17 février 2002 : le jour où la France a dit adieu au franc, après 641 ans d’existence
par Giuseppe di Bella di Santa Sofia
lundi 17 février 2025
Le 17 février 2002, le franc français, fidèle compagnon des Français pendant plus de 6 siècles, tirait sa révérence. Son remplacement par l'euro marquait la fin d'une époque, riche en bouleversements économiques et sociaux. De la création du franc par le roi Jean ii le Bon en 1360 aux pièces à l'effigie de Marianne, ce symbole monétaire a traversé les guerres, les révolutions et les mutations de la société française.
Naissance d'une monnaie royale : le franc de Jean II le Bon
L'année 1360. La France est en pleine guerre de Cent Ans. Le roi Jean II le Bon, capturé par les Anglais lors de la bataille de Poitiers, attend sa libération. Pour payer sa rançon, il décide de créer une nouvelle monnaie : le franc.
Frappée en or, cette pièce porte l'inscription « Johannes Dei Gratia Francorum Rex » (« Jean, par la grâce de Dieu, roi des Francs ») et représente le souverain à cheval, armé d'une épée. Ce « franc à cheval » symbolise la libération du roi et affirme la souveraineté française face à l'ennemi anglais.
Mais au-delà de son aspect symbolique, le franc répond à une nécessité économique. À cette époque, la circulation monétaire est chaotique. Différentes monnaies, françaises et étrangères, coexistent, rendant les échanges commerciaux complexes. Le franc, avec sa valeur fixe et sa garantie royale, vise à unifier le système monétaire et à restaurer la confiance.
Cependant, l'histoire du franc débute par une période d'instabilité. Les guerres, les troubles politiques et les manipulations monétaires entraînent des fluctuations de sa valeur et l'apparition de nombreuses contrefaçons. Il faudra attendre le règne de Charles VII et la fin de la guerre de Cent Ans pour que le franc s'impose durablement comme la monnaie du royaume.
Du franc à l'écu : les aléas d'une monnaie royale
Au fil des siècles, le franc connaît de multiples transformations. De nouvelles pièces apparaissent, en or, en argent et en cuivre, avec des valeurs et des effigies différentes. Sous Louis XIII, l'écu d'or devient la monnaie de référence. Le franc, quant à lui, continue de circuler sous forme de pièces d'argent.
Le règne de Louis XIV marque un tournant important. Sous l'impulsion de Colbert, Contrôleur général des finances, le système monétaire est réformé. L'écu d'or est remplacé par le louis d'or, une nouvelle pièce plus stable et plus fiable. Le franc, releǵué au second plan, est désormais utilisé pour les petites transactions.
Malgré ces réformes, la monnaie royale reste fragile. Les guerres coûteuses, les dépenses excessives de la Cour et les mauvaises récoltes entraînent des crises financières à répétition. Le gouvernement a alors recours à des pratiques douteuses, comme la dévaluation et l'augmentation de la masse monétaire, qui contribuent à déstabiliser le franc.
La Révolution et la naissance du franc germinal
La Révolution française bouleverse profondément le système monétaire. En 1792, la Convention décide de créer une nouvelle unité monétaire : le franc. Divisé en 100 centimes, il remplace la livre tournois, l'ancienne monnaie royale. Ce nouveau franc est basé sur le système décimal, plus simple et plus rationnel que l'ancien système.
Mais la période révolutionnaire est marquée par une forte inflation. Pour financer l'effort de guerre, le gouvernement émet massivement des assignats, une sorte de monnaie papier qui se déprécie rapidement. Le franc, lié à l'assignat, perd lui aussi de sa valeur.
Il faudra attendre 1795 et la création du franc germinal pour que la stabilité monétaire soit restaurée. Cette nouvelle monnaie, garantie par l'État, est définie par un poids fixe d'or. Le franc germinal s'impose rapidement comme une monnaie forte et stable, qui va durer plus d'un siècle.
Le franc au XXe siècle : guerres, crises et dévaluations
Le XXe siècle est une période tumultueuse pour le franc. Les deux guerres mondiales, la crise de 1929 et les décolonisations mettent à rude épreuve la stabilité monétaire. Le franc subit de nombreuses dévaluations et perd progressivement de sa valeur.
Après la Seconde Guerre mondiale, le franc est rattaché au dollar américain dans le cadre du système de Bretton Woods. Ce système, qui vise à stabiliser les taux de change, permet au franc de retrouver une certaine stabilité. Mais la fin de la convertibilité du dollar en or en 1971 marque le début d'une nouvelle période d'instabilité.
Dans les années 1980, la France adopte une politique de « franc fort » visant à lutter contre l'inflation et à renforcer la crédibilité de sa monnaie. Mais cette politique a un coût social élevé, avec une augmentation du chômage et une baisse du pouvoir d'achat.
L'euro : une nouvelle ère monétaire
Au début des années 1990, le projet d'une monnaie unique européenne prend forme. L'objectif est de créer une zone de stabilité monétaire et de faciliter les échanges commerciaux entre les pays membres. Le 1er janvier 1999, l'euro est introduit comme monnaie de compte. Le franc français, ainsi que les autres monnaies nationales, est alors fixé à un taux de change irrévocable par rapport à l'euro.
Le 1er janvier 2002, les billets et les pièces en euros entrent en circulation. Les Français découvrent les nouvelles coupures, avec leurs motifs représentant les différents styles architecturaux européens. Le franc continue de circuler pendant une période de deux mois, le temps pour les citoyens de s'habituer à la nouvelle monnaie.
Le 17 février 2002, le franc français perd définitivement son cours légal. Après 641 ans d'existence, la monnaie qui a accompagné les Français à travers les siècles disparaît au profit de l'euro. Une page d'histoire se tourne (définitivement ?).
La nostalgie du franc
La disparition du franc a suscité un certain sentiment de nostalgie chez la plupart des Français. Pour beaucoup, le franc représentait plus qu'une simple monnaie. Il était un symbole de l'identité nationale, un lien avec le passé et les traditions.
Certains regrettent la familiarité des anciennes pièces et billets, avec leurs figures emblématiques comme Marianne, la semeuse ou Hercule. D'autres critiquent la perte de souveraineté monétaire impliquée par l'adoption de l'euro.