Tout le Paris de la modernité au Petit Palais ! L’expo-événement du moment

par Vincent Delaury
mercredi 10 janvier 2024

Bicyclette Peugeot pliante système Gérard transformée en 1912. Edition vers 1920, n° de série 44744, Paris, collection Christophe Lagrange

Après avoir dédié deux premières expositions au rayonnement culturel de la capitale française (« Paris romantique, 1815-1858 » et « Paris 1900, la Ville spectacle »), le Petit Palais, sous la houlette de sa directrice Annick Lemoine et de sa conservatrice en chef Juliette Singer, consacre le dernier volet de sa trilogie au « Paris de la modernité, 1905-1925 », de la Belle Époque jusqu’aux Années folles, avec au milieu le trou noir de la Grande Guerre. Période trépidante, et douloureuse, pendant laquelle Paris, en tant que « ville-monde » située au cœur de l’innovation, attire, parce que capitale cosmopolite bouillonnante devenue le foyer d’un rayonnement culturel sans pareil, les artistes du monde entier et de tous horizons, de Pablo Picasso à Sonia Delaunay, de Marie Vassilieff à Paul Poiret, de Fernand Léger à Joséphine Baker. Chapitré en onze sections, réunissant près de 400 œuvres puisées dans des champs disciplinaires très variés, cet événement choral, associant la mode, le cinéma, la photographie, la peinture, la sculpture, le dessin mais aussi la danse, la musique, la littérature, le design, les arts décoratifs, l’architecture et l’industrie, célèbre, avec panache, et gourmandise !, la fabuleuse ébullition créatrice de ces années-là, sans omettre pour autant la fâcheuse ombre au tableau que fut la Première Guerre mondiale, ô combien meurtrière, avec près de 10 millions de morts et de disparus. Même si, paradoxalement, loin du front, cette Der des Ders, malgré la césure occasionnée, n’empêcha aucunement une grande effervescence culturelle ainsi que des innovations artistiques majeures. À Paris, assurément, les avant-gardes se télescopent, les ruptures sont foudroyantes, les scandales font rage, les mutations sociales s’accélèrent : tout va alors « plus vite, plus haut, plus fort ! », « cette énergie, c’est aussi la devise des Jeux olympiques, organisés à Paris en 1924 », rappelle Juliette Singer (citant Pierre de Coubertin). Bref, après « Paris romantique » et « Paris 1900 », le Petit Palais renoue avec l’exposition-spectacle pour faire de la scénographie une fête. Ainsi, pas impossible que cette gargantuesque exposition polyphonique, qui fera date, soit en soi, de par la griserie qu’elle procure - mais gare au syndrome de Stendhal ! -, une œuvre d’art totale tout en célébrant, avec maestria, ce Paname d’antan, entre lumières et ombres, qui nous manque tant, au vu de la morosité ambiante du temps présent. 

Portrait de Juliette Singer, commissaire de l’expo « La Modernité à Paris », au petit Palais, le 13 novembre 2023, ©photo V. D.

Ça, c’est Paris !

« Tamara Karsavina dansant L’Oiseau de feu », 1910, huile sur toile, Jacques-Emile Blanche (1861-1942), Paris, BnF, bibliothèque-musée de l’Opéra

« La modernité technologique fascine les artistes. L’ambition et la créativité de ces deux décennies sont étourdissantes », résume Annick Lemoine. Une citation d’ailleurs du peintre Chagall (1887-1985), sur un mur au début de l’exposition, résume judicieusement cette atmosphère : « Le soleil de l’art ne brillait alors qu’à Paris. Et il me semblait et il me semble jusqu’à présent qu’il n’y a pas de plus grande révolution de l’œil que celle que j’ai rencontrée à mon arrivée à Paris. » En se donnant à voir par un vaste circuit focalisant, via une immersion du visiteur à 360 degrés, sur les ruptures et les avancées tant artistiques que technologiques de l’époque, ce Paris lumineux de la modernité est vu par le biais de trois prismes passionnants : à travers les différents quartiers (dont la butte Montmartre, la colline de Montparnasse et surtout le quartier des Petit et Grand Palais, écrins de salons automobiles, aéronautiques ou artistiques) qui l’ont rendu incontournable pour moult artistes, dont beaucoup d’étrangers, s’y bousculant, de Robert Delaunay à Chana Orloff en passant par Marcel Duchamp, Man Ray, Max Ernst, Félix Vallotton, Foujita, Kees Van Dongen, Marie Laurencin, Fernand Léger, Tamara de Lempicka, Jacqueline Maval, Amedeo Modigliani, Jeanne Lanvin – pour ne citer qu’eux -, le parcours n’hésitant pas à célébrer toute cette modernité fracassante, marquée par le scandale Fauve au Salon d’automne, l’érotisme du Sacre du printemps de Nijinski ou encore les performances de Joséphine Baker, tout en en montrant des parodies possibles (l’écrivain Roland Dorgelès et ses compères ironisant sur la peinture gestuelle expressive, le comédien Rigadin parodiant le cubisme), assez réjouissantes.

L’écrivain Roland Dorgelès (1885-1973) et ses potes plaisantins de la butte Montmartre, auprès de l’âne Lolo, peintre mi-abstrait, mi-figuratif !

Puis, l'on découvre combien les progrès de la technique et de l’industrie avec l’automobile et l’aviation, le cinéma ou encore le rapport entre les machines et la vitesse transforment la société et Paris, carrefour du monde, en un véritable spectacle urbain, via notamment la folie des grandeurs de l’Exposition internationale des arts décoratifs et industriels.

Automobile Peugeot Type BP1, dite « Bébé Peugeot », torpédo, 1913, métal, cuir. Classée Momument historique. Mulhouse, musée national de l’Automobile / Collection Schlumpf

Enfin, le circuit chrono-thématique aborde cette modernité flagrante au regard des mutations sociales et du rôle des femmes qui participèrent pleinement aux avant-gardes artistiques, les nouvelles silhouettes de la mode agissant alors comme autant de symboles de l’émancipation féminine.

Via l’énumération des trois points suscités (l’art moderne, du fauvisme au surréalisme via le futurisme, le constructivisme et Dada, et sa parodie ; la rencontre sur un aéroplane entre un artiste et une machine à boost puis l’éclat de l’Art déco, ce style connaîtra un rayonnement mondial, qui s’étendra de l’Asie à l’Océanie et jusqu’aux Amériques, avec le Christ rédempteur de Rio de Janeiro, ce Jésus bras écartés du Corcovado de Landowski étant la plus grande sculpture art déco du monde ; la présence des femmes), focus sur mes coups de cœur : Paris est une fête ! Hemingway avait raison (cf. dans le texte, in son roman Paris est une fête (1964), « Si vous avez la chance d’avoir vécu jeune homme à Paris, où que vous alliez pour le restant de votre vie, cela ne vous quitte pas, car Paris est une fête. ». En tout cas, une fête à l'époque, et par intermittences (ne pas oublier l'antisémitisme larvé et le boulet de la Première Guerre mondiale). Très belle expo collective témoignant, à travers une plongée tourbillonnante, qui fait un peu tourner la tête - d’aucuns la trouvant d’ailleurs un peu trop copieuse avec son allure gigogne (des expos dans l’expo) mais ne boudons pas notre plaisir ! –, du bouillon de culture incroyable, façon carambolage, des arts, sciences et technique de cette époque, via un Futurisme y jouant tout de même un rôle moteur (l'éloge de la vitesse, quitte à aller par-delà la morale...).

Paris sur son 31

« Charlot patine », 1916, Charlie Chaplin (1889-1977), film noir et blanc, muet, 24 mn. Production Henry P. Caulfield, distribution Mutual Film

Avec, dans le parcours, à la scénographie architecturée de main de maître par Philippe Pumain, rythmée par de nombreux films bienvenus de René Clair, Fernand Léger ou encore Charlie Chaplin, me concernant, une affection toute particulière pour les artistes faisant de leur propre corps, ou apparence physique, un moyen d'expression et une arme de séduction massive, décloisonnant les catégories pour agir en électrons libres fédérateurs : ils ont pour noms Nijinsky, Charlie Chaplin pariant alors sur l'art tout juste naissant qu'est le cinéma (le plus grand génie du XXe siècle ?), Joséphine Baker et Jean Cocteau.

 

« Charlot cubiste », 1924, Fernand Léger (1881-1955), éléments en bois peint cloués sur contreplaqué, Paris, MNAM/CCI, Centre Pompidou / Dation, 1985

Il faut voir la mine réjouie des visiteurs devant le court métrage de Charlot diffusé dans l’expo. Dans Charlot patine (film en noir et blanc de 1916, avec et de Charlie Chaplin), le pantomime incarne un serveur qui fait du patin à roulettes pendant ses pauses. Chaplin (1889-1977), avec sa gestuelle burlesque appliquant à la lettre la définition du comique selon Bergson (« du mécanique plaqué sur du vivant »), fascinera bon nombre de peintres de la modernité, dont Picasso et Fernand Léger réalisant, en guise d’hommage, un petit assemblage, intitulé Charlot cubiste (1924), présenté ici, constitué d’éléments en bois peint cloués sur contreplaqué, en provenance de Beaubourg. Passionné de cinéma, Léger s’inspire de cet « homme-image » de cinéma afin de créer un pantin articulé, comme déstructuré, digne d’un ballet mécanique à imaginer par le regardeur et qu’il déclinera en plusieurs exemplaires.

 

 

« Joséphine Baker voilée », 1927, Jean Dunand (1877-1942), panneau de laque blonde, noire et argent, famille Dunand

Puis, dans un autre film à côté, on voit la jeune et attractive Joséphine Baker (1906-1975), chanteuse et danseuse arrivée des États-Unis, dans une de ses danses trépidantes dont elle avait le secret. Le fameux Théâtre des Champs-Élysées, après le départ des Ballets suédois, désire renouveler son répertoire en accueillant la Revue nègre en octobre 1925. Cette revue d’anthologie alterne des numéros de danse qui illustre sept tableaux, avec pour toile de fond le Mississippi, New York et ses gratte-ciel. Le talent et la plastique de Baker éclatent alors aux yeux du Tout-Paris : dansés sur du jazz et au rythme du charleston, ses mouvements déhanchés déchaînent bientôt les polémiques, la dernière scène de la « danse sauvage » avec son partenaire étant particulièrement sulfureuse. Star de son temps, Joséphine, jouant sur les contrastes, s’affiche, le soir dans des robes sophistiquées d’une élégance extrême. Accueillie à Paris dans une société non régie par des lois de ségrégation, elle adopte la France comme patrie de cœur. On connaît la suite : devenue Française en 1937, femme de combat, Joséphine Baker s’engagera dans la Résistance en 1940 et recueillera douze enfants, sa « tribu arc-en-ciel » histoire de lutter contre les préjugés. Elle sera la seule femme à prendre la parole lors de la marche sur Washington, en 1963, aux côtés de Martin Luther King.

 

Autoportrait « Ecrivez lisiblement », 1919, Jean Cocteau (1889-1963), lithographie. Menton, musée Jean-Cocteau / Collection Séverin Wunderman

En outre, dans cette expo pétillante, à la fois parenthèse enchantée et bulle de champagne, il y a des cocktails, un Cocteau (avec un superbe autoportrait du poète masqué, de 1919, que, perso, je ne connaissais pas). Le Tout-Paris, animé alors par un nouvel art de vivre, avec des tenues festives qui changent, telles robes de cocktail, paillettes et plumes, épousant fissa les nouvelles danses échevelées, s’accélérant tous azimuts alors que l’époque est portée par une volonté de vitesse s’ouvrant à toutes les nouveautés (le jazz et le charleston, venus d’outre-Atlantique, mais également le cinéma, l’automobile, le train et les paquebots), vient boire, rire et danser au Bœuf sur le Toit, l’un des cabarets les plus emblématiques des Années folles et du 8e arrondissement de Paris : on y croise Gabrielle Chanel, le grand duc de Russie Dimitri, Yvonne Printemps, Louis Aragon, André Breton, Pablo Picasso, qui y parade de temps à autre, mais le « roi » du lieu est sans conteste le touche-à-tout, faussement dilettante, Jean Cocteau, ce féru de jazz retroussant parfois ses manches pour accompagner l’orchestre à la caisse claire et à la batterie. Toute une époque ! 1920-1929, les Années folles battent leur plein, célébrant la paix retrouvée dans une grande soif de vivre et, de toute évidence, ceux qui ont vécu les atrocités de la Grande Guerre cherchent l’oubli d’eux-mêmes dans l’alcool et la débauche.

La figure ambivalente de la « garçonne » apparaît dans ce contexte : cette « femme nouvelle », aux facettes multiples, fascine et dérange. Erigée en héroïne par le romancier français Victor Margueritte, sans oublier la coupe à la garçonne de Kiki de Montparnasse portraiturée par Man Ray, elle se diffuse, se doublant d’un vent de liberté sexuelle, à travers la littérature, gagnant bientôt la presse féminine, la publicité, l’industrie cosmétique mais aussi l’art pictural.

« Saint-Moritz », 1929, Tamara de Lempicka (1898-1980), huile sur bois. Musée des Beaux-Arts d’Orléans
« Autoportrait », 1916, Jeanne Hébuterne (1898-1920), huile sur carton, Genève, musée du Petit Palais

Ainsi, ici, la peinture au féminin est, dans le cheminement proposé, également de la fête. S'y trouve un Tamara de Lempicka (1898-1980, huile-manifeste sur bois), la peintre préférée de Madonna !, de toute beauté. Cette femme moderne (la mode est à l’androgynie), au sommet de sa réussite sociale et de sa séduction, avec ses cheveux courts, ses lèvres carmin et son chandail directement emprunté au vestiaire masculin, a été initialement exécutée pour la couverture d’un magazine. L’archétype de la skieuse aventureuse, avec cette image incarnant l’ascension de la garçonne gravissant les cimes enneigées, rappelle, au passage, combien le ski incarnait un sport de villégiature associé récemment aux valeurs de la modernité. La griffe de cette peintre est inimitable. Une froideur lisse, tranchante - un mixte entre cubisme, style Art déco et néoclassicisme - et classieuse. Comme un Hitchcock de papier glacé. Saint-Moritz (1929), so chic, cette « garçonne » ! À propos, en France (par exemple dans la capitale, mais pourquoi pas à Montpellier ou Landerneau, des bastions régionaux amateurs de bonne peinture), à quand une grande rétrospective de son travail ?

Le plaisir aussi de voir ici une peinture rare (car, je crois, qu'il en subsiste hélas très peu) de Jeanne Hébuterne (1898-1920), un autoportrait de 1916, aux superbes teintes bleues faisant ressortir la pâleur de son teint, qui lui valut le surnom de « noix de coco », certes dernière compagne - suicidée par défenestration - du grand Amedeo Modigliani (1884-1920), formant à eux deux, comme le dit le cartel accompagnant cette huile sur carton accrocheuse en provenance de Genève, « le couple sans doute le plus célèbre des Montparnos  », mais également artiste peintre à reconsidérer (fut longtemps ignorée, y compris par sa propre famille).

Paris sera toujours Paris !

Par ailleurs, les hommes ne sont pas en reste, avec une certaine « force viriliste » affichée, expo réflexive abordant aussi, avec lucidité et malice, les poncifs du genre (en gros, la vitesse et le vit). C’est l’une des multiples clés de lecture de cette copieuse expo embrassant tout le Paris vibrionnant de ces vingt années marquantes (1905/25), avec comme point d’achoppement la boucherie de 14-18, revers horrible de cette modernité tant désirée, voire fantasmée. Avec même, prenant place dans cette expo fleuve, une bombe en acier ; elle est tombée sur Paris mais n’a pas explosé, ouf.

Aéroplane Deperdussin type B, 1911, détail, l’une des pièces maîtresses de l’exposition

Dans le parcours, on y croise aussi un magnifique aéroplane Deperdussin type B, de 1911, à l’hélice en bois tout de même guère rassurante !, ainsi qu’une torpédo Bébé Peugeot 1913, le premier vélo pliant se portant comme un sac à dos (dès 1912 !) et un moteur d’avion. « C’est fini, la peinture. Qui fera mieux que cette hélice ? », s’interroge en 1912 Marcel Duchamp (1887-1968), le futur inventeur des ready-made (déjà faits), tels porte-bouteilles et urinoir, qui influenceront tant l’art contemporain à venir, lorsqu’il visite, extasié, le IVe Salon de la locomotion aérienne, qui se tient à Paris au Grand Palais - l’artiste est détrôné par l’ingénieur !

De son côté, l’écrivain italien francophone Filippo Tommaso Marinetti (1876-1944), un brin cynique, proclame dès 1909, dans son Manifeste du futurisme, publié par Le Figaro, qu’« Une automobile rugissante, qui a l’air de courir sur de la mitraille, est plus belle que la Victoire de Samothrace », allant même jusqu’à parler de la guerre, dans ce manifeste… prémonitoire, comme « seule hygiène du monde  », le peintre Fernand Léger (1881-1955), grand amateur de corps cylindriques comme des obus et de ballets mécaniques agrégeant bielles, pistons et rotors, lui emboîte bientôt le pas en déclarant que « la culasse d’un canon de 75 ouverte en plein soleil m’en a plus appris que tous les musées. »

« L’offensive française sur la Somme ». L’attaque du 20 juillet 1916, actualités de guerre de la section cinématographique de l’armée. Film 35 mm, noir et blanc, muet, 28 mn 55s

 

« Rigadin peintre cubiste », 1912, Georges Monca (1867-1939), film noir et blanc, 7 min, Paris, Pathé frères

Heureusement, entre-temps, Dada, où se mêlent violence, irrévérence et spontanéité, vient mettre du douzième degré dans tout ça, sans oublier deux belles surprises ironiques dans cette expo-gigogne venant désamorcer un certain modernisme pontifiant. Tels le comédien plaisantin Prince Rigadin, de son vrai nom Charles Petit, parodiant dans une suite de saynètes (1910-1920) à caractère satirique qui raillent les nouvelles formes qui envahissent les salons d’automne et des indépendants de 1912, comme dans le film Rigadin peintre cubiste (1912, Georges Monca) où, pour former son œil à la « cubisation », il y endosse d’extravagants costumes qui, en entravant ses mouvements, produisent un effet comique, ou bien encore le tableau gestuel farcesque Et le soleil s’endormit sur l’Adriatique, peint en 1910 par un âne avec sa queue produisant un bariolage informe (Action Painting avant l’heure !), et qui fut aussitôt présenté au Salon par un groupe de plaisantins chapeauté par Roland Dorgelès, histoire de démystifier, via l'esprit frondeur et humoristique de la butte Montmartre, les sacro-saintes audaces formalistes nouvelles. Or, le canular fonctionna à merveille ! Et, que ce soit au Petit Palais ou à l’espace culturel de Milly-la-Forêt qui le prête exceptionnellement, les rires fusent encore. Bon sang, c’est agréable aussi de se marrer dans un musée afin de tenir à distance morgue et esprit de chapelle. 

« Et le soleil s’endormit sur l’Adriatique », 1910, Joachim-Raphaël Boronali (un artiste italien se réclamant de l’« excessivisme »), dit l’âne Lolo, huile sur toile. Espace culturel Paul-Bédu - Milly-la-Forêt

 

Visuel du catalogue : détail de « La Femme et la Tour », 1925, de Robert Delaunay (1885-1941), Staatsgalerie Stuttgart

Franchement, cette exposition collégiale millefeuille au format fleuve, dans laquelle, avec brio, les conservatrices Lemoine et Singer, épaulées par Marlène Van de Casteele, docteure en histoire de l’art. ont panaché œuvres iconiques et moins connues, puis art, artisanat et industrie, en « démuséifiant » les pièces réunies (tableaux, sculptures, objets d’art, vêtements, décors, costumes de ballet, masques africains, bijoux, moteurs, automobile, avion…) pour nous les rendre moins intimidantes (ainsi, par moments, avec le papier peint sur les cimaises, la musique diffusée et l’humour en contrepoint au rendez-vous, on a l’impression d’évoluer dans des intérieurs cosy nous rendant tout cet univers-là proche de nous), est à savourer, en somme, sans modération, tant cet inventaire à la Prévert déployé, fêtant la Ville Lumière sans être parisianiste, autrement dit snob, est à la fois « sexy », généreux, savant et populaire. 

D’ailleurs, en termes de fréquentation, ce « Paris de la modernité » cartonne, les salles du musée ne désemplissent pas (pensez à réserver !), ce qui me semble entièrement mérité, du 5 sur 5 pour moi. 

 

« Le Paris de la modernité, 1905-1925 », commissariat général : Annick Lemoine, directrice du Petit Palais ; commissaire scientifique : Juliette Singer, conservatrice en chef du Petit Palais. Musée du Petit Palais, Paris, Av. Winston Churchill (8e). Tél. : 01 53 43 40 00. M° Champs-Élysées – Clémenceau. Du mardi au dimanche, de 10 heures à 18 heures (20 heures vendredi et samedi). Tarifs : de 10 à 12€. Jusqu’au 14 avril 2024. Catalogue édité par le Petit Palais et Paris Musées, 370 pages, 49€. ©photos in situ V. D.


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