Reprisons

par C’est Nabum
jeudi 5 septembre 2024

 

La méprise fait son trou !

 

La reprise est dans toutes les têtes, c'est le sujet de l'heure qui de fil en aiguille raccommode nos conversations et les bons amis qui se sont perdus de vue durant la période estivale. Il s'agit de reprendre le cours habituel des choses, ce train-train du quotidien dans lequel les congés avaient laissé un trou béant. Pour le bouger, il suffit de repriser avec soin, c'est du moins ce qui se faisait jadis dans les chaumières.

La rentrée autrefois, c'était la réactivation des vieilles habitudes dans les habits et avec le matériel qu'on avait préservé avec soin ou en utilisant ceux que nous laissaient nos aînés. L'économie était circulaire, elle ne faisait pas de ronds dans des bourses qui s'évertuaient à ne pas prendre l'eau.

J'ai ainsi grandi dans une boutique qui à l'approche de la rentrée des classes – à la mi-septembre en ce temps lointain – voyait s'accumuler dans l'atelier de mon père une montagne de sacs d'école. Je n'avais pas besoin qu'on évoque à la radio l’imminence du retour en classe pour en voir une manifestation d'autant plus tangible que la craie entrait elle aussi en scène. Mon paternel, pour se retrouver dans cet amas de cartables, le plus souvent en cuir, inscrivait le nom du client à la craie blanche sur l'objet à raccommoder.

Est-ce par la magie de son alêne , de ses aiguilles courbes et de ses gros doigts de bourrelier que tous les gamins du pays s'en allaient le cœur léger reprendre le chemin de l'école. Il n'y avait pas besoin d’accommoder ce moment de salamalecs et de tenues chatoyantes, d'une panoplie toute neuve et d'un sac qui ne passerait pas l'année et les modes. Nulle fâcherie et ni raccommodage autre celui du maroquinier.

Dans le même temps je découvrais que pour un camarade d'une classe sociale différente, la reprise se déroulait au cercle hippique, là où en tournant en rond, il progressait patiemment vers un titre éphémère de champion de France sur une jument prénommée Marceline, tandis que pour mes camarades du club de foot, la reprise était de geste que nous espérions réussir pour mettre une belle volée à nos adversaires du jour.

D'autres reprises attendaient les vieilles chaussettes qui le temps d'un été avaient été remisées au placard. Les ongles mal taillés ou les pieds grandissant trop vite avaient semé quelques patates dans la laine. Depuis, la maille fait de la résistance contre les états grippaux chez certains apprentis sorciers qui prétendent que mettre des rondelles de pomme de terre la nuit dans ses chaussettes évite d'attraper la grippe.

La reprise a de beaux jours devant elle puisqu'à chaque rentrée, les politiciens nous demandent de regarder attentivement le bout du tunnel duquel nous émergerons en état de grâce sans creuser le déficit ni grever notre budget. Une reprise aussi illusoire que sont les véritables compétences de ces beaux parleurs impuissants.

Alors dans le marasme d'une rentrée qui n'en finit pas d'attendre son chef d'orchestre, guinguettes et télévisions se contentent de reprises à tout va pour s'épargner le risque de la création. Ne vous méprenez pas, la reprise est confortable et donne l'illusion de faire son trou dans ce monde de la culture qui vire aimablement vers la distraction de masse.

Ne souhaitant pas tomber dans l'insupportable travers de la vaporette et pour me démarquer de toutes les pratiques addictives de l'heure, pourquoi ne pas relancer le tabac à priser puisque la mode est à l'ancien, au passé, au révolu. Prisons et reprisons de concerts, ainsi le jeune homme qui nous sert de président n'aurait plus du lait qui lui coule du nez quand on le lui presse, mais un jus brun et épais. Ainsi il ferait enfin un tabac et parviendrait ainsi à reconstituer le tissu social qu'il a copieusement déchiré.

 


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