Il y a civelle sous gravillon
par C’est Nabum
jeudi 1er août 2024
Taquinons le propos ...
Que la ficelle soit trop grosse, je n'en doute pas un seul instant. Le grand manipulateur semble s'être jeté à l'eau avec une grenade dégoupillée à la main, retrouvant instinctivement le geste ancestral des pêcheurs au carbure. Malin comme il est, il espère ramasser les gros poissons qui flotteront à la surface, le ventre à l'air et la vessie natatoire explosée.
Bien sûr en agissant ainsi il entend redéfinir la ligne de flottaison des maquereaux et morues qui vient ainsi aux filets des citoyens depuis si longtemps. Hélas pour lui, les crabes résistent à la manœuvre et se pincent pour éviter de rire devant ce coup d'épée dans l'eau cousu de fils blancs. Les plus malins, n'ayant jamais mis tous leurs œufs dans le même panier, entendent bien éviter la sournoise manigance.
Dans les bas-fonds de la politique, les anguilles ont cessé de se cacher sous la roche. Même si Freluquet espérait en prendre quelques-unes dans ses nasses, l'animal demeure insaisissable et ne peut se prendre qu'en le maintenant avec du papier journal. Se concilier la presse était donc un impératif pour espérer faire bonne pêche sans avoir de la friture sur la ligne.
Une fois encore, il y eut mal donne. La presse est tombée dans les mains des gros capitaines d'industrie qui depuis quelques campagnes de pêche aux gros, n'ont d'yeux que pour le parti des pêcheurs à la ligne qui s'est rangé comme un seul électeur derrière la troupe marine. S'en est fini pour eux de la pêche en eau douce, ils souhaitent pousser le bouchon plus loin et repousser en haute mer toutes les espèces indésirables.
L'anguille dans sa faculté de vivre indifféremment en eau salée ou en eau douce selon son cycle de migration ne constitue pas une bonne référence dans ce camp. Son long voyage pour donner naissance à la vie a intrigué les idéologues de la mouvance qui virent dans ce phénomène une négation de leur crédo : « Les poissons exotiques viennent chez nous pour recevoir les allocations familiales ! »
Il devint impératif de communiquer autrement. L'anguille préférant quitter les eaux nationales pour se reproduire, toute la stratégie devait s'orienter sur ses enfants : les civelles qui avaient elles l'intention de revenir au pays. Le débat porta alors sur la manière d’accueillir ou de rejeter à la mer cet afflux d'immigrants.
Les principes établis par le droit de la sole n'étant pas efficients pour ce cas de figure, l'affaire risquait fort de tourner en queue de poisson tandis que le pétard du grand manipulateur avait de forte chance de faire long feu. Il fallait trouver d'autres techniques pour retourner les uns ou les autres, prendre dans ses rets les plus prompts à retourner leur vessie.
Un élément de langage, une fois encore vint au secours des communicants sous télécommande, les chantres de la pêche éclectique. Prétendre qu'il y avait anguille sous roche dans l'une des dix solutions proposées par le grand manipulateur ne mettait pas la puce à l'oreille de nos concitoyens qui risquaient fort de prendre la mouche, se rendant compte qu'ils avaient été leurrés.
Pour amorcer une nouvelle confiance, pour noyer le poisson et diluer le poison, il faut décider d'évoquer insidieusement une nouvelle technique de capture de la petite friture. On leur déclara que tout dans la nation va à veau (de mer) l'eau et qu'il leur revenait de ne pas tomber dans les tambours, les nasses et les filets des extrêmes.
Il y avait de la civelle sous gravillon tandis qu'il appartenait à chaque électeur de bien choisir son petit gravier afin de parvenir à en faire des ricochets en lançant sa ligne dans l'urne. Après une campagne de pêche fort courte au cœur de la période de fraie, j'avoue n'avoir toujours rien compris à cette affaire ce qui ne m'interdit nullement de taquiner le propos entre deux eaux.