Les monstres

par C’est Nabum
vendredi 26 mai 2023

 

Phénomène de société.

 

On les prétendait encombrants, ils le sont effectivement au point de devenir indésirables dans une maison et plus encore dans un appartement. Ils s'entassent, insupportables rebuts, énormes détritus d'une obsolescence qui se moque de ses reliefs. Ils gisent là dans un coin de garage, une remise ou bien un coin de jardin, attendant vainement qu'une main secourable ne vienne les embarquer pour un dernier voyage.

Il fut un temps où la communauté, soucieuse de rendre service, organisait de temps à autre le ramassage de ces épaves du consumérisme forcené. Pratique drolatique d'alors qui faisait se rencontrer sur le trottoir des voisins qui habituellement ne se voyaient jamais. Les uns de regarder l'amoncellement des autres tandis que les autres n'hésitaient pas à donner un coup de main aux premiers, en mal de porter un plus lourd, un plus gros rebut désormais inutile.

Chacun met le nez au pas de sa porte, la rue reprend une vie qui était son quotidien dans un passé lointain. On se parle, ce qui est si peu fréquent et on s'amuse de la ronde des chineurs, des glaneurs qu'ils soient professionnels ou bien occasionnels et qui dans l'instant chargent ce qui fera leur bonheur.

Petit inconvénient notable, nos visiteurs ne se soucient guère de la cohérence du tas. Ils dispersent, éparpillent, ventilent au gré de leur fouille hystérique à moins qu'elle ne soit empressée, redoutant qu'un autre les devance dans la quête de ce qui est susceptible d'être revendu. Les voisins solidaires refont inlassablement l'agencement jusqu'à ce qu'ils renoncent devant les incessantes vagues de pillards disperseurs.

Chacun de se saluer puis de s'en retourner dans sa demeure tandis qu'une partie de la nuit, la ronde des visites sur le trottoir perdurera. Au petit matin, la rue est un champ d'immondices, dispersion aléatoire de ce qui finalement, ne servira plus à quiconque. Les monstres gisent lamentablement à même le trottoir, s'offrant même quelque échappée belle sur la chaussée. Des automobilistes s'en plaignent de tonitruants coups de klaxons indisposant ceux qui n'y sont pour rien.

Il faudra attendre le passage de la grosse benne à la gueule grande ouverte pour voir disparaître les derniers reliefs de ce banquet monstrueux. La vie normale reprend ses droits, les voisins cessent de se parler en attendant le retour de ce moment si particulier …

Tout ça c'était avant. Avant la suppression de ce service sous prétexte de la généralisation des déchetteries. Argument qui fait fi des impératifs que supposent ces dispositifs pour lesquels l'automobile munie d'une remorque semble incontournable. Les décideurs aiment à prendre des orientations qui favorisent toujours les mieux équipés, les plus adaptés à cette société en laissant sur le bas-côté ceux ??? ils s'étonnent par la suite qu'ils ne votent plus.

Il y a encore les professionnels qui sont attendus comme au coin du bois, payant taxe sur taxe pour se débarrasser des gravats et autres indésirables liés à leur travail. Certains, pour échapper à ce racket injuste font le choix de la décharge sauvage. Même si c'est parfaitement scandaleux, comment leur reprocher de tenter d'échapper à de telles ponctions quand les grandes entreprises échappent elles, à l’impôt et à ces menus désagréments.

Les véritables monstres sont tous ceux qui décident non pas dans l'intérêt commun mais au nom d'une prétendue économie qui au bout du compte finit toujours par se retourner contre la collectivité. Un grand nettoyage s'impose, les écuries d'Augias ne sont-elles pas dans les centres de décision ?

À contre-logique


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