Les États-Unis et la politique monétaire de leur Banque centrale remise en question par la Nature qui a permis leur puissance

par Hamed
mardi 30 mai 2023

 La création monétaire est un processus nécessaire pour les Banques centrales puisqu’elles doivent par définition soutenir les États sur le plan financier. Face à la croissance ou la décroissance économique, c’est leur rôle principal d’affiner leur politique monétaire pour favoriser les échanges tant sur le plan interne que sur le plan externe et donc éviter une poussée inflationniste en cas de surchauffe et inversement en cas de refroidissement.

Précisément, en période de ralentissement de l’économie, les États quand ils sont à court d’argent, utilisent l’instrument monétaire ; soit ils se tournent vers les marchés monétaires domestiques pour procéder à des emprunts, ce qui ne satisfait pas toujours puisque les emprunts ne peuvent aller au-delà d’une certaine limite des possibilités du secteur bancaire intérieur ; le marché domestique saturé ne dispose pas assez de fonds et les marchés extérieurs se ferment par crainte de non-recouvrement de leurs créances ; soit, en dernier recours, ils se tournent vers leurs Banques centrales pour demander ce qu’on appelle des « avances », en échange de titres d’Etat, généralement des bons de Trésor de différentes maturités.

 Evidemment, un excès de demandes d’emprunts du Trésor aux Banques centrales se traduit par un excès de création monétaire, et donc de l’inflation. Et à pratiquer l’inflation, un Etat ruine les particuliers pour permettre à l’État de « tenir » aux impératifs essentiels du budget de la nation. A savoir que les Etats construisent des routes, des ponts, des ports (ou les modernisent), des barrages, des écoles, des universités, des hôpitaux, etc., en réglant une grande partie de ces dépenses par la « planche à billet ». Cependant, cette construction bien qu’elle n’a coûté pour l’Etat que l’inflation et beaucoup aux générations d’aujourd’hui par la hausse des prix, profitera néanmoins aux générations de demain.

 Il faut aussi souligner qu’un ralentissement peut être conjoncturel, et une relance de l’économie peut diminuer voire effacer le déséquilibre budgétaire. Mais si le ralentissement se poursuit et ralentit les recettes fiscales pour la couverture des dépenses publiques, de nouveau le déficit budgétaire fait apparaître un nouveau besoin de financement ; s’enclenche ainsi une « spirale inflationniste-dévaluationniste ». En effet, un recours à la « planche à billet » se traduit forcément par une spirale augmentation prix-augmentation salaire, et une dévaluation de la monnaie.

 Cette spirale a caractérisé tant les pays européens dans les années 1970 suite aux chocs pétroliers que les pays d’Afrique, d’Asie et d’Amérique du Sud. La hausse des prix du pétrole (inflation importée) et la monétisation des déficits commerciaux par les pays détenteurs de monnaies internationales ont bouleversé l’équilibre économique mondial. Les déficits cumulés depuis les années 1970 et surtout les années 1980 avaient produit un effet boule de neige sur la dette publique extérieure des pays d’Afrique, d’Asie et d’Amérique du Sud, qui a atteint un niveau tel que la charge du remboursement échelonné dépassait les ressources fiscales nécessaires pour la résorber. D’autant plus qu’aux dettes de ces États venaient s’ajouter celles de leurs collectivités locales, la sécurité sociale et de divers organismes, le tout formaient leurs dette publiques totales. Les États surtout les pays du reste du monde non détenteurs de monnaies internationales se retrouvaient à créer de la dette pour couvrir leurs déficits et assurer le « service de la dette », i.e. le paiement des intérêts et le remboursement du principal arrivant à échéance à l’Occident créancier.

 Dans les années 1990, il faut rappeler le retournement de l’histoire sur le problème des déficits et la dette publique. La plupart des pays industrialisés (OCDE) avaient pour ordre du jour la réduction des déficits budgétaires. Tous les pays en développement y compris les pays avancés devaient réduire leurs dépenses publiques ; le blocage de l’économie mondiale par l’endettement mondial, l’éclatement du bloc Est qui a suivi à la fin des années 1980, la profonde dépression de l’Afrique, de l’Amérique du Sud, d’une partie de l’Asie.

Cette situation récessive du monde hors-Occident s’est à la fin soldée par une crise financière au Japon en 1990 et une double récession aux États-Unis et en Europe, entre 1992-1993. Tous ces facteurs récessifs ont introduit une nouvelle donne, un passage obligé pour une sortie de crise : un ajustement structurel planétaire dans les décennies qui ont suivi les deux chocs pétroliers.

L’Europe, dans la perspective d’une Union économique et monétaire, y était déjà engagée par le traité de Maastricht. Les pays européens devaient se conformer au critère d’un déficit ne dépassant pas 3% du PIB et d’une dette publique ne dépassant pas 60%. Ainsi, la rigueur budgétaire a pris le relais de la restriction monétaire.

 De leur côté, les Américains se sont également engagés sur la voie de l’orthodoxie budgétaire. L’objectif de retour à l’équilibre budgétaire a donné lieu à un excédent budgétaire en 2000. Quant aux pays en développement soumis à l’ajustement structurel, celui-ci apparaissait comme la meilleure voie de sortie du cercle vicieux de l’endettement qui risquait de les conduire à une situation de crise politique et sociale sans fin.

 Une décennie et demie passa où l’Amérique vit son âge d’or avec la « Nouvelle économie », i.e. les valeurs technologiques (informatiques et télécommunications) qui ont constitué avec Internet une « troisième révolution industrielle ». Elles ont permis de créer des centaines de millions d’emplois aux États-Unis et dans le monde. La Chine vit aussi son âge d’or au cours des décennies 2000 et 2010, elle devient l’« atelier du monde » dans les microprocesseurs, l’automobile, le textile… comme naguère fut l’Amérique après le deuxième conflit mondial.

 L’Inde n’était pas en reste, elle devenait le premier producteur mondial de logiciels. Le doute est donc permis quant au comment l’Occident pourrait encore façonner le monde ; force de dire que la roue de l’Histoire était en train de tourner, le progrès s’étendant progressivement au monde émergeant. 

 C’est dans cette période de faste dans toutes les régions du monde que fit irruption la crise financière de 2008. Elle fut précédée, en 2007, par la crise immobilière (subprimes) aux États-Unis. La crise financière qui apparut au début de l’été 2008 fut brusque et dévastatrice ; ses conséquences étaient immédiates ; elle détruisit entre 2007 et 2008 selon des données occidentales quelques 25 000 milliards de dollars de capitalisations boursières dans le monde. D’autres données occidentales font état de 50 000 milliards de dollars. De chiffres extravagants qui équivaudraient à une destruction équivalente du PIB mondial. Comment pareil phénomène a-t-il pu se produire ? L’économie américaine s’est pratiquement arrêtée à l’été 2008.

 Le premier phénomène constaté est qu’une grande partie des liquidités internationales créées par l’Occident depuis l’annulation des déficits courants américains au début des années 1990 était allée s’investir dans les pays émergents surtout en Chine. Les excédents commerciaux et investissements occidentaux ont explosé dans les pays émergents. Qui plus est ce ne sont pas seulement les liquidités internationales essentiellement occidentales mais aussi une grande partie de l’industrie occidentale qui s’est délocalisées en joint-ventures dans les pays en particulier asiatiques et sud-américains. Et cela est dû au faible coût de la main d’œuvre dans les pays d’Asie, phénomène qui a commencé dès les années 1960. En Chine, à partir des années 1980, 1990 et 2000, c’est l’explosion de la croissance économique tant en capitaux (investissements) que le rush d’entreprises de production occidentales délocalisées.

Quant aux pays exportateurs de pétrole, ils ont accumulé des excédents commerciaux considérables. Il était évident que la résilience du système économique, financier et monétaire façonné par l’Europe et les États-Unis, depuis les Accords de Bretton Woods de 1944, ne pouvait tenir, les années des Trente Glorieuses ont été une croissance limite puisque les pays émergents d’Asie et d’Amérique du Sud étaient encore dans une phase préparatoire, et ce en regard de l’histoire.

 Cette situation unique dans l’histoire, à partir de 2008, ne laissa pas d’autres alternatives aux États-Unis et à l’Europe, sinon de créer massivement des liquidités internationales, durant près de deux décennies, pour « reconstituer de nouveau l’armature financière et monétaire internationale » d’avant. D’autant plus que cette dévastation de l’économie occidentale était prévisible, et s’est opérée au prix d’un long déclin de l’économie productive de l’Occident, qui perdait lentement mais sûrement l’initiative face à la compétitivité de l’Asie, de l’Amérique du Sud et de la Chine.

L’armature du système financier et monétaire international dominée par l’Occident qui reposait sur les quatre piliers qu’étaient le dollar US, l’euro, la livre sterling et le yen devait repartir sur de nouvelles bases, rompre avec les méthodes monétaires classiques et procéder à des politiques monétaires massives, « extraordinaires », pour reconstituer le système financier et monétaire international, il faut le dire en perdition avec la double crise immobilière et financière en 2007 et 2008, aux États-Unis. Il faut même dire que ces crises ont été générées par la guerre qu’ont menée les États-Unis au Moyen-Orient, en réponse aux attentats du 11 septembre 2001 contre le World Trade Center, à New York.

Donc, pour lutter contre la crise financière, en 2008, il n’y avait pas de solutions, sinon à « armer, bétonner » les piliers du système financier ; l’économie occidentale risquait de sombrer dans la plus grave crise économique de son histoire, avec des conséquences pour l’ensemble des pays du monde ; une dépression du type des années 1930 resurgirait et probablement en plus grave.

 On comprend pourquoi les Banques centrales des États-Unis, de la Grande-Bretagne, de la zone euro, du Japon, en parfaite concertation, ont injecté massivement des capitaux pour sauver leurs systèmes bancaires respectifs qui, interconnectés, ne formaient en fait qu’un seul et même système, le « système économique, financier et monétaire international ». Que serait la Chine avec ses trois à quatre mille milliards de réserves de change en dollars, euros, livre sterling, yen… sans un système financier international fiable ? Et cela passait par des mesures d’urgence, précisément des plans de sauvetage, de relance et encore de soutien à la relance de leurs économies qui se sont opérés à coup d’injections monétaires massives qui étaient non seulement nécessaires pour les États-Unis et l’Europe mais dans l’intérêt du monde entier qui dépend de ces liquidités internationales. Et cela a duré 6 ans pour les États-Unis entre 2008 et 2014, et plus pour les pays de la zone euro, du Royaume-Uni et du Japon qui ont injecté des liquidités non en « ligne droite », contrairement aux quantitative easing américains (QE).

 Ceux qui voyaient négativement les politiques monétaires appelées « assouplissement quantitatif non conventionnel ou Quantitative easing (QE) », opérant depuis 2008, comme de l’« argent gratuit », se trompaient sur toute la ligne. Ou que ces QE renforçaient la spéculation sur les marchés boursiers se trompaient encore. La spéculation est inhérente à la nature humaine, tout humain cherche à faire des gains ; sans cette volonté de faire des gains pour se prémunir, et donc de placer, d’investir dans des projets, en Bourse et ailleurs, il n’y a pas d’économie.

 Quant à l’« argent gratuit », qu’il le fut importe peu, pourquoi ? C’est l’Occident qui est le principal détenteur et émetteur des monnaies internationales qui alimente le commerce mondial. Si l’Occident menait des politiques monétaires restrictives, il ne ferait qu’étouffer l’économie mondiale qui a fortement décéléré avec la crise financière de 2008, et une grande partie de l’argent est partie en fumée du fait de la formidable spéculation dans l’immobilier aux États-Unis et en Europe. Une spéculation immobilière entre 2005 et 2008 qui a masqué en fait une contraction de l’économie occidentale, la hausse de son endettement alors que les pays émergents et pays exportateurs de pétrole, c’est l’inverse, ils ont engrangés des excédents commerciaux faramineux.

 En procédant massivement à des QE (création monétaire), l’Occident a dans un certain sens anticipé la création de richesses puisqu’il a permis de doper le commerce mondial par une hausse des échanges, la consommation aussi aux États-Unis, en Europe que dans les pays du reste du monde. Et tout ce qui est nécessaire pour tous les pays dans l’accompagnement des entreprises productives, le déstockage, la relance de l’investissement, les dépenses budgétaires pour la couverture sociale dont la subsistance des ménages qui ont perdu leurs emplois. Toutes ces mesures concourent à la paix sociale pour une grande partie du monde. Bien sûr les pays du monde et les pays extrêmement pauvres relèvent d’autres considérations économiques et politiques, à l’échelle mondiale.

Aussi, combien même l’Occident est pénalisé du fait de la perte de compétitivité face au faible coût de la main d’œuvre en Asie, il reste avec l’Asie, l’Amérique du Sud et l’Afrique solidaires sur le plan économique, financier et monétaire, à l’échelle mondiale. Et combien même que le système financier et monétaire international est dominé par l’Occident, tout dépendait de l’urgence des mesures prises dues aux exigences de la conjoncture économique mondiale.

Comme d’ailleurs, lors de l’irruption de la pandémie Covid-19, des liquidités massives dans le cadre des quantitative easing ont été injectées tant aux États-Unis qu’en Europe et au Japon. De mars 2020 à 2021, soit près de deux ans que l’économie mondiale a été irriguée et c’est ce qui a sauvé l’économie mondiale de la tourmente, certes il y a eu un fort ralentissement économique avec un confinement presque généralisé dans le monde, mais en 2021 a débuté la reprise économique mondiale.

Qu’en est-il aujourd’hui, et en 2023, où tout plaide que le monde se dirige vers une récession économique mondiale ? Est-ce la guerre en Ukraine qui en est la cause, ou simplement la fin d’un cycle ? D’autre part la domination de l’Occident est talonnée par la Chine depuis que le renminbi est devenu une monnaie internationale ? Depuis 2016, avec l’inclusion du yuan chinois ou renminbi dans le panier de monnaies qui détermine l’étalon monétaire du FMI, le DTS ou droits de tirage spéciaux. De même, la Russie qui exige de vendre son pétrole et son gaz en roubles, depuis le déclenchement de la guerre en Ukraine.

D’autre part, comment interpréter la hausse drastique du taux d’intérêt court directeur de la Réserve fédérale américaine (Fed), qui est la Banque centrale des États-Unis, entre mars 2022 et mai 2023 ? Rappelons qu’en pleine crise de la pandémie Covid-19 qui a été déclarée, en 2020, aux États-Unis, la Fed a réduit son taux directeur pratiquement à zéro et a inondé le marché américain de liquidités. En effet, abaissant précipitamment d’un point 1e taux directeur, elle le fait passer de 1,25% à 0,25%, le 16 mars 2020. L’objectif de la Fed était de contrecarrer l’épidémie sur le plan économique, compte tenu des mesures prises dans plusieurs États américains, dont le confinement.

Le taux de la Fed est resté au plancher durant deux ans et, pratiquement jour pour jour, il est relevé d’un quart de point, le 16 mars 2022. Il passe de 0,25% en 0,5%. Après 9 hausses, le taux d’intérêt directeur se situe dans une fourchette de 5% à 5,25%.

Comment comprendre ces hausses drastiques du taux d’intérêt directeur de la Fed ? De plus, elle est suivie par la Banque centrale européenne, la Banque du Royaume-Uni et les autres grandes Banques centrales occidentales. Et l’impact sur les taux obligataires, les investisseurs détenteurs d’obligations vont enregistrer des pertes et donc les taux vont augmenter, ce qui impact négativement les emprunteurs dont les États occidentaux qui ont emprunté sur les marchés secondaires. Ils vont se trouver pénalisés, les taux sur les obligations ayant augmenté, le service de la dette va augmenter et par voie de conséquence leurs dettes publiques.

Sur le plan des hausses des taux d’intérêt directeurs, peut-on dire que le seul objectif des Banques centrales occidentales a été de lutter contre l’inflation. Et qui a provoqué la poussée inflationniste en Occident et dans le monde ? N’est-ce pas les Banques centrales occidentales dont le maestro est bien entendu la Fed américaine qui est en réalité la Banque centrale des Banques centrales. Le monde entier attend de ce qui sera de la politique monétaire, une politique très discrétionnaire qui malgré tout est battu en brèche par des événements naturels voulus par la « Nature » qui contrecarrent sa politique et ses conséquences sur l’ensemble des économies du monde.

Pour ne donner qu’une idée de ce qui se déroule sur le plan mondial, la Banque centrale américaine, entre 2014 et 2019, entendait « dégonfler » les réserves de change des pays du BRICS et des pays exportateurs de pétrole qui avaient amassés des masses de dollars, en enregistrant de formidables excédents commerciaux durant plus d’une décennie, de 2003 au premier semestre 2014. Alors que les dettes américaine et européennes sont montées en flèche. Les États-Unis et l’Europe menaient une guerre au Moyen-Orient, principalement en Irak, en Afghanistan durant les années 2000, et en Syrie après 2011, le Printemps arabe.

Cette guerre menée par l’Occident était certes désastreuse pour les pays du Proche et Moyen-Orient, mais elle l’était aussi pour l’Occident, sur le plan économique et financier ; les dettes publiques américaine et européenne avaient fortement augmenté ; pour nombre de pays, les dettes publiques se situaient entre 90% et 100% du PIB. Pour la première fois, l’Occident voyait son endettement monter, et montait paradoxalement avec la fameuse politique monétaire non conventionnelle (quantitative easing) ; il était clair que c’est « un nouveau paradigme qui s’est instauré », les politiques monétaires classiques (conventionnelles) ne pouvaient plus être de mise ; les mise en gage de titres financiers éligibles écartées par la nouvelle conjoncture économique mondiale, les Banques centrales achetaient à tour de bras les créances publiques et privées, y compris les créances hypothécaires toxiques (à risque) ; leurs bilans augmentaient fortement de volume.

En clair, les Banques centrales occidentales n’avaient plus le choix, elles devaient monétiser les déficits budgétaires qui étaient en fait jumeaux avec les déficits commerciaux, dans leurs échange avec les pays du reste du monde.

Et, durant cette période, des années 2000 au premier semestre 2014, la politique de la Fed a bien fonctionné pour une grande partie des pays du reste du monde. La Chine avait amassé de formidables réserves de change ; s’établissant à 165,574 milliards de dollars en 2000, elles sont passées à près de 4000 milliards de dollars, en 2014 ; il en est allé de même pour les réserves de change de l’Inde, du Brésil et des pays pétroliers dont la Russie, l’Arabie saoudite, l’Algérie… qui ont vu tous leurs réserves de change exploser. C’était pour ces pays, un âge d’or, une période de faste économique. 

A partir de 2014, La Fed, après la relance de l’économie américaine, « inverse » sa politique qui devient restrictive, malgré le taux d’intérêt directeur relativement bas. Conséquences : la Chine a perdu près de 1000 milliards de réserves de change, elles sont passées de 3,9 billions, en 2014, à 3,1 billions, en 2018. L’Arabie saoudite a perdu près de 280 milliards de dollars, elles sont passées de 744,44 milliards de dollars, en 2014, à 472,85 milliards de dollars en 2020. L’Algérie a perdu près de 150 milliards de dollars, ses réserves de change sont passées de 201,47 milliards de dollars, en 2013, à 56, 21 milliards de dollars, en 2021. (Données Banque mondiale)

Si la Fed américaine est en droit de changer sa politique monétaire qui va en concours avec la croissance de son économie, et qui s’opère au détriment des pays du reste qui en dépendent, il demeure que combien même la Fed commande sa politique, qu’elle est maître à bord, elle reste néanmoins dépendante des aléas de la Nature « qui n’est pas insensible » aux problèmes auxquels font face les autres pays du monde dont 3,4 milliards d’êtres humains vivent au-dessous du seuil de pauvreté, fixé à 3,24 dollar par jour. (Données Banque mondiale)

Aussi, peut-on dire que la pandémie Covid-19 est venue « contrecarrer » sa politique restrictive et l’a obligée d’inonder en liquidités le marché domestique pour sauver l’économie américaine. En fait les presque 6 000 milliards de dollars que la Fed a injectés, en deux ans, dans l’économie, et dans l’absolu de l’absolu humain, « ce n’est pas la Banque centrale des États-Unis qui l’a fait, mais la pandémie Covid-19 qui l’a ordonné, venant au secours des presque 7 milliards d’êtres humains du reste du monde. »

Ce faisant, la Nature via la pandémie a donné un formidable bol d’oxygène financier et monétaire aux pays du reste du monde. Pays qui ne sont pas émetteurs de monnaies internationales et donc dépendant de l’Occident, sauf la Chine depuis que son renminbi trône au FMI, avec les quatre monnaies internationales, le dollar US, l’euro, la livre sterling et le yen dans le panier de monnaies du DTS.

 C’est ainsi qu’avec la « hausse obligatoire » du pétrole et de l’or, due à la nouvelle conjoncture mondiale, que, en tant que contreparties principales des émissions massives de liquidités par la Fed suivies par les autres Banques centrales occidentales – pour éviter des fluctuations erratiques de change de leurs monnaies avec le dollar US sur les marchés monétaires – l’Arabie saoudite a vu ses réserves de change augmenter, elles sont passées à 478,22 milliards de dollars, en 2022. L’Algérie a aussi vu ses réserves de change augmenter, elles sont passées à 71,85 milliards de dollars, en 2022. (Données Banque mondiale)

Heureusement pour ces pays et « Merci pour la Nature à travers la pandémie qui a pensé à ces pays. » Par exemple, l’Algérie, sans la pandémie, aurait vu ses réserves de change décliner ; en 2024-2025, elles pourraient être non pas probablement mais certainement égale à zéro. Et bonjour la crise, de nouveau l’endettement et ses conséquences comme dans les années 1980 et 1990. Aussi la seule réponse est de dire « Merci mon Dieu, Merci Allah le Tout Puissant par Lequel la Nature comme la Marche du monde est. »

Que peut-on dire de cette évolution ? Simplement qu’il y a des forces que l’Occident même s’il détient les plus grandes Banques centrales et privées du monde, qu’il est le principal émetteur des monnaies internationales, la Chine ne l’est que récemment, « l’Occident n’est pas maître totalement de la marche de l’histoire, il est obligé de corriger le tir au profit de l’ensemble des pays du monde. »

De même, aujourd’hui, avec la hausse drastique du taux directeur par les Banques centrales occidentales, tout en inondant de liquidités l’économie mondiale, une politique paradoxalement se voulant restrictive mais elle est aussi expansive. Cette politique monétaire de la Fed suivie par les autres Banques centrales occidentales n’a été mise en marche que le 16 mars 2022, soit 18 jours après l’invasion de l’Ukraine par la Russie, le 24 février 2022.

Certes, il y a la poussée inflationniste qui a résulté des formidables injections monétaires par la Banque centrale américaine suivie de la Banque centrale européenne et des autres grandes Banques centrales occidentales, et c’était au plus fort de la pandémie (2020-2021). Mais la hausse plusieurs fois de trois-quarts de points, entre 2022 et 2023, du taux d’intérêt directeur de la Fed, en pleine montée de puissance des forces ukrainiennes contrant, dans un certain sens, les forces armées russes qui se sont repliées à l’est et au sud-est de l’Ukraine, laisse penser qu’il y a un relent de guerre économique qui est conduite parallèlement à la guerre en Ukraine. Malgré les sanctions occidentales, si les exportations russes avec les pays du reste du monde suffisaient à mettre à flot son économie, la Russie, même si elle enregistre une contraction légère de son PIB, reste néanmoins tirée d’affaire.

Cependant, les Banques centrales des États-Unis et de l’Europe, même si elles augmentent fortement leurs taux d’intérêt directeurs pour rendre difficile les emprunts, sont toujours confrontés aux déficits jumeaux, en particulier budgétaire surtout avec la guerre qui demande beaucoup d’aides financières à l’Ukraine. Pratiquement tous les pays occidentaux octroient des aides financières à l’Ukraine, et en matériel d’armements. L’Occident se trouve alors confronté à ses propres problèmes économiques, financiers et monétaires et aussi aux problèmes liés à la guerre en Ukraine dépendante de ses aides. De plus les sanctions occidentales constituent un formidable manque à gagner pour l’Occident, qui viendra encore obérer les économies occidentales, et donc une forte hausse de leur endettement publique. La dette publique américaine frise aujourd’hui les 130% du PIB ; ce qui est un danger pour l’économie américaine à moyen terme.

La Russie en tant que deuxième puissance nucléaire mondiale et aussi sur les armes conventionnelles pose un grand problème aux États-Unis et à l’Europe qui sont les grands soutiens de l’Ukraine. Forcément une demande sous forme financière et en armements restera toujours plus forte d’autant plus que c’est l’aide occidentale qui est nécessaire pour l’économie ukrainienne et pour la guerre parce qu’elle permet à l’Ukraine de tenir face à la Russie. De plus l’aide en armements se raréfie vu leur consommation sur les théâtres de combat. Et tous les pays occidentaux, du moins ceux qui ont aidé massivement en armements l’Ukraine, doivent régénérer leur puissance militaire, ce qui passe par des commandes massives d’armements.

Et d’où va venir le financement lorsque l’on sait qu’ils enregistrent plus de déficits commerciaux que d’excédents dans leurs balances commerciales avec les pays du reste du monde ? Les États-Unis enregistrent des déficits structurels depuis plus de 50 ans. La réponse va de soi, ce seront toujours les « quantitative easing » seuls à pourvoir les gouvernements occidentaux en liquidités monétaires pour doter en nouveaux armements leurs armées et ceux de l’Ukraine.

Force de dire que « la Nature a aussi agi comme la pandémie pour obliger l’Occident, via la guerre en Ukraine, à financer l’économie mondiale ». L’Occident a beau cherché à mener une politique restrictive en augmentant les taux d’intérêt directeurs des Banques centrales, il se trouvera néanmoins contrarié par la tournure qu’a pris la guerre. On comprend pourquoi le prix du pétrole et de l’or ont fortement augmenté en 2022. En 2023, les prix du pétrole se maintiennent autour de 80 dollars. Contreparties physiques (productives) face aux émissions monétaires américaines et européennes « obligent ».

Sans la hausse du pétrole, de l’or et des matières premières et beaucoup moins pour les produits agricoles pour éviter une crise alimentaire mondiale, le taux d’inflation en Occident ne serait pas 8 ou 9% mais 20 ou 30%. D’où l’importance de l’Arabie saoudite et des monarchies du Golfe où se trouvent des flottes de guerre US pour protéger les gisements pétroliers du Moyen-Orient. En fait pour protéger le dollar US, l’euro ; la livre sterling et le yen, toutes ces monnaies sont interconnectées. Et ce pouvoir a été donné à l’Occident par la Nature même qui commande la marche de l’histoire de l’humanité.

Mais tout a une limite. Et on le voit dans les événements récents, l’explosion des dettes occidentales que ne sauvent que les quantitative easing, la loi en France sur l’allongement de la retraite de 62 à 64 ans qui est passée malgré le refus des syndicats et les manifestations massives ou encore les républicains américains, qui ont la majorité dans la Chambre des représentants depuis les élections mi-mandat en 2022, rechignent à donner l’aval au relèvement du plafond de la dette publique américaine, celle-ci a atteint 31 400 milliards de dollars (123% du PIB). Les républicains exigent que des réductions massives de dépenses sur le budget fédéral soient opérées, et dans un sens, ils ont raison, ils ont peur pour l’avenir de l’économie américaine. Surtout avec les grandes puissances économiques du reste du monde qui les talonnent, Chine, Inde…

Que peut-on conclure de cette évolution de l’économie mondiale ? Que ne commande pas l’Occident, il faut le souligner, comme la pandémie qui s’est abattue sur le monde et a opéré un « rôle moteur dans l’économie mondiale », elle relève du passé aujourd’hui. Tout laisse penser que c’est la donne financière et monétaire qui mettra fin à la guerre en Ukraine.

Comme c’est la Nature leur a permis la puissance financière et monétaire à l’Occident, les États-Unis comme l’Europe qui vivent pratiquement à crédit grâce aux liquidités qu’ils émettent ex nihilo et que leurs Banques centrales « amassent » sous formes de titres rachetés auprès de leurs banques depuis déjà au moins quinze ans, plus précisément depuis la crise financière en 2008, forcément il y aura une limite à ce processus qui n’est que transitoire.

Aussi peut-on dire que, si l’Occident ne trouve pas une solution rapidement à la guerre en Ukraine, avant la fin 2023 et ce serait plus rationnel que de laisser une guerre qui s’enlise avec toutes les conséquences qui s’ensuivent et seront très négatives pour l’Occident, un fort endettement, et aussi une parade à cet endettement, depuis que ce paradigme qui s’est instauré en 2008 sur le triple plan économique, financier et monétaire, il faut s’attendre à un troisième événement qui viendra de la Nature, événement qui remettra de nouveau de l’ordre dans les affaires humaines.

Et l’auteur ne parle pas en oracle, il parle seulement sur les faits et ce qu’ils laissent paraître, ce qu’ils laissent comprendre. Et il a la conviction que les États-Unis comme l’Europe ne laisseront pas la situation s’enliser dans la guerre en Ukraine qui n’apportera que des déboires économiques. Et les destructions sans véritables buts du fait même des rapports de forces qui ne laissent aucune illusion. Et surtout que l’Occident est à la croisée des chemins sur le plan économique, financier et monétaire, à l’échelle mondiale.

 

Medjdoub Hamed
Auteur et chercheur spécialisé en Economie mondiale,
Relations internationales et Prospective


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