À plus d’un titre
par C’est Nabum
mercredi 19 mars 2025
Billet attitré.
Il suffit d'un titre pour que naisse un billet, que les mots s'ordonnent, que les idées s'organisent de manière à constituer ce labeur quotidien que constitue une chronique. Tout débute avec cette porte ouverte, cette invitation à la déclinaison d'une pensée, certes un tantinet maladif mais ô combien prolixe.
Curieusement, je n'avais pas songé jusqu'alors que celui qui vous impose chaque jour ce rendez-vous de lecture est totalement dépourvu du moindre titre. Qu'il fut comme pour nombre d'entre vous universitaire, sportif ou honorifique, je suis passé au travers des diplômes, des récompenses, des honneurs avec une extrême application et une persévérance digne d'éloges. Comme d'autres sont sans ressources ou bien sans dent, sans principe ou sans scrupule, je suis sans le moindre titre, ce qui fait ma fierté tout autant que mon dépit.
Ma fierté d'être un de ces vieux produits en voie de disparition de l'instruction publique qui menait jusqu'au baccalauréat des élèves qui disposaient alors d'un bagage suffisant pour être des honnêtes gens, suffisamment cultivés pour aborder la vie et le monde du travail. Aujourd'hui, l'accumulation de diplômes n'est en rien une garantie, bien au contraire et vient titrer des individus sans la moindre culture.
Mon dépit est d'avoir toujours accumulé les échecs retentissants en matière sportive, me faisant même le spécialiste des finales perdues. On peut aussi adjoindre à ce registre désolant l'absence de prix et de récompenses dans cette activité littéraire que je pratique d'une plume insipide. Point de titre ni de médaille, une absence totale de titre honorifique qui fait ma gloire, question de mauvais caractère sans doute.
À juste titre donc, je ne suis rien qui vaille ce qui me place néanmoins au-dessus de ceux qui ne sont rien du tout. Juste une inscription sur le registre des naissances d'une commune qui se fait un devoir de ne me reconnaître aucun talent. Je n'y serai jamais tenant du titre de fierté locale. À ce titre du reste, je n'y suis jamais convié.
Comme par ailleurs je ne suis possesseur d'aucun titre boursier, la spéculation relevant d'une activité immorale au même titre que le vol, je n'aspire nullement à la reconnaissance de la nation, me contentant de rester et pas seulement à titre provisoire, un parasite puisque j'ai exercé la profession d'instituteur en refusant ce titre pompeux et fallacieux de professeur des écoles.
Comme le vin titre son degré d'alcool sur l'étiquette, c'est à la seule lumière d'un titre que j'essaie vainement d'attirer le chaland sur la toile à la lecture de mon titre. Parfois des textes circulent en d'autres lieux sans même qu'ils me soient attitrés, la rançon de l'anonymat en somme, un fort joli titre de gloire à la vérité.
Pour les besoins de la mise en page, il me faut encore jouer le jeu du sous-titre et parfois du chapeau. J'avoue qu'à mes yeux, seul le premier compte tandis que les illustrations sont présentes qu'à titre purement décoratif, sans véritable rapport avec le texte. À titre gracieux, j'offre ainsi un texte pour le plaisir d'un partage qui s'avère de plus en plus incertain.
Je n'oublie pas que l’étymologie latine de ce joli mot de titre renvoie à « Titulus », cette inscription que l'on trouvait sur les pierres tombales. J'ai du reste conscience, à titre de renseignement pour beaucoup, que j'use d'une langue bientôt morte et qui laisse de marbre l'immense majorité de ceux qui fréquentent la toile à d'autres titres.
C'est donc sans fleurs ni couronne que j'aspire ici au titre de digne représentant de l'obsolescence et de la vacuité de ce rendez-vous avec près de cinq milles caractères qui tentent vainement d'accéder au titre de chronique littéraire. Une forme de titre de transport pour l'évanescence, la porte d'accès vers l'oubli et l'effacement.