Ce qu’il nous faut : un vrai référendum (le R.I.C.) et une refonte totale du système représentatif

par Singala
vendredi 11 janvier 2019

Ce qu’il nous faut : un vrai référendum (le R.I.C.) et une refonte totale du système représentatif.

  La stratégie du chef de l’état et de ses zélés serviteurs face aux Gilets Jaunes se révèle de plus en plus clairement : dissuader les Gilets Jaunes et ceux qui les soutiennent de manifester, provoquer le désordre et la confusion pour discréditer le mouvement en faisant un usage agressif et inadapté du maintien de l’ordre, visiblement disproportionné par rapport à un mouvement très majoritairement pacifique ; tout cela avec la complicité objective des grands médias, quand ce n’est pas une servilité allant jusqu’à l’hystérie.
  Quand une majorité de français continuent à exprimer leur soutien ou leur sympathie envers les Gilets Jaunes, les commentateurs des principaux médias continuent, eux, à faire écho bruyamment à la communication élyséenne, font mine de s’interroger en prenant l’air malin sur ce que veulent les Gilets Jaunes, oublient systématiquement d’évoquer les faits avérés qui contredisent les versions du ministère de l’intérieur, ne vont pas regarder du coté des Gilets Jaunes blessés, mutilés, dont le nombre commence à être impressionnant, amplifient dans une sorte de jouissance malsaine certains faits surinterprétés, augmentent le malaise et le trouble dans toute la société en hystérisant tout débat par des insinuations, des amalgames, des stigmatisations…
  Que la stratégie du chef de l’état soit de l’ordre du « ça passe ou ça casse ! », comment en douter encore depuis les « voeux » du 31 décembre 2018 et les discours qui ont suivi depuis, celui du premier ministre, puis dans la foulée celui du porte parole du gouvernement. Jour après jour, ils discréditent encore un peu plus, s’il était besoin, les fonctions qu’ils sont censés incarner.
  Il n’est pas étonnant que dans ce contexte de discours guerrier un ancien ministre de l’éducation se lâche en appelant les policiers à « se servir de leurs armes une bonne fois ! », appelant même à l’intervention de l’armée « capable de mettre fin à ces saloperies… » !! Les dérapages verbaux accompagnent les dérapages policiers et la stratégie autoritaire du chef de l’état, et on a sans doute pas encore tout vu de ce coté-là… Tout cela indique comme une fin de règne et la nécessité de réfléchir à de nouvelles institutions, c’est à dire à une nouvelle constitution.
 
  Dans le texte de la constitution actuelle le peuple est en principe souverain ; mais sa souveraineté lui a été volée, objet d’un double dévoiement : dévoiement du référendum dans la mesure où seul le pouvoir en décide, dévoiement du système représentatif car celui-ci actuellement reflète bien plus les intérêts de groupes particuliers que l’intérêt commun.

  Le Titre 1. Art 3 de la Constitution définit clairement les choses : « La souveraineté nationale appartient au peuple qui l’exerce par ses représentants et par la voie du référendum » Or ces mots ont été vidés de leur sens du fait que la question soumise à référendum est toujours posée par les « gens d’en haut ». Voila pourquoi le référendum ne permet pas au peuple actuellement d’exercer la souveraineté. Voila pourquoi le Référendum d’Initiative Citoyenne est nécessaire. Le seul pouvoir qui reste au peuple dans ce cas est celui de dire Non, comme il l’a fait en 2005. Le fait qu’on n’ait pas tenu compte de ce Non montre bien combien ce type de référendum est néfaste, antipopulaire et à proscrire. Il ne peut convenir qu’à ceux qui trouvent que le peuple les gêne dans leurs intrigues pour servir les puissants et les possédants ; ils préfèrent se passer du peuple pour continuer à mener leurs affaires entre eux.
  Le fait que les « gens d’en haut » aient piétiné le vote de 2005 prouve deux choses : la première c’est la conception autoritaire qu’ils ont de la chose publique (res publica) et de la démocratie, ce qui traduit une peur de la volonté populaire ; la deuxième c’est que seul le Référendum d’Initiative Citoyenne permet l’exercice de la souveraineté ; ce qui suppose a minima une révision constitutionnelle. De plus l’exercice de la souveraineté ne peut s’exercer à moitié, c’est pourquoi il doit porter sur tous les sujets, aussi bien en matière constitutionnelle que législative, « en toutes matières » comme disent les Gliets Jaunes.

  Mais si le Référendum d’Initiative Citoyenne est nécessaire, il est insuffisant pour l’exercice plein et entier de la souveraineté, car il ne peut pas convenir au traitement régulier des questions nombreuses qui se posent dans une société aux rouages complexes. Comme on ne peut pas se passer de représentation il faut inventer ses formes nouvelles. Il faut aussi séparer dans l’analyse la question du référendum et celle des formes de la représentation car ces deux façons d’exercer la souveraineté fonctionnent selon des logiques différentes, qui devraient se compléter cependant et se stimuler mutuellement.

 Ce qui amène à se poser deux grands types de questions :

A) A quelles conditions le Référendum d’Initiative Citoyenne permettra-t-il vraiment l’exercice de la souveraineté ? il faut ici examiner toutes les questions qui se posent dans sa mise en pratique et y répondre. 
B) D’autre part si le Référendum d’Initiative Citoyenne ne suffit pas pour définir démocratiquement les politiques que le pays doit suivre, il reste à définir ce que doit être un représentant dans un régime vraiment démocratique. Il faut donc articuler le Référendum d’Initiative Citoyenne et un nouveau système représentatif, radicalement différent de celui que nous connaissons. La souveraineté doit marcher sur deux jambes : le Référendum d’Initiative Citoyenne et la désignation de représentants mandatés.

 A) Il est entendu que le Référendum d’Initiative Citoyenne doit être législatif, abrogatoire, révocatoire, constitutionnel.


  En premier lieu le texte de la pétition soumise à référendum doit être clair et précis pour ne prêter à aucune équivoque. Ce point devra être vérifié par une instance indépendante, un conseil constitutionnel complètement rénové.
  Sur la mise en oeuvre, voici les questions /à compléter si besoin / à débattre entre tous ceux qui souhaitent instaurer le Référendum d’Initiative Citoyenne.

1°Le nombre de pétitions de citoyens nécessaire à sa convocation ? 1,5% (700000) parait être le bon seuil, les signatures étant validées par une instance indépendante.
2° Combien de temps pour le recueil des signatures ? 3 mois maximum.
3° Qui rédige la question ? N’importe qui, individu ou groupe.
4° Sur quels sujets ? Tous.
5° Rythme des Référendum d’Initiative Citoyenne ? Une (ou 2) session(s) /an permettant d’aborder la ou les questions retenues.
6° Une fois le nombre de signataires atteint, quel délai pour l’information et les débats jusqu’au vote ? 6 à 8 mois devraient suffire.
7° Le texte, s’il est voté, peut-il être amendé par quiconque ? Non, on ne rajoute ni ne retranche rien.
8° Quel seuil minimal de participation au vote ? 50% du corps électoral pour les lois, 70% pour les questions constitutionnelles.
9° Le parlement, le gouvernement ou le chef d’état peuvent-ils rejeter le vote ? Non.
10° Quelle institution indépendante pour vérifier la mise en oeuvre ? Un conseil constitutionnel refondu et rénové composé de trois constitutionalistes et d’un nombre à déterminer de citoyens tirés au sort.
11° Une fois le vote réalisé quel délai pour l’écriture d’une loi et ses décrets d’application ? Le plus vite possible, 3 mois maximum. Le Conseil Constitutionnel rénové vérifie que la loi écrite ne contredit ni ne modifie le sens du texte initial de la pétition.

B)  Mais le Référendum d’Initiative Citoyenne, s’il est nécessaire, ne suffit pas à faire une démocratie effective.

  Considérer que le Référendum d’Initiative Citoyenne à lui seul permettrait au peuple d’exercer la souveraineté nationale c’est penser que le peuple pourrait se passer de représentants et même peut-être de gouvernants. Imaginer que le peuple pourrait se gouverner lui-même sans médiation aucune, c’est rêver d’un peuple uni dans une espèce de fusion, sans contradictions, sans conflits, sans institutions pour régler les différends. Ça supposerait d’autre part résolus quelques problèmes de taille, comme l’inégale compétence des individus selon les sujets à traiter, l’inégale appétence de chacun envers la chose publique, etc. Sans compter qu’on ne pourra pas faire un référendum tous les quatre matins.
  Entre le peuple qui délibère et le passage à l’exécution des lois comment se passer de médiations, notamment de cette étape que constitue l’assemblée nationale, nécessairement restreinte, qui se chargera de mettre en musique les décisions. Le mérite du référendum, à condition qu’il soit vraiment à l’initiative des citoyens, est de porter une question à l’attention de tous, de délibérer afin de décider si cette question mérite de faire force de loi ou non ; mais le Référendum d’Initiative Citoyenne ne permet pas à lui seul de fabriquer telle ou telle loi, ni du comment la faire appliquer.
  C’est pourquoi il ne faut pas opposer démocratie directe et démocratie représentative, ni sacraliser l’une pour diaboliser l’autre. Ce n’est pas l’idée de représentation qu’il faut combattre c’est la façon dont elle a été appliquée depuis plus de 200 ans. Il faut certainement rompre avec le système représentatif défaillant que nous connaissons, système électoral qui donne tout le pouvoir aux partis, à leur penchant naturel pour l’intrigue et le pouvoir, système qui vide de tout son sens le beau mot de démocratie ( démos-kratos = pouvoir du peuple) et mine l’idée du suffrage universel. Il ne s’agit pas pour autant de se passer de tout système représentatif ; comment se passer de représentants dans un pays de 65 millions d’habitants ? Pour remplacer ce système représentatif il faut reprendre le fil de la longue histoire au cours de laquelle le peuple a su inventer les formes démocratiques dont il avait besoin.

  Dès le moyen-âge le peuple français pour se défendre face aux puissants avait construit un système élaboré de délibération démocratique et de délégation qu’explique très bien l’historienne Florence Gauthier (1) : des réunions d’assemblées communales écrivaient leurs cahiers de doléances et désignaient leurs mandataires pour des missions précises, qui consistaient à porter ces doléances à l’échelon supérieur et à défendre leurs demandes ; ces mandats étaient impératifs, ces mandatés étaient révocables par leurs mandants s’ils ne remplissaient pas la mission qui leur était confiée. Les mandatés désignés par les assemblées primaires locales choisissaient selon le même principe des mandataires de 2ème degré au niveau régional, révocables eux aussi, qui se rendaient à Paris quand il y avait la convocation des Etats Généraux. Ce système date du 14ème siècle. On appelait « commis de confiance » ces représentants désignés pour une durée assez courte en général et révocables et dont le mandat pouvait être renouvelé.
  Cet usage démocratique des « commis de confiance » a fonctionné plus ou moins pendant quatre siècles, mais les rois n’ont plus convoqué plus les États Généraux à partir de l’avènement de la monarchie absolue au XVIIème siècle ; cet usage des « commis de confiance » a été remis à l’honneur de façon spectaculaire en 1789, puis a fonctionné pendant la période révolutionnaire de 1789 à juillet 1794.
  Avec l’avènement du Directoire, le 9 thermidor, va s’édifier un nouveau système très différent du précédent, c’est celui qui survit encore aujourd’hui mais sous une forme dégradée, quasi moribonde. Des candidats, présentés par des partis politiques transformés en écuries électorales, briguent les voix des électeurs en les trompant sur leur intention réelle dans la très grande majorité des cas. Forts de leur élection ils disent représenter la volonté du peuple et prétendent légiférer en son nom alors qu’ils défendent avant tout les intérêts de leur groupe et leur stratégie personnelle qui consiste à se faire ré-élire. ils s’attribuent ainsi une légitimité absolue à parler au nom du peuple c’est à dire à sa place.
  Avec ce système d’élection par candidature partisane et non par désignation des pairs dans les assemblées de base, les gens foncièrement honnêtes au sein des partis politiques (et il y en a), ont beaucoup de mal à se faire entendre car ce système est vicié dès l’origine, la souveraineté populaire étant captée dès le départ par les plus ambitieux ; ces quelques uns prétendent représenter le peuple mais ils ne représentent souvent qu’eux-mêmes, ou leur parti, ou un groupe dans le parti. Si on ne veut pas reproduire les mêmes abus de pouvoir, il faut combattre ce dévoiement de l’idée de la représentation qui a conduit à la rendre détestable, ce n’est donc pas la représentation elle-même qu’il faut combattre, mais la façon dont elle a été pervertie pendant plus de deux siècles, mis à part les trois mois de la Commune de Paris aussitôt réprimés sauvagement ; c’est pourquoi il faut se ré-approprier notre histoire en adaptant les avancées démocratiques du passé à la situation de notre temps.

  Comment définir la fonction de cette médiation qu’est toute forme de représentation ? Le représentant est-il un simple messager ? Cela serait peu crédible. Un porte parole ? Pas suffisant. Un représentant attitré, un député ? Oui, mais à condition qu’il soit, comme on l’a vu, révocable et remplaçable. Restent à définir les modalités de la révocabilité d’un représentant, à quelque niveau que ce soit, et ce n’est pas le point le plus facile à résoudre car il faut pouvoir établir de façon convaincante et argumentée qu’il a fauté, là où il a fauté, pour éviter cabales, intrigues et manipulations plus ou moins directes ; puis il faut définir précisément les modalités de la décision de révocation. Le représentant d’autre part sera-t-il simplement défrayé ou bien recevra-t-il une rémunération ( laquelle ?) pour sa tâche ? Quelle seront les durées minimales et maximales du mandat ?… Et puis enfin, quels rapports entre les représentants du peuple et l’exécutif ? Quel éxécutif ?
  Surtout comment ces représentants seront-ils désignés dans la procédure de vote aux assemblées, locales, régionales, nationales ? On peut proposer ceci : 90% de représentants désignés parmi les présents aux assemblées à chaque niveau, local et intermédiaire, 10% par le tirage au sort .
  C’est évident d’autre part mais il faut le rappeler, aucun citoyen ne peut être exclu des assemblées à condition qu’ il ne manifeste pas sa préférence partisane, s’il en a une, autrement qu’à travers ses convictions personnelles librement exprimées.

  Par ailleurs le système des partis, actuellement en crise, continuera à exister sous des formes plus ou moins renouvelées et il faudra bien composer avec lui, en espérant que la cohabitation-confrontation entre ce système traditionnel des partis et le Référendum d’Initiative Citoyenne combiné au système de représentation nouveau évoqué précédemment, permettra aux représentants des partis d’évoluer favorablement. Le pays ne peut en effet se permettre d’avoir deux assemblées différentes en concurrence pour la légitimité. Il faut donc une seule assemblée nationale, un seul système mixte de représentation, autrement dit un parlement qui comprendrait 50% de représentants du peuple dûment mandatés, 50% de représentants de partis élus à la proportionnelle. La proportion de tirés au sort serait de 10% pour les représentants choisis directement par les assemblées, également de 10% pour les candidats élus de chaque parti ou mouvement. La question du tirage au sort est une question sérieuse et qui mérite une attention particulière parce qu’elle est souvent évoquée, parfois brandie comme un slogan quand on parle de démocratie, alors qu’elle est suffisamment complexe pour mériter un plus long développement pour présenter ses avantages mais aussi ses inconvénients.

Jean Louis Brunati 10 janvier 2019

1) Florence Gauthier, historienne, spécialiste du XVIIIe siècle, maître de conférences à Paris VII, auteur entre autres de La voix paysanne dans la Révolution, Florence Gauthier collabore à l’édition des œuvres complètes de Robespierre.Florence GAUTHIER est également co-animatrice du site revolution-francaise.net

 Liens sur les « Commis de confiance » :
http://www.lecanardrépublicain.net/spip.php?article751
https://www.pouruneconstituante.fr/spip.php?article1242
http://www.lecanardrépublicain.net/spip.php?article740

   


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