La rombière et le vieux ronchon

par C’est Nabum
vendredi 24 novembre 2023

 

Rien qu'un « Je » de maux.

 

Un vieux ronchon tout à fait conscient de son mauvais caractère puisqu'il en fait étalage avec une complaisance certaine s'entendit dire qu'il l'était par une rombière, incapable quant à elle de se douter qu'elle relevait admirablement bien de ce terme peu flatteur. Si le premier en faisait des tonnes dans le persiflage et la critique des comportements de ses semblables, l'autre en revanche semblait se faire un devoir de lui servir de contre-exemple pour tomber sous les traits grossiers de celui qu'elle venait ainsi de flatter.

Certaines personnes doivent être prises dans le sens du poil. Un ronchon tout au contraire n'aime rien tant qu'on lui caresse l'épiderme dans le sens inverse. Si la flatterie peut le cas échéant le mettre mal à l'aise, l'attaque qu'elle fut perfide ou bien directe, le met en joie, lui donne des ailes et quelques mots assassins. La dame aurait dû tourner sa langue sept fois dans sa bouche plutôt que de titiller l'envie du ronchon de lui rédiger un libelle assez déplaisant pour lui donner raison.

Bien sûr le trait sera grossier, il n'est rien à attendre de mieux d'un individu sans nuance ni finesse. La dame qui se prévaut de ces deux qualités au point de n'avoir de cesse d'en faire une forme de ligne de conduite auto-proclamée, en déclenchant le courroux du mal-embouché voulait sans doute hériter d’un portrait relevant de la caricature de la plus parfaite mauvaise foi afin de briller en société.

Voilà du reste un sujet qui les divise de manière rédhibitoire. La toile est pour elle, un tremplin étalant ses mérites et son emploi du temps. Le mécréant indécrottable ne pouvant sentir ces manières de dame patronnesse, le goupillon ostentatoire et les bonnes manières revendiquées au point de s'afficher et de se mirer dans le miroir déformant des réseaux sociaux, voilà qui exaspérait ce contempteur du narcissisme numérique.

D'autres failles s’opèrent encore qui ne peuvent que les mettre systématiquement en opposition. Ce que le ronchon exècre par dessus tout : mondanité, vernissage, cérémonies officielles, flatteries octroyées aux barons locaux, ronds de jambes et sourires niaiseux sont le lot quotidien de la rombière à l'agenda si chargé qu'il lui est bien difficile de le respecter totalement sans le morceler quelque peu.

Pour la rombière, être vue suffit parfois et point n'est besoin de s'engager totalement dans l'activité. Des photographies judicieuses attesteront de son passage et valideront ainsi son carnet de route des lieux où il convient d'être pour appartenir au monde de la suffisance branchée et de la pensée positive. Par contre, la dame geint facilement quand un événement échappe à sa vigilance sourcilleuse. Elle en fait état, s'étonne du manque de communication, se désole mais jamais au grand jamais nous devrions considérer qu'elle ronchonne, c'est bien trop vulgaire pour elle.

Puisque la Rombière a besoin qu'on lui mette les points sur les « i », offrons-lui la définition du Larousse qui lui sied à merveille : « Femme, généralement âgée, quelque peu ridicule et prétentieuse ». On ne peut mieux cerner la dame tandis que le ronchon n'a nul besoin d'elle pour se reconnaître dans cette explication assez juste : « Personnage peu amène qui ronchonne pour peu de chose, qui a l'habitude de tenir des paroles manifestant la mauvaise humeur ou le mécontentement en n'ayant de cesse de critiquer ses semblables. »

La bataille était inégale, les défauts du premier l'emportant largement sur les qualités de la seconde qui eut mieux fait de garder à distance ce personnage si peu sociable, parfaitement mal aimable et d'une éducation déplorable. La discorde ne pouvait se tenir à mots couverts, à propos feutrés : ce n'est guère le genre du ronchon, elle s'étale en propos vénéneux pour le seul désir malsain du ronchon de donner raison à l'assertion de la rombière. En bon valet de pied, il n'a plus qu'à lui dire, après une révérence hypocrite : « Madame est servie, en voyant confirmer ici sa plaisante affirmation sentencieuse ! »

 


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