Quel avenir, pour la charte de la diversité ?

par TSAKADI Komi
samedi 17 décembre 2005

La crise des banlieues en France a eu « le mérite » de réactualiser le problème de la discrimination dont font l’objet les personnes issues des minorités (noirs, arabes) dans la société française en général, et dans le monde de l’entreprise en particulier. Problème auquel la Charte pour la diversité a pour objectif d’apporter une solution.

Signée en octobre 2004 à l’initiative de l’Institut Montaigne (un club patronal présidé par le patron d’Axa, Claude Bébéar), cette Charte engage les entreprises signataires à respecter l’équité entre leurs salariés, à recruter des personnes issues de ces minorités, et à contribuer à la reconnaissance et à l’intégration de ces personnes dans l’entreprise.

Un an après sa signature par quarante entreprises, on dénombre 300 entreprises qui se sont engagées par ladite charte « à respecter et à promouvoir l’application du principe de non-discrimination ». Mais il semble que les trois quarts de ces entreprises n’ont rien fait dans ce sens. Malgré la bonne volonté d’Azouz Begag, ministre délégué à la promotion de l’égalité des chances, qui souhaite amener en deux ans un millier d’entreprises à signer ce texte, il est peu probable de voir se concrétiser ces objectifs dans un proche avenir.

A défaut d’adopter des mesures de discrimination positive pour soutenir les objectifs de cette la charte, en vue de favoriser la diversité au plus haut niveau dans les entreprises en France, ladite charte restera très limitée dans ses effets.

C’est dire la nécessité de repenser les stratégies à adopter pour combattre les discriminations à l’embauche. Certaines initiatives sont louables, notamment celles de la Halde (Haute autorité de lutte contre toutes les discriminations et pour légalité), dont les CV anonymes font partie... Mais elles ont aussi leurs limites.

Il peut être légitime de se demander pourquoi on ne s’inspire pas de l’exemple de l’insertion des handicapés dans l’entreprise : c’est-à-dire, pourquoi n’aurait-on pas une semaine pour l’emploi des personnes issues des minorités, comme pour les handicapés qui ont leur semaine, célébrée cette année du 14 au 20 novembre. Une telle semaine devraitt permettre de mettre en lumière le manque de diversité au sein des entreprises, de mesurer la diversité ethnique et culturelle des salariés, et encourager les entreprises à refléter dans leur effectif les diverses composantes de la société française. L’institutionnalisation d’une telle semaine peut comprendre aussi l’attribution d’un prix du meilleur entrepreneur, pour récompenser les acteurs de cette diversité.

Pourquoi ne pourrait-on contraindre des entreprises à recruter un certain pourcentage de personnes de couleur, ou à défaut de s’acquitter d’une contribution financière à un fonds pour l’insertion professionnelle des personnes issues de minorités, à l’instar de ce qui se fait pour les handicapés ? En effet, les entreprises de plus de 20 salariés sont contraintes de recruter 6% de personnel handicapé, ou de s’acquitter d’une contribution financière à Agefiph (Fonds pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées), pénalités qui vont être accrues selon les termes d’une nouvelle loi applicable en 2006.

Mais un tel système peut aboutir à des dérives, dans la mesure où des entreprises se contenteraient de recruter du personnel issu de ces minorités pour des emplois subalternes, afin d’avoir le quota exigé, ou de payer la contribution financière exigée.

D’où la nécessité d’œuvrer pour une prise de conscience générale du problème de la diversité auprès des chefs d’entreprise en France. Pour ce faire, il faudrait que dans chaque ville de France, soient créés, à l’initiative des maires ou de leurs adjoints en charge de la diversité, des clubs entreprise et diversité (CED) pouvant regrouper des dirigeants d’entreprise, des cadres, des salariés convaincus de l’importance de la diversité dans l’entreprise, des dirigeants d’entreprise issus de ces minorités pour œuvrer pour la promotion de cette diversité, et encourager les jeunes entrepreneurs issus de ces minorités à créer des entreprises dans les créneaux porteurs, favoriser le recrutement des personnes issues de ces minorités et promouvoir les sociétés créées par ces derniers. La loi sur le mécénat aidant (adoptée le 22 juillet 2003, cette loi a doublé la déduction d’impôts à 60%), ces clubs peuvent recueillir des fonds auprès de leurs entreprises membres pour financer des projets de personnes issues de l’immigration qui souhaitent créer des entreprises ou reprendre une entreprise. (Selon le Conseil économique et social, 700 000 chefs d’entreprise vont devoir passer la main dans les dix ans à venir, pour cause de départ à la retraite). Pour les diplômés issus de minorités, on peut initier un système de parrainage par lequel des cadres membres de ces clubs apporteraient une « protection » en soutenant ces diplômés dans leur recherche d’emploi, ou en les aidant à obtenir des postes dans leurs entreprises.

On pourrait créer une fédération des clubs entreprises et diversité au niveau national, et organiser chaque année, en marge de l’université d’été du MEDEF (Mouvement des entreprises de France), une université d’été de la diversité dans l’entreprise, pour discuter de la meilleure façon de faire progresser, au sein des entreprises, la part de minorités visibles par leur couleur, leur nom, leur origine, et le métissage qui doit refléter celui de la société française.

De telles initiatives, si elles sont mises en œuvre, contribueront sans nul doute à l’efficience de la Charte de la diversité pour faire de l’entreprise française le chantre de la diversité.


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