Le Grand Israël de Netanyahou déshonore le peuple juif

par Boogie_Five
samedi 4 mai 2024

Spinoza, Freud, Arendt, Trotsky, Einstein, Marx, Horkheimer et Adorno, Jesus et les apôtres, Woody Allen, Blum, Kubrick, Kafka, Rosa Luxemburg, Alfred Dreyfus, Spielberg, Dylan... après une telle suite royale qui peut nous élever jusqu’au firmament, combien d'éminences juives de renommée internationale le nouvel Israël a-t-il fait émerger, de cette nation construite de bric et de broc par des esprits de troisième ou quatrième catégorie ?

Des nains qui n’arrivent même pas à se hisser sur les épaules de leurs prédécesseurs, leur vision tellement rivée au sol, soi-disant relié au saint des saints, qu’ils en ont oublié le ciel, qui s’éloigne à mesure qu’ils s’accrochent à un bout de terre : par tous les dieux, où sont passés les grands esprits juifs qui ont tant contribué à la culture et au savoir du monde que nous connaissons ? Sont-ils cachés parmi ce nouvel Israël, vendu comme la quintessence d’un Occident en quête d’une légitimité qui reste encore à prouver ? Il y a fort lieu d’en douter.

L’Israël contemporain ne serait-il pas le nom d’une usurpation d’identité et d’une copie très médiocre d’un royaume mythique ancien dont la chute tragique et glorieuse a pourtant inspiré un si grand nombre d’épopées médiévales, où les nobles partaient en quête d’une identité et d’une communauté perdues ?

Reclus dans des petites murailles bidons qui ont flanché avec des bricolages et des pelleteuses, bardés comme des robocops et surarmés jusqu’au ridicule, les nouveaux juifs israéliens sont très loin de ressembler à leurs aïeux chevaleresques emmenés par Moïse, qui bravaient les éléments et les troupes impériales des pharaons. La nation israélienne moderne des sionistes est le produit d’esprits médiocres qui ont déshonoré la religion et la communauté juives. L’attaque terroriste du 7 octobre a révélé que ce nouveau royaume était en toc, et repose sur le mythe illusoire et fallacieux du retour d’une diaspora en cours d’accomplissement, pour affronter la fin des temps. Mais la liesse juvénile autour d’un festival paisible et chaleureux a basculé soudain dans l’horreur réelle qui entoure cette antichambre au paradis terrestre : la résurgence du fanatisme haineux et terroriste sur lequel a toujours reposé le projet colonial sioniste. L’escroquerie d’un pays de cocagne, bucolique et apaisé comme chez les mormons de l’Arkansas, a volé en éclats. Et l’oligarchie libérale post-chrétienne est entrée en hystérie. Le djihadiste est apparu dans le miroir dans lequel elle s’admire, et le brisa en mille morceaux.

Après l’hécatombe, où fut décimée la gauche israélienne, est-ce vraiment responsable d’encourager à intensifier puis à continuer encore et encore d’imposer de force un projet qui n’a plus d’actualité, n’est plus du tout en lien avec ce qui faisait la vraie grandeur de l’identité juive, qu’Israël trompe et incarne si mal, à savoir ses immenses culture scientifique et œuvre théologico-philosophique ?

L’ultrasionisme néolibéral de Netanyahu ne fait que vendre à la découpe des bouts de Terre sainte et escroque le peuple juif en lui promettant le retour au royaume mythique de David et de Salomon, comme le ferait n’importe quelle secte évangélique américaine. Le pauvre colon crédule se retrouve coincé entre quatre barbelés où s’explosent des pauvres hères encore plus désespérés que lui. N’en déplaise aux détracteurs qui guettent l’antisémitisme derrière la moindre critique, le sionisme n’est pas ou n’est plus le synonyme d’un judaïsme envié et désiré pour ses richesses et ses privilèges. Il est devenu plutôt la figure antagonique, dégoûtante, d’une pauvreté d’esprit et d’un égoïsme considérables qui s’opposent totalement à l’ouverture multiculturelle et altruiste qui caractérise la grandeur du peuple juif, autrefois vraiment jalousé pour des richesses qui n’étaient pas factices et surtout pas basées sur le vol, le rapt et le massacre, mais sur des compétences techniques et culturelles exceptionnelles mises au bénéfice de tous.

L’Israël moderne fait davantage preuve d’incompétence, d’ignorance crasse et d’un esprit si borné, comparé à l’intelligence généreuse et incommensurable dont a toujours fait preuve la diaspora juive en dehors de ce projet colonial catastrophique, virant aujourd’hui au fascisme évangélique, comme une saga biblique hollywoodienne jetée dans le décor de The wicker man. Mais quelque part, peut-être est-ce une étape indispensable pour le peuple juif de se normaliser au sein de l’Occident américanisé, de quitter cette figure de victime éternelle d’exception, forcément soucieuse de progressisme et de cosmopolitisme, encore collée aux basques. Pour gagner enfin le droit souverain de faire ce que toutes les puissances occidentales se sont permis de faire : coloniser, tuer voire exterminer puis exploiter des populations démunies et sans défenses, racisées jusqu’à l’os. Voilà où se situe vraiment le nouveau saint des saints ! La chasse et l’exploitation sans fin des palestiniens étant la mission divine ultime et essentielle, qui conditionne toutes les autres, notamment l’existence de l’État israélien moderne.

Suite au 7 octobre, nouveau 11 septembre, nous sommes tous devenus israéliens, parce qu’ils sont eux-mêmes devenus tout à fait comme les autres, surtout les occidentaux qui ont imposé de force la religion du capitalisme. Pas de raison qu’y échappent les cultes et les identités, de ce néolibéralisme qui vend des kits de gouvernement clés en main, avec des manuels de nationalisme autoritaire et de guerre raciale pour casser l’autodétermination des classes et des peuples dominés. Beaucoup d’opportunistes et de suivisme dans cette affaire, où les valeurs éthiques et démocratiques, ainsi que le sort des populations, y compris israélienne, servent de prétexte à un pur et unique enjeu de pouvoir : la domination des riches sur les pauvres. Israël a beau être la plus forte des fictions qui exacerbent des messianismes identitaires, le projet sioniste ne tient qu’au bon-vouloir des États-unis et plus largement des élites libérales post-chrétiennes sécularisées. En première et dernière instance, la légitimité du sionisme intégral, raciste et exclusif, repose seulement sur l’évangélisme libertarien et la mémoire intéressée, tronquée et instrumentalisée, de la Shoah.

 

À quand un autre Israël, universel et œcuménique, également partagé par les trois grandes religions et enfin débarrassé du suprématisme ethnique judéo-occidental ? Avec en plus un micro-État indépendant à Jérusalem même, qui pourrait être géré par un conseil paritaire interreligieux souverain ? Il n’y a que le partage qui permette de sortir de cette situation et personne ne dit que ce sera facile, mais ce sera mieux qu’une fausse solution à deux ou trois états ethniques séparés qui vont de toute façon continuer à se détester tant que l’un n’a pas éliminé les autres. À moins que les États-unis et l’Europe aient déjà signé pour la solution finale proposée par le gouvernement d’extrême-droite israélien : se débarrasser une bonne fois pour toutes du peuple palestinien.

 

Photo : Trump et Netanyahou sur une affiche pour les élections législatives israéliennes de 2019, Jérusalem. 


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