En robe des champs

par C’est Nabum
jeudi 12 décembre 2024

 

Une bonne nature…

 

Existe-il plus belle expression que celle qui prétend servir un légume en robe des champs ? Tout y est : l'image qui sied et un petit brin de poésie pour une gourmandise qui évite de sortir l'économe. Les esprits chafouins ajouteront alors les pesticides et autres intrants qui viennent agrémenter la robe de quelques paillettes nocives.

Il suffit pour contrer ce travers vestimentaire de choisir un tailleur qui n'utilise que des fibres naturelles, se passe de colorants et n'exploite pas une main d'œuvre servile pour la fabrication de ses vêtements. Une bonne brosse chiendent naturelle servira ainsi de laverie automatique pour donner au légume sa magnificence.

La patate est le porte flambeau de la pratique. Elle a parfois ses vapeurs à moins qu'elle ne se pare d'une couverture de survie pour mettre son tubercule au feu. Elle en sortira alors onctueuse et vaporeuse, réclamant un beurre salé ou une crème fraîche finement préparée pour lui donner ses lettres de noblesse. C'est ainsi qu'elle sera la reine du bal avant que de disparaître avant la minuit.

La carotte n'est pas en reste, elle qui n'est jamais aussi goûteuse que vêtue de sa peau quand elle est cuite à la vapeur. Elle développe alors des parfums insoupçonnés quand ainsi vêtue, elle se métamorphose de manière surprenante. L'orange aux joues – à moins que vous ne la préfériez d'une autre couleur – elle vous invite sur un lit d'oignons à une belle surprise.

La pomme fruit aime à singer sa cousine de terre. Elle peut passer au four dans sa belle tenue pour une cuisson délicate. Ne vous fiez pas aux apparences, si elle en sort fripée, parfois ridée, elle n'en conserve pas moins sa délicatesse tout en fondant sous la bouche. Une noix de beurre ou un peu de cidre, et l'envie de la dénuder vous prendra soudainement.

La courgette peut aussi garder la chambre surtout quand elle s'habille d'un pyjama vert rayé de blanc. Elle se fera fondante sans avoir à supporter cette graisse qui la rend parfois trop lourde. Elle peut rejoindre le défilé de mode des légumes qui portent la robe avec grâce et élégance. Elle fera bon ménage avec la patate douce qui ne voit pas la moindre raison de laisser la vedette à sa cousine promue par Parmentier. Tout est permis pour qui désire se régaler aussi avec les yeux.

La courge spaghetti supporte elle aussi la cuisson sans se dénuder. La chose est plus complexe pour éviter qu'elle ne déchire sa parure durant la cuisson qui suppose de la mettre au bain marie. Sa robe de chambre relève de la sortie de bain qu'il conviendra d'ouvrir au sortir du four sans oublier de la débarrasser de ses nombreux boutons, pardon : pépins.

D'autres peuvent aussi supporter pareil traitement à commencer par le potimarron qui pour la soupe n'a pas besoin de se déshabiller pour plonger dans son bain. Mais là encore, il convient de l'ouvrir en deux pour lui retirer un cœur qui n'est pas prêt de battre pour vous. La robe des champs suppose de ne pas dissimuler des secrets sous la parure pour être pleinement plaisante.

Je laisse à votre imagination culinaire le soin d'habiller ainsi d'autres légumes puisque la vapeur n'attend pas le nombre des affamés. Tout est permis pour peu que la parure soit belle et la cuisson maîtrisée. Il s'agissait ici de rendre hommage simplement à cette belle façon de nommer la chose : la robe des champs place la métaphore au rang d'œuvre d'art non pas de haute couture mais de simple cuisine familiale.

Bon appétit à tous en espérant recevoir en retour quelques recettes pour compléter ma garde-robe. Merci par avance, j'en ai l'eau à la bouche.


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