Une affiche qui ne fait pas recette

par C’est Nabum
jeudi 30 janvier 2025

 

Le terme qui fait peur.

 

Le monde des petits spectacles, pas celui des grandes salles aux productions rodées, aseptisées, promotionnées, poussées, standardisées mais celui bien plus confidentiel des modestes artisans de la culture vivante se heurte souvent à la difficulté de faire savoir, de susciter l'intérêt et l'envie de la découverte. Dans cette société dite de communication, l'excès de celle-ci provoque une forme d'embouteillage médiatique qui fait que faire savoir est souvent bien délicat et pousser à se mettre en branle bien plus encore.

Le recours à cet obstacle de taille réside le plus souvent dans la fidélisation d'un public de proximité qui fait totalement confiance, les yeux fermés si j'ose dire, à un promoteur d’événements, à un lieu scénique qui a su convaincre de la pertinence de ses choix. C'est alors la confiance, l'habitude, la fidélité qui font office de campagne promotionnelle. C'est un public presque assuré qui remplira une petite salle…

C'est du moins ce qui se passait habituellement en ce lieu fort sympathique où un duo se produisait. Alors qu'habituellement, le maître de céans est contraint de refuser du monde, ce soir-là, la salle sonne désespérément le creux. Quelle pouvait être la cause de cette désaffection d'un jour ? Pour les artistes, il faut bien le reconnaître, la pilule était dure à avaler…

C'est alors que l'un des deux compères déclara s'attendre à pareil insuccès. Pour lui se pose clairement le problème de la définition de son travail. Depuis toujours, il perçoit l'évidence que le « Conte » ne fait pas recette en dehors d'un public averti et spécialisé dans des lieux plus confidentiels encore et clairement estampillés pour le genre.

Alors que justement, celui qui sort du cadre, qui s'émancipe de la définition traditionnelle de l'étiquette qu'on lui accole, ne parvient pas à définir sa production scénique par un terme qui fera écho dans le grand public. S'il se laissait aller à la modernité il pourrait se réclamer d'une forme de « Stand-up territorial », formulation qui laisserait pantois à coup sûr mais dénaturerait ses intentions et son travail

Il est des propositions qui ne déclenchent pas la curiosité ou le désir. Le « Conte » a bien du mal à sortir de son espace de confort. Le terme fait peur à bien des publics qui pensent à tort qu'il est réservé aux enfants, aux bibliothèques, aux écoles, aux lettrés. Comment modifier cette idée reçue quand la notoriété ou peut-être le talent, ne sont pas de nature à chambouler les idées reçues.

Curieusement, ceux qui viennent sans savoir sortent enchantés après avoir profité d'une représentation pour laquelle ils n'avaient aucun à priori. Ils se sont laissés porter par l'émotion, le rire, la curiosité, le plaisir de la découverte et de la réflexion. Ils sont entrés dans une représentation qui n'est jamais restée sur le même registre tout en ayant toujours la volonté d'évoquer notre époque et ses problématiques en prenant d'autres biais, d'autres entrées.

L'affiche ne fait donc pas recette, non pas parce qu'elle est insipide, sans intérêt ou sans valeur mais simplement parce qu'elle porte une étiquette qui n'est pas en adéquation avec ce qu'elle est réellement et aussi parce qu'elle se heurte à la perte de curiosité d'un public qui n'aime rien tant que les produits formatés et sans prise de tête.

Contre cela, il n'est rien à faire parce que le poids des habitudes fera toujours que le plus grand nombre s'écartera de ce qui n'est pas dans l'air du temps. Cependant, il n'est pas question d'accepter cette injonction à l'insuccès simplement sur des critères de représentation. Le « Conte » mérite mieux que cette hostilité de principe, que cet enfermement dans une forme supposée par pensée magique obsolète et ringarde.

Si l'affiche ne fait pas recette, elle continuera néanmoins à sillonner le pays, d'asséner encore et encore cette petite musique de mots et de sens qui sort des sentiers rebattus. Vous ne réglerez pas son compte à celui qui n'est pas vraiment conteur mais qui entend ne pas s'en laisser compter.


Lire l'article complet, et les commentaires