Le non à la constitution beaucoup plus actif sur Internet
par NetPolitique
dimanche 17 juillet 2005
Franck Ghitalla, maître de conférence en sciences de l’information à l’université de technologie (UTC) de Compiègne (Oise), et Guilhem Fouetillou, doctorant à l’UTC ont réalisé une étude inédite sur l’utilisation du web par les partisans du Oui et du Non lors de la campagne référundum européen, qui confirme l’activisme dominant des opposants au Traité.
Netpolitique a interviewé les auteurs de cette étude pour en savoir plus sur les découvertes réalisées.
Netpolitique : Le Non a-t-il
fait sa campagne sur le web ?
Franck Ghitalla et Guilhem Fouetillou : La campagne
pour le non sur le Web a été extrêmement
dynamique mais plus qu’une campagne politique c’est
un véritable débat qui s’est construit
sur la toile. Les contributions sur les fora et groupes
de discussion politiques ont littéralement explosé,
la plupart des fora en gardent encore les archives et
il est aisé de faire ce constat encore aujourd’hui
bien que le débat a perdu en intensité.
Mais en dehors des fora qui ont permis la cristallisation
d’un véritable débat citoyen, notre étude
montre qu’un nombre important de sites web se lont lancés
dans la bataille du non et ces derniers sont bien plus
nombreux que les sites du oui (66% / 34%).
De plus cette communauté des sites du non est
à la fois plus nombreuse mais aussi plus liée
entre elle, un travail de balisage de ce terrain l’ouvrant
à la navigation a été réalisé
facilitant ainsi la circulation à l’intérieur
des sites du non. La distribution transversale de liens
hypertextes entre différentes ressources donne
donc ce caractère fédératif et très dense au camp
du NON sur le web.
Netpolitique : Votre étude montre clairement que chaque camp est relativement fermé sur lui-même ; il y a peu de passerelles entre les deux camps. Cette bipolarité extrême laisse-t-elle un espace pour la confrontation d’idées, le débat politique ?
Franck Ghitalla et Guilhem Fouetillou : On ne
peut pas dire qu’il y a peu de passerelles entre les
deux camps, si l’on regarde en détail les chiffres
que nous avons analysés. On se rend compte qu’il
existe 17 liens réciproques entre sites du oui
et sites du non. Ce double lien, ce lien bidirectionnel
permet à l’usager qui suit les liens hypertextes
de passer d’un site à l’autre et de revenir,
il indique aussi (même si cela mériterait
d’être vérifié au cas par cas) une
élection réciproque entre les deux sites
: je parle de toi sur mon site et tu parles de moi en
retour, nous nous positionnons comme pairs, la reconnaissance
est mutuelle. Les liens orientés entre les deux
camps sont encore plus nombreux. De plus, d’autres sites
qui n’apparaissent pas sur la carte exclusive du oui/non
ont rôle de passerelle entre les deux mondes.
La densité hypertextuelle inter-communautaire,
même si elle aurait pu faciliter encore plus la
circulation entre les pôles, « outille »
le débat ; elle ne doit pas être considérée
comme un frein à la confrontation d’idées.
Netpolitique : Les sites des médias traditionnels
ou des partis politiques font-ils davantage « autorité »
que les sites personnels ou militants ?
Franck Ghitalla et Guilhem Fouetillou : C’est
justement une des conclusions intéressantes de
notre étude. Les autorités sur Internet,
les ressources auxquelles se réfèrent
le plus les acteurs du débat laissent une large
part aux représentants de la société
civile et aux sites militants ou médias « alternatifs »
(par opposition aux grands médias (journaux,
radio, télévision). On retrouve ainsi
le site www.rezo.net <http://www.rezo.net/ou celui
d’acrimed dans le peloton de tête des autorités
en compagnie de libération ou du nouvel obserateur,
de même des textes rédigés par de
parfaits inconnus avant la campagne se sont hissés
parmi les sites les plus visités et les plus
repris, on pense par exemple au site d’Etienne Chouard
ou à celui de Thibault de la Hosseraye que l’on
retrouve dans nos premières autorités.
Notre méthode pour extraire et traiter les données
hypertextuelles du web concernant ce débat citoyen
ne fait que confirmer le succès de certains sites
en termes de fréquentation.
Netpolitique : Peut-on tirer des leçons
de cette étude en vue de la campagne en ligne
pour les Présidentielles de 2007 ?
Franck Ghitalla et Guilhem Fouetillou : Internet
est un media que les partis politiques ne peuvent faire
l’économie de délaisser, la campagne sur
le TCE a eu le rôle d’un déclencheur et
le monde politique commence à prendre conscience
du retard qu’ils ont accumulé sur ce sujet. La
plupart de ces blogs apparaissent comme des organes
de communication officielle rédigés par des
conseillers en communication et offrant peu de contenu
rarement remis à jour. Et c’est un peu la même
chose pour les sites web « officiels ».
Les internautes ne sont pas dupes et ce n’est pas parcequ’un
ministre, un élu ou un représentant d’une organisation
politique connue ouvre un blog qu’il sera forcément
lu et surtout repris. Il n’y a pas de
secret, pour être lu il faut consacrer du temps
à écrire, consacrer du temps à
répondre aux commentaires des lecteurs, il faut
tisser ce lien organique que les meilleurs auteurs de
blogs par exemple arrivent à développer
avec leur lectorat. Mais il y a plus : dans bien des
cas, on considère internet comme un simple répertoire
dans lequel on viendrait consulter du contenu à
partir d’une adresse, comme un numéro de téléphone
ou une adresse e-mail. Or, ce qui fait la richesse du
web, et la force de certaines communautés qui
le colonisent, c’est la capacité à fédérer
des ressources et à susciter des relations transversales.
C’est
précisément le cas pour le camp du «
non ». Les modalités d’une
véritable campagne politique sur le Web restent
encore à inventer, c’est là un territoire
peu défriché et celui qui saura l’exploiter
intelligemment pour la présidentielle de 2007
aura un avantage important sur ses concurrents. C’est
aussi l’une des grandes leçons de l’élection
présidentielle aux Etats-Unis : être présent
sur internet ne suffit pas, il faut aussi le considérer
comme un territoire qui mérite d’être aménagé
politiquement.
Netpolitique : Dernière question rituelle
: quels sont vos 3 sites/blogs préférés ?
Franck Ghitalla et Guilhem Fouetillou : Trois
sites de référence pour nous sur cette
question du web comme territoire numérique et
le rôle des cartes :
http://www.cybergeography.org/atlas/atlas.html
le site de Martin DODGE
sur la géographie du cyberspace, une référence
depuis déjà longtemps
pour les anglo-saxons.
http://www.opte.org/maps/
juste pour contempler des cartes de l’internet, et comprendre le rôle des relations transversales entre ressources.
http://linux.oreilly.com/news/linuxanatomy_0101.html
des réseaux
numériques au papier : une carte à imprimer...
et à afficher !