De la Tour Eiffel et des racines de notre désindustrialisation

par Laurent Herblay
vendredi 9 juin 2023

Hier, j’étais à la Tour Eiffel. Et en passant dans les boutiques, j’ai découvert qu’une bonne partie des bibelots vendus sur place sont fabriqués en Chine. Bien sûr, ce n’est pas nouveau, mais pour bon nombre de produits (tee-shirts, peluche), il y a des producteurs hexagonaux. Comment ne pas faire le lien avec ceux qui disaient qu’il n’était pas possible de faire produire les peluches des JO en France  ?

 

Le laisser-faire coupable de nos dirigeants

Il y a six mois, nous apprenions que 90% de la production des mascottes des JO de Paris devait être réalisée en Chine, ainsi qu’une bonne partie des matériaux de ceux qui seront fabriqués en France. Olivier Véran avait défendu ce choix en assurant qu’il n’était pas possible de faire autrement… La filière française n’aurait pas la capacité d’absorber un tel volume de production. Un argument modérément crédible venant d’un médecin qui a pu défendre la non-nécessité du port du masque en pleine pandémie quelques semaines avant de l’imposer sous peine de sanction. Plus fondamentalement, les JO sont décidés suffisamment en avance pour permettre d’anticiper et maximiser la part de la production en France. C’est juste que pour nos décideurs, le fabriqué en France est un gadget de communication et pas une priorité.

Mais comment ne pas faire le lien aujourd’hui avec l’état des boutiques de la Tour Eiffel ? Si les différentes peluches et mascottes des boutiques de la Tour Eiffel étaient fabriquées en France (comme celles des autres sites touristiques où l’Etat a son mot à dire), alors une filière (et les emplois qui vont avec) existerait dans notre pays, et il n’y aurait aucun problème à produire un fort volume en peu de temps. C’est bien parce que nos décideurs sont indifférents au fabriqué en France que nous en sommes là où nous en sommes aujourd’hui. Et que l’on ne vienne pas parler du coût pour des tee-shirts vendus 30 euros en boutique. Des marques qui produisent en France, comme Cocorico, vivent en les vendant 15 euros. Et n’est-il pas effarant de vendre la France avec des produits qui sont fabriqués en Chine ?

Dans le cas de la Tour Eiffel, c’est la mairie de Paris qui pourrait donner aux exploitants des boutiques un cahier des charges contraignant, et ne choisir que ceux qui garantissent un maximum de produits fabriqués en France. Mais non contente de saccager la capitale, Anne Hidalgo et son équipe préfèrent apporter leur contribution au saccage de notre beau pays. Car laisser produire tous ces produits ailleurs qu’en France, ce sont des richesses en moins, des impôts en moins pour payer professeurs, infirmiers et policiers, et des emplois en moins… Alors que notre pays est la première destination touristique au monde, ce sont des milliards de richesse qu’il serait possible de créer en mettant au cahier des charges des boutiques de nos sites touristiques et musées de maximiser le fabriqué en France.

Et il y a ici une spécificité française à cette indifférence de nos dirigeants et hauts fonctionnaires à notre industrie, derrière les exercices de communication sur une réindustrialisation qui n’a pas eu lieu. C’est ainsi que le gouvernement n’avait rien trouvé à redire à ce que le ministère de l’intérieur achète des Ford et des Volkswagen alors que PSA était en difficulté il y a 10 ans. C’est ce qui fait que nous subventionnons l’achat de produits importés (voitures électriques, panneaux solaires) tout en en produisant toujours moins, et alors que nous étions forts il y a 20 ans ! Et alors que les États-Unis ont choisi une démarche protectionniste, en privilégiant les subventions aux véhicules fabriqués localement, et bientôt dont la batterie est aussi locale, on peut craindre que le nouveau bonus soit peu protecteur, d’autant plus que Macron est peu enclin à sortir des règles absurdes de l’UE, peu favorables à cette démarche.

Même si ce n’est qu’un exemple un peu anecdotique économiquement, le cas des boutiques de la Tour Eiffel est très significatif politiquement. Les exercices dérisoires de communication autour d’une réindustrialisation qui n’a pas eu lieu ne parviennent pas à cacher la culpabilité de nos dirigeants, gauche, droite ou extrême-centre confondus, qui ont abandonné nos industriels, même quand il est simple de les aider.


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