La directive Bolkestein : beaucoup d’hypocrisie !

par Europeus
vendredi 24 février 2006

Ça y est, le Parlement européen a adopté, la semaine dernière, à une large majorité, ses recommandations relatives au projet de « directive services », dite Bolkestein. Le projet présenté comme diabolique pendant le débat français sur la Constitution européenne n’a plus grand chose à voir avec la mouture initiale. Le principe contesté du pays d’origine, qui devait offrir à des travailleurs de l’Union le bénéfice de leur législation nationale - fût-elle plus ou moins avantageuse - lors de courts déplacements professionnels, a été supprimé. En revanche, le principe de libre-circulation des services est affirmé, et les Etats pourront faire appliquer leur législation nationale en matière de droit du travail, de sécurité, d’environnement et d’ordre public aux travailleurs venant effectuer une activité, même à titre temporaire, sur le territoire. La crainte de dumping social émanant des nouveaux Etats membres de l’Est, la peur du plombier polonais, n’ont donc plus lieu d’être. Qui plus est, les services publics non marchands sont exclus, ainsi que nombre de services publics marchands, a priori à la plus grande satisfaction des socialistes français...

En réalité, ce projet est l’un des seuls qui, en l’état actuel de l’Union, puisse permettre d’accélérer la croissance et de créer des emplois, bien plus que le CPE ou toute mesure nationale. L’enjeu est simple, les services représentent 70 % de l’activité économique de l’Union européenne, l’essentiel des emplois nouveaux créés en Europe le sont par des PME. Or, aujourd’hui, le développement de ces entreprises est freiné par la petite taille des marchés nationaux et par les nombreuses entraves bureaucratiques nationales qui compliquent la fourniture de services au sein du marché intérieur européen. Difficile, dans ces conditions, de rivaliser avec ses concurrents américains ou indiens, qui bénéficient d’immenses marchés nationaux ! C’est l’une des raisons qui explique que les PME innovantes européennes ont beaucoup de mal à se transformer, en une ou deux décennies, en leaders mondiaux, à l’instar de Microsoft ou de Google.

Dans ces conditions, comment expliquer l’opposition des socialistes français au projet ? Démagogie pure et simple. Les députés européens du PS ont été à l’initiative des principaux amendements qu’ils ont votés d’une seule voix. C’est une socialiste européenne allemande, Evelyne Gebhardt, qui n’est pas pour parler franchement une libérale pur sucre, qui a été le rapporteur de ce texte. Et le groupe du Parti socialiste européen au Parlement, qui comprend le PS français, s’est prononcé en faveur du projet. Deux députés socialistes, Rocard et Savary, ont préféré ne pas prendre pas part à la mascarade. L’un a voté pour, l’autre s’est abstenu. En réalité, le PS, qui doit faire l’union sacrée autour de son candidat au deuxième tour de l’élection présidentielle, reste l’otage de ses partenaires communistes et verts. Voter oui aurait constitué un casus belli pour 2007. Le plus drôle, dans l’affaire, c’est qu’en votant non, le PS se retrouve sur la même ligne que les libéraux britanniques, qui jugent ce texte décidément trop peu libéral à leur goût !

Que retenir de cette affaire, si ce n’est la transparence et le véritable pouvoir d’amendement du Parlement européen, qui n’est pas, comme certains parlements nationaux, une simple chambre d’enregistrement des décisions de l’exécutif ! Son influence, également, sur la Commission européenne, qui s’est engagée à se conformer aux décisions de l’assemblée strasbourgeoise ! La démocratie européenne avance, et elle fonctionne souvent mieux que les démocraties nationales. A bon entendeur...

Guillaume Klossa est président d’EuropaNova


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