Feu la fête foraine…

par C’est Nabum
samedi 16 décembre 2023

Une bulle en danger.

La fête foraine a du plomb dans l'aile. Bien des municipalités semblent être rebutées par la perspective d’accueillir intra-muros ce vaste capharnaüm festif et coloré qui durant un temps vient troubler l'ordre établi et la tranquillité au profit d'une agitation joyeuse. L'arme au poing, les garants de la paix civile surveillent d'un œil mauvais le stand de tir et le chamboule tout.

Dans nos grandes villes, la fête foraine a été repoussée à la périphérie de la cité, enfermée dans une friche ou bien un vague terrain en attente de reconversion avant que de disparaître au nom de critères qui font fi de la tradition et de l'histoire. Bien sûr, les manèges d'aujourd'hui n'ont plus aucun rapport avec les animations qui accompagnaient les grandes foires qui firent la réputation et la prospérité de ces cités, mais de là à rayer d'un trait de plume ce passé me semble bien léger.

Curieusement, les mêmes censeurs qui font le nez devant des attractions qui n'ont pas l'heur de satisfaire leur désir absolu de sécurité, n'hésitent pas une seconde à organiser un marché de Noël au cœur de la cité, flanqué de son inévitable « Grande Roue » paradigme absolu de la vanité de l'endroit. C'est à croire que cette attraction échappe à la vindicte des responsables contre ce petit peuple des marchands forains qu'ils entendent rayer de la carte.

Pourquoi un tel acharnement ? Les impératifs sécuritaires ne sont pas les seuls en cause pour justifier ce phénomène. Bien des animations adoubées par nos élus présentent les mêmes difficultés pour assurer l'ordre et la sérénité même si celles-ci ne concernent pas le même cœur de cible. Car, à n'en point douter, là est la raison principale de ce rejet honteux. La fête foraine attire un public aisément qualifié d'interlope. Des jeunes incontrôlés, des individus issus des quartiers, des bandes trop bruyantes, des populations chamarrées et exotiques : autant de personnes qui échappent aux préoccupations de nos chasseurs de voix.

La disparition des fêtes foraines pourrait ne pas engendrer mon courroux. Je ne suis pas client de la chose tout comme du reste ceux qui prennent cette mesure castratrice ; pourtant je ne peux me résoudre à observer ce coup tordu sans m'indigner quand par ailleurs j'observe des dérives aussi spectaculaires qu’onéreuses avec des arènes où s'entassent les bons citoyens solvables.

Priver une fange de la population de ce loisir qui de toutes les époques a fédéré le tissu urbain, c'est reconnaître implicitement que la mixité sociale n'est plus de mise, qu'il est des catégories de la population qui échappent aux préoccupations événementielles, qu'il existe une politique du deux poids deux mesures qui flatte les uns et tance les autres.

Les forains quant à eux, sont les dindons de cette farce purement politicienne. Eux qui ont investi des sommes considérables dans des attractions toujours plus spectaculaires, sécurisées, attrayantes et esthétiques voient tous leurs efforts réduits à néant par des élus qui prônent les valeurs du libéralisme et mettent dans le même temps en danger de faillite des entrepreneurs.

Naturellement, la main sur le cœur, ils prétendront qu'ils n'ont rien contre les forains puisque la grande roue est la reine du marché de Noël. Belle hypocrisie que voilà qui montre en dépit de la chose, qu'ils manquent singulièrement de hauteur de vue. La confusion entre culture et distraction qui prédomine le plus souvent, semble exclure l'expression la plus ancienne de la grande tradition festive : la fête foraine.

La bamboche doit être sous contrôle certes mais pour une population qui ne tombe pas sous le délit de sale gueule, quels que soient les critères de cette exclusion implicite. Nous retombons aux errements de 1639 quand le Carnaval fut chassé de la cité :

« Quant à ce carnaval d’Orléans en 1639, il fut l’une des dernières grandes fêtes des fous populaires. Les excès qu’avaient engendré Mario le fou et tous ceux qui allaient à sa suite ce jour-là étaient bien trop dangereux pour les pouvoirs quels qu’ils soient. Louis XIV s’empressa t’interdire de tels évènements susceptibles de servir d’exutoire à un peuple qu’il convenait d’asservir. »

Un conte écrit par la classe d'une école de la ville du temps où la fête foraine faisait rêver les enfants.


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