La suppression du Conseil Départemental n’entraînera pas celle du Département

par Michel DROUET
vendredi 14 mars 2025

Dans un raccourci saisissant (1), M Sauvadet, Président de l’Association des Départements de France instrumentalise 235 années d’existence des Départements créés en 1790 par la révolution pour justifier celle d’une collectivité territoriale, appelée également Département à la notoriété beaucoup moins évidente. 

Oui, il y a bien, en France, deux entités qui peuvent se prévaloir de la dénomination « département ».

L’une dont le siège est à la Préfecture de chaque département qui est une subdivision territoriale de l’Etat dirigée par un Préfet et relais du pouvoir central et des Ministères dans ces territoires dessinés par les révolutionnaires en 1790.

La seconde, moins bien identifiée, est une collectivité territoriale dirigée par un Conseil Départemental, composé d’élus, à qui a été confiée, lors de la décentralisation de 1982, des compétences exercées antérieurement par l’Etat (social, collèges, routes,).

Pariant sans doute sur le fait que peu de personnes sont en mesure de distinguer ces deux instances, M. Sauvadet opère ce qu’on peut appeler une forme de captation d’héritage révolutionnaire du département « historique », dont il espère que cela profitera à l’enterrement des projets de suppression de la collectivité territoriale qu’il représente, tout juste quadragénaire, et dont l’utilité est largement remise en cause.

On peut parler en effet pour ces « Départements/Collectivités territoriales » d’une fausse décentralisation, une sous-traitance en quelque sorte, puisque la compétence principale dont elle est attributaire, le social, représente plus de 60 % de son budget, et que les élus ne décident de presque rien. Toute cette politique sociale est entièrement cadrée par l’Etat (conditions d’accès et montant des aides sociales). Pas besoin d’une collectivité territoriale par conséquent pour gérer cette compétence là où un simple service ou un opérateur de l’Etat suffirait.

D’ailleurs, M. Woerth dans son rapport commandé par le Président de la République ne préconise-t-il pas la création d’un Etablissement Public Local des Solidarités (une strate de plus !) cogéré entre Conseil Départemental et Etat pour finaliser un quasi retour à la tutelle de l’Etat sur les élus.

Et comme il serait très facile de répartir l’ensemble des compétences de cette collectivité territoriale entre d’autres collectivités ou envisager un retour de certaines vers l’Etat, ou ses opérateurs, la suppression de la collectivité territoriale départementale peut être envisagée sans difficultés, avec à la clé de substantielles économies financières, qui, par les temps qui courent, seraient bienvenues.

Mais voilà, de cette éventualité, M. Sauvadet et les 4076 Conseillers Départementaux ne veulent pas entendre parler et ils tordent l’histoire en faisant des amalgames douteux avec l’esprit révolutionnaire d’origine pour verser dans un conservatisme qui masque à peine la volonté de préserver leurs prés-carrés, et leurs « avantages acquis », c’est-à-dire leurs mandats.

Tout juste évoque t’on la perspective de la création d’un « conseiller Territorial » siégeant à la Région qui ne serait qu’en fait une forme recyclage et la « cantonisation » de cette collectivité, dans un but évident de conserver des mandats alors que la France détient déjà un record d’Europe (sinon mondial) dans ce domaine (1 élu local pour 130 habitants), sans que rien n’indique que d’autres pays qui en sont à 1 élu pour 2000 Habitants soient mal gérés. 

Dans une soudaine prise de conscience de leur rôle mineur dans la conduite des destinées du pays et tenant compte par ailleurs que l’Etat restreint davantage chaque année leurs moyens financiers au risque de devoir diminuer les subventions associatives, et mettre à mal le tissu social, les 4076 élus départementaux seraient mieux inspirés de présenter leur démission auprès des Préfectures départementales, en demandant à l’Etat, de procéder à une répartition de ses compétences entre les autres collectivités, actant, de fait, la disparition des Conseils Départementaux,. 

A l’heure où on demande aux Français des sacrifices pour faire face aux crises budgétaires et internationales, il serait anormal que des élus de la République, les Conseillers Départementaux en l’espèce, accrochés à leurs privilèges, refusent de prendre part à ces efforts.

 

( 1) https://www.latribune.fr/opinions/tribunes/opinion-francois-sauvadet-les-departements-235-ans-au-service-des-francais-1019704.html

  1. « Décentralisation : il faut que tout change pour que rien ne change » par Michel DROUET, aux Editions L’Harmattan.

 


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