Mémoire Vive : pour mieux comprendre Alain de Benoist
par DerWiderstand
vendredi 31 janvier 2025
Plus de cent ouvrages publiés ; des milliers d'articles ; des centres d'intérets extrêmement diversifiés. Des "Indo-Européens" aux questions de géopolitique, en passant par la vie de Jésus... L'oeuvre d'Alain de Benoist ressemble à bien des égards aux dédales d'un labyrinthe !
Mémoire Vive est-il un ouvrage savant de plus ? ou celui permettant de les comprendre tous ? Ouvrons l'ouvrage et lisons...
On entre dans ce livre imposant, aussi, par le nombre de pages - près de 500 ! -, comme on écoute aux portes d'un château. Celui d'Alain de Benoist de Gentissart. On y entend des pas de couloir, des murmures et des paroles, quelques éclats de rires. Parfois, de la résignation. Mais jamais du désespoir.
Manifester une âme tragique. Pourtant, l'état des lieux est sans appel ! Les titans ont gagné la guerre contre les dieux ; la communauté organique a été remplacée par la société mécanique ; les bouffons ont pris la place des rois ; l'Europe est en passe de devenir la banlieue d'elle-même... Certes, tout cela n'est pas faux ! Mais c'est une âme tragique qu'Alain de Benoist manifeste devant la grande fa(r)ce du monde. Jamais du désespoir. Souvent, Alain de Benoist cite Martin Heiddeger, un de ses auteurs phares. "Seul un dieu peut nous sauver" !
Dans l'oeuvre d'Alain de Benoist le mot "dieu" revient souvent. Les textes d'Alain de Benoist sont en outre blasonnés de références à Achille, Ulysse et autres figures de la mythologie. A l'heure de l'économie comme destin, du technosolutionisme comme moyen et de la consomation comme festin, cette référence aux héros de l'Antiquité peut paraître désuète. Les légendes employées comme somnifères pour endormir les enfants peuvent aussi être des électrochocs pour réveiller le monde assoupi des adultes.
La mythologie n'est pas d'hier ni de demain, mais de toujours. Lecteur de légendes dont il a, depuis l'enfance, "fait son miel", Alain de Benoist sait que les infrarouges et les ultraviolets du sens se rencontrent aussi dans ces récits à hautes valeurs symboliques. Les légendes ont le pouvoir de faire changer d'octave la pensée et l'âme. Et c'est la l'essentiel.
Une vision non-dualiste du monde. Selon Alain de Benoist, le monde est "toujours ouvert". "L'histoire n'est jamais close". Le sceau du réel, c'est la diversité. Il emploie souvent le terme "plurivers" au lieu d'"univers". Il y a plusieurs mondes emboités les uns dans les autres. Plusieurs temps. Plusieurs octaves de compréhension...
En outre, Alain de Benoist croit à la "non-dualité et à la complémentarité des contraires". La conception du monde des Anciens, celle de l'Inde védique en particulier, semble lui donner raison : le principe conservateur (Vishnou) et le principe transformateur (Shiva) sont à la fois opposés et complémentaires. Même lorsque tout laisse à penser que l'un des deux a gagné la partie, il y a, en fait, toujours complémentarité. D'un certain point de vue, Brahma (l'Être suprême) a besoin de Shiva pour que l'humanité parvienne à son terme. Eclairé par le mythe, le monde physique ressemble alors à une partie de dés métaphysiques. Les dieux jettent des dés qui sont perçus, par les hommes, comme des "cycles".
Entre les cycles stables, il y a des entre-temps, des enter-règnes d'installibilité comme celui que nous traversons. Une autre manière de se représenter cet entre-temps est de s'imaginer une chenille et un papillon. Entre les deux états, il existe un temps de gestation, celle de la chrysalide, visqueux et gluant. Notre temps.
L'impératif dialogique. Fasciné par la faconde d'un auteur, on peut se dire, tout de même, quel penseur virtuose cet Alain de Benoist ! Mais c'est sans doute oublier que la valeur d'un auteur est tout simplement celle d'un homme qui, de surcroit, écrit des livres.
Qui est donc Alain de Benoist ? Tout dépend des points de vue. Pour Jacqueline de Roux, il serait "taraudé par le Christ". Pour Alain Soral, "Alain de Benoist caresse son chat, en regardant la télé ; lui, qui voulait chevaucher le tigre". Pour certains anticatholiques de droite et néopaïens de diverses obédiences, il apparait comme une sorte de pape. Cette vénération papale donne raison à Alain de Benoist. Il y a bien une "coïncidence des contraires". CE principe se vérifie dans l'entourage d'Alain de Benoist. Il n'y a pas plus catholique que les anticatholiques.
Bref, les avis à son endroit divergent. Tirons-en la conclusion qu'Alain de Benoist est comme tout homme. Il est multifacette !
A mon humble avis, je dirais qu'Alain de Benoist est un intellectuel qui répond aux questions qu'on lui pose. Et cela est une philosophie en soi. Pour tout questeur de sens, les auteurs se séparent en effet en deux catégories bien distinctes. D'un côté, il y a ceux qui répondent au courrier ; et de l'autre, ceux qui n'y répondent pas. De très loin, les plus nombreux.
J'ai rencontré personnellement beaucoup de "phraseurs habiles" qui oubliaient de payer leur café en partant. Trop occupés à sauver l'humanité, ils en oubliaient de répondre au courriers de leurs lecteurs. Ces "arlequins de la vie parisienne", un Dominique de Roux n'eut de cesse de les fustiger. Dans un propos consultable sur internet, Llauteur d'Immédiatement leur oppose un Jean Paulhan qui - précise-t-il à dessein - "répondait aux lettres"...
Une pensée de type labyrinthique. L'oeuvre d'Alain de Benoist est traversée par quelques axes récurrents. On notera une inclinaison essentielle : le "polythéïsme". Il ne sagit pas, chez Alain de Benoist, de prosélithisme religieux, mais de concevoir la diversité (le "poly") comme un bien et le "mono" comme un mal. Sont suspectes : les pensées systématiques, tout ce qui renvoit au centralisme. En fait, tout ce qu'impose l'hémisphère gauche du cerveau ; en d'autres termes encore, tout ce qui ressemble de près ou de loin à une structure centralisée et pyramidale.
A la page 144 de Mémoire Vive, il précise : "Il s'agissait d'avancer progessivement sur un itinéraire permettant de toujours penser plus loin, sans s'arrêter en route". Cette phrase ne fait-t-elle pas penser à une démarche intellectuelle de type labyrinthique ? Mon opinion estr qu'il y a plusieurs typologies de pensée. Descartes serait de type analytique et pyramidale. La pointe de la pyramide est chez lui le "moi". A rebours de Descartes se situerait les pensées de type rizhomique et labyrinthique. Comme celle d'Alain de Benoist.
Très archaïque, le thème mythique du labyrinthe peut en tout cas éclairer le fonctionement des organes les plus complexes du vivant ! Il peut apporter une lumière sur le fonctionnement interne du cerveau ou encore celui du système solaire. Serait-il aussi de nature à illustrer la démarche empirique d'Alain de Benoist. Pourquoi pas ?
Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si « l'un des thèmes qui m'a toujours le plus fasciné est celui du labyrinthe. J'espère d'ailleurs si j'en ai le temps lui consacrer un livre. Ces deux phrases, Alain de Benoist ne les a pas écrite sur le sable. Il les as écrite dans un article qui a pu jouer pour beaucoup un rôle de clé à serrure.
Cher Alain de Benoist, il marque peut-être à votre oeuvre une étude consacrée au thème du labyrinthe. Non seulement elle serait l'occasion de revisiter les grands mythes solaires de notre vieille Europe (la guerre de Troie, la geste de Sigfried, etc.) mais serait aussi de nature à mieux comprendre votre vision du monde !
Rappelez-vous aussi que le labyrinthe tire justement son origine d'une promesse non tenue faite par le roi Midas au dieu Poséïdon ! Alors, cher Alain de Benoist, gare aux promesses non tenues !