Une vache à Davos

par C’est Nabum
vendredi 19 janvier 2024

 

Il y a de l'eau dans le gaz.

 

Lasse de s'entendre mettre sur le dos un bilan carbone désastreux, par dépit ou tout autant que par provocation, la vaste confrérie des bovidés, plutôt que de ruminer sa rancœur, envoya une représentante plaider la cause des vaches au forum de Davos (Da-Veau). La chose semblait aller de soi pour nos herbivores qui eussent pu tout aussi bien se convier au congrès international des producteurs de gaz.

C'est lors d'un séminaire réunissant conjointement les vaches à lait et les vaches à viande que l'une d'elles, prit le taureau par les cornes. La rumeur publique leur attribuait l'entière responsabilité des émanations de méthane dans l'atmosphère, de quoi ne pas se sentir dans son assiette. Plutôt que de tenir une bavette entre-elles, démarche qui ne fait jamais avancer les choses, la militante de la cause bovine exprima le désir de se faire porte-parole des vaches en un lieu hautement symbolique.

Se posa immédiatement la question de l'accréditation. Comment se faire accepter parmi le gotha international du monde des affaires ? La pauvre bête ne pouvait se prévaloir du beurre que se faisaient sur elles, la crème des grands groupes des différentes industries de l'élevage et de l'alimentation. Il fallait trouver un prétexte pour justifier une venue qui allait faire sans aucun doute beaucoup de foin dans le Landerneau Suisse.

La porte-parole des vaches trouva un subterfuge habile. Elle se fit convier au nom de l'industrie de la méthanisation. C'était certes une manière de péter un peu plus haut que son cul mais en la matière, personne ne pouvait rivaliser avec ses congénères. Elle était persuadée de ne pas prendre une vesse.

La malheureuse courut de déception en désillusion. Habituée qu'elle était de se faire tâter la croupe dans les salons par les hommes politiques, elle était persuadée que ses yeux de biche allaient faire tourner bien des têtes. Hélas, les industriels sont des êtres bien plus pragmatiques que les politiques, ils n'avaient que faire de laisser sur la paille la belle requérante, habitués qu'ils étaient aux plans sociaux.

Pour se faire entendre, elle se joignit aux manifestants qui, à son imitation, beuglaient à distance du forum. Une charge des forces de l'ordre lui fit tourner le lait, elle reçut des coups de matraque comme vache qui pisse et se dit vraiment que les comportements de ceux qui vont debout sur leurs jambes arrières n'avaient rien d'humain.

C'est alors qu'elle entendit dans la foule un cri de vengeance émanant de ceux qu'elle pensait être ses alliés : « Mort aux vaches ! ». La malheureuse crut sa dernière heure arrivée. Elle fonça cornes en avant dans le tas et étrangement la masse des manifestants suivit son exemple et tous à la queue leu-leu, piétinèrent le cordon de sécurité.

Faisant ainsi irruption dans le sein des seins, la vache en tête de cortège, son intrusion fit une grande sensation parmi des congressistes qui jamais de leur vie, n'avaient vu de près un tel animal. Devant leur air ahuri, alors que certains pris d'une peur panique irrépressible, firent dans leurs braies, la bonne bête, à bout d'argument, leva la queue et déféqua sur cette noble assemblée.

Le message pour symbolique qu'il fut eut des effets miraculeux. Se sentant soudainement mis en cause dans leur honneur, leur dignité et leurs pratiques de caste, les congressistes jurèrent de ne plus jamais se déplacer en jets privés. Une prise de conscience certes un peu tardive mais qui libérait une belle part de bilan carbone pour que les vaches puissent continuer joyeusement d'user librement de la flatulence dans nos près.

Ce fut un grand pas et un vrai bol d'air dans ce marasme planétaire. La vache put rentrer la tête haute ce qui ne l'empêcha nullement d'être adroitement aiguillée non vers sa prairie mais vers de vastes abattoirs. C'est ainsi que l'ont met à la raison les fortes têtes !

Dessins

Patrick Chapatte


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