Travail, la maladie du siècle

par Emile Red
mercredi 14 mars 2007

Le travail, ce concept qui vous veut du mal, ainsi pourrions-nous définir le lot quotidien, tant les enquêtes, paraissant dans l’actualité, nous démontrent les méfaits de la logique du toujours plus.

A l’heure des luttes antitabac, anti-violences routières, à l’heure où la sécurité devient, pour certains, un combat national, à l’heure où l’appartenance communautaire se voudrait un remède aux maux sociétaux, les politiques de tous bords n’en finissent pas d’encenser cette maladie qui nous ronge, qui emplit les cimetières de désillusions et misères.

Et tombent les chiffres, un suicide par jour dû au travail, le troisième rang mondial pour le stress résultant de la vie professionnelle.

Personne pour remettre en question ce sujet brûlant et mortel, au contraire nos dirigeants ne cessent de ressasser qu’heures supplémentaires, travailler plus, meilleure productivité seraient les solutions pour sortir du marasme général.

Mais quelles sont les raisons de cette régression ?

Les uns vous diront les 35 heures, d’autres la fainéantise, d’autres encore les soucis de transport.

Les 35 heures furent en leur temps décriées comme une atteinte à la productivité et à la rentabilité des entreprises, mais c’était sans compter sur la malice des dirigeants qui surent adapter la productivité aux horaires sans agir dans le sens de l’embauche, but initial de cette réforme, ces mêmes dirigeants qui continuent à crier haut et fort que les 35 heures leur font perdre de l’argent alors que le CAC 40 n’a jamais été aussi bien portant.

La fainéantise, elle, est le poncif de la pensée reptilienne, la France étant dans le peloton de tête de la productivité industrielle, la première consommatrice de produit de jardinage et de bricolage en Occident, toute notion de travail pensée comme bien-être est plaisir associé à l’idée de passion pour le citoyen lambda.

Alors que se multiplient métros, tramways et TGV, sont mises en avant les grèves incessantes des transports, or celles-ci sont de moins en moins fréquentes, et le stress est ordinaire à la SNCF comme à la RATP.

Non, personne ne l’avoue, mais l’archaïsme de nos entreprises ne serait-il pas le motif primordial de cet état de fait, entendons archaïsme de système, de dirigeant, de fonctionnement, d’adaptabilité du travail ?

Nos entreprises ne semblent pas mesurer l’enjeu des conditions de travail, quand elles multiplient leurs bénéfices, l’investissement dans le confort et les technologies innovantes s’avère être nul, les techniques de gestion du personnel restent moyenâgeuses, la prise en compte des desiderata "mélioratifs" demeure incongrue. Il réside dans cette banalisation de "l’à peu près", du "pis aller", de la torpeur maladive, pour ne pas dire dans cet entêtement conservateur, que les employés sont mal dans leur peau, qu’ils investissent chaque matin un tunnel sans fin qui réduit leur volonté, borne leur ambition légitime, et les pousse, au pire, vers la liberté fatale.

Nous vivons dans cet univers du "plus" où le plaisir et la passion du travail bien fait, constructif, épanouissant marque le pas, où les technologies libératrices deviennent asservissantes, où les prérogatives des uns abrutissent les espoirs des autres tout au long de la pente pyramidale des hiérarchies sociales et professionnelles.

A l’heure de la course échevelée au profit, les citoyens ont soif de certitude, d’engagement sincère, espèrent se poser, s’installer, les réponses sont précarité, mobilité, chômage et, extrême indignité, chantage. Lors, tout est réuni pour que le déséquilibre se transforme en angoisse suicidaire. Les clignotants allumés depuis longtemps, telle l’ultraconsommation d’antidépresseurs, n’ébranlent pourtant pas les gens de pouvoir, avec leur vision à court terme, ils ne perçoivent pas la chance qu’ils auraient à provoquer les montagnes en réagissant de manière innovante, en promouvant un travail humain, en considérant l’individu comme une force multiple intéressant l’ensemble de la société ou du monde professionnel.

Les nomenklaturas politiques, les élites industrielles ou artistiques se révèlent exogènes à la société de masse, leur éloignement du vécu commun aveugle leur entendement en une société multiforme et leurs seules références reposent sur les épaules de conseillers, de philosophes ou d’experts issus de leur milieu propre. En dépit d’innombrables appels du pied, de cris du coeur, leur immobilisme statuaire reste coi devant la misère sociale, physique intellectuelle ou morale qu’ils génèrent. Trouvant à chaque mal une médication inadaptée, ils traitent le mal plutôt que de le prévenir, cette quantité de potions miracles ne faisant qu’empiler les détresses, ruinant le peu de crédit qui leur reste, épuisant la nation de leurs turpitudes dérisoires.

Et chaque échelon hiérarchique singe l’échelon supérieur, préséances et pouvoirs en moins, il règne en "dominus" sur l’échelon inférieur, jusqu’à la base à qui ne restent plus qu’indigence et assistanat, ultime déchéance dédaignée, néanmoins partagée majoritairement.

La veulerie et l’incontinence sociale, l’ambition parasitaire, la léthargie coupable des notables ne figurent dans aucun programme politique alors qu’elles sont les principales affections de notre démocratie, en est la preuve la sclérose créatrice quant aux réformes du travail et des domaines professionnels dans l’expectative d’une humanité guérissant.

Que dire des dominants face à leurs reculades devant les OGM, unanimement rejetés, avec raison, aux derniers éléments connus, que dire des dominants face à l’euthanasie qu’ils confient pitoyablement au glaive de la Justice, que dire des promesses systématiquement reléguées au tiroir vertical, que dire des lois universelles bafouées allègrement si leur confort est en jeu, que dire de leur béatitude face à la colossale inégalité des salaires et profits ? Décidément la "potencratie" reste pétrifiée devant ses obligations sociales, engluée de suffisance et douillette inertie, glosant sur les déboires d’une nation aux abois, faisant de "l’arnaquisme" la seule idéologie digne d’être adulée, et tant que travaille le peuple misérable, qu’il en jouisse ou en périsse, les ors du pouvoir restent acquis.


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