètres.

Disparition d’une enfant aussi, assassinée, Céline Jourdan, dont le père viendra voir l’animateur vedette pour qu’il retrouve celui qu’il considère, malgré son acquittement, comme l’assassin de sa fille. Sébastien retrouvera la trace et l’adresse du prétendu meurtrier mais ne la donnera pas au père meurtri. Qu’il ne devienne pas à son tour assassin. Histoire hallucinante, qui peut laisser penser que l’auteur se donne dans tout ce déballage le beau rôle, celui de l’âme pure qui sauve le monde de ses pires travers. Ce n’est pas tout à fait faux. Comme dans son film bide, Patrick Sébastien se donne ici un peu l’image du sage qui a compris la vie et qui peut l’apprendre aux autres. Au moins montrer la bonne voie. Le bon chemin.

Un peu « osé ».

La dernière partie du livre, elle, est très « Osons », l’émission Elkabachienne (Osons, c’était le slogan d’Elkabbach à France Télévisions) qui lui valut tous ses troubles, jusqu’au canon sur la tempe. La faute à quelques sketches délicats, mal perçus. Dieudonné avant l’heure.

En tout cas, l’épisode « Osons », raconté dans le détail, est la meilleure partie du livre. Elle s’avale comme un polar, sans blague. Elle se termine par quelques « doutes » émis sur la prétendue mort « accidentelle » de l’ami (de Patrick) Coluche. Et si ce n’était pas un accident ?

Bon, là, évidemment, on tique. On lève les yeux, voir s’il n’y a pas quelques soucoupes.

Tout le problème de ceux qui s’estiment « malaimés », ils peuvent se laisser aller à voir des complots partout.

Il n’empêche, même si Putain d’audience ne méritait pas le Goncourt du pamphlet, même s’il ne fera sans doute pas accélérer le rythme cardiaque de Patrick Le Lay, même s’il ne recadrera pas la télévision, même s’il est globalement mal écrit, qu’il paraît plutôt balancé comme ça comme on décocherait une paire de baffes, ses pages sentent quand même fortement la sincérité. Un numéro moins risqué que ce que prétend l’auteur (un peu mélodramatique, par moments) mais quand même assez courageux.

Patrick Sébastien, ce « brave con ami avec Paul Préboist », vaut mieux que tous les Delarue de l’église cathodique.

Ca ne se discute pas.


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