La faute à Bush

par Alain Hertoghe
vendredi 9 septembre 2005

Onze jours après le passage du cyclone Katrina, le lundi 29 août, sur La Nouvelle-Orléans, la Louisiane et ses états voisins, faisons un premier bilan. Pas du nombre de morts, car entre les chiffres officiels provisoires (plus de 300 décès) et les estimations avancées (quelque 10.000 morts), la différence reste trop grande pour connaître l’ampleur finale de l’hécatombe.

Par contre, il est maintenant possible, avec le minimum de recul requis, de procéder à un bilan provisoire des responsabilités respectives dans la défaillance généralisée des autorités avant, pendant et après le passage de Katrina.

En raison du cadre fédéral de l’Etat américain, des comptes doivent être demandés à plusieurs niveaux : 1) à celui du Président républicain George W. Bush et de son administration nationale (Michael Chertoff, le secrétaire à la sécurité intérieure ; Michael D. Brown, le directeur de la Fema, l’agence chargée des situations d’urgence ; Donald Rumsfeld, le secrétaire à la défense) ; 2) à celui des autorités locales (Ray Nagin, le maire de La Nouvelle-Orléans, Kathleen Banco, gouverneur de la Louisiane).

A tout président tout honneur, Bush a fait gravement défaut à ses citoyens dans la détresse : dès le 30 août, au plus tard le lendemain, il aurait dû quitter son ranch texan et se rendre sur le terrain, à La Nouvelle-Orléans, pour galvaniser les services de secours et réconforter les sinistrés. Lui seul aurait pu faire sauter tous les verrous bureaucratiques pour que l’aide arrive rapidement et massivement. En tant que commandant en chef, il aurait dû donner l’ordre à Rumsfeld d’envoyer la cavalerie sur le champ (après les fautes de ce dernier en Irak, son attentisme face à la catastrophe Katrina devrait lui valoir une retraite bien méritée). Et il aurait dû également virer sur-le-champ les (ir)responsables de la sécurité intérieure et des situations d’urgence, Chertoff et Brown.

Mais la passivité de Bush n’exonère en rien les autorités locales. Chacun est 100% comptable de sa part de responsabilité.

Comment le maire et le gouverneur, tous deux démocrates, ont-ils en effet pu laisser arriver cette tragédie annoncée depuis des années (notamment en 2002 par le Times-Picayune, le quotidien local) ? Le gouvernement et le Congrès fédéraux refusaient les fonds nécessaires au renforcement des digues protégeant La Nouvelle-Orléans. Certes. Et cela leur a suffi pour dormir la conscience tranquille en attendant Katrina ? Face à cette question de vie ou de mort, Nagin et Banco ne pouvaient-ils pas susciter une mobilisation populaire et en prendre la tête (pétition, ville-morte, marche sur Washington...) jusqu’à ce qu’ils obtiennent le niveau de protection vital à leurs administrés ?

A l’approche du cyclone, le maire aurait évidemment dû réquisitionner tous les autobus de sa ville pour mettre à l’abri les habitants sans moyen de locomotion. Et le gouverneur devait-il attendre que Bush lui téléphone, deux jours avant le drame, pour ordonner l’évacuation de la population ? Aux électeurs de La Nouvelle-Orléans et de la Louisiane de les sanctionner dans les urnes à la prochaine occasion. Sans oublier les élus au conseil municipal, ainsi que ceux du Congrès de l’Etat et du Congrès fédéral de Washington qui ont brillé la plupart par leur coupable absence et/ou discrétion...

Hillary Clinton, sénateur de New York, a raison : la mise en place d’une commission d’enquête sur les dysfonctionnements et les responsabilités dans cette tragédie, indépendante de l’administration et du Congrès, s’impose par respect pour les morts et les sinistrés. La refuser serait, de la part de Bush, une faute supplémentaire.

En France, cela nous rappelle évidemment la canicule de 2003 et ses 15.000 morts. Le Président Jacques Chirac resta en vacances au Québec ; le premier ministre Jean-Pierre Raffarin attendit une semaine pour écourter les siennes ; le ministre de la santé, Jean-François Mattéi, et le ministre délégué aux personnes âgées, Hubert Falco, ne démissionnèrent pas... Et une commission d’enquête indépendante ne vit jamais le jour... Pas d’exception française en la matière !


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