L’allocution chômage
par C’est Nabum
vendredi 28 février 2025
Le choc de simplification.
Simplifier les procédures, économiser dans tous les secteurs, fort de ces deux impératifs, un bouleversement dans le règlement du drame de l'emploi s'annonce. L'idée est venue lors d'une réunion ministérielle pour examiner les gisements possibles d'économie. L'habitude aidant, c'est toujours vers les plus humbles que se penchent nos représentants de la classe dominante. Une pratique du reste à laquelle ils n'entendent jamais déroger.
Cette fois ce sont donc les chômeurs qui entrèrent dans leur ligne de mire. Il est vrai que puisque le discours officiel réside à vanter la baisse considérable des demandeurs d'emploi grâce à l'action du premier d'entre eux, il serait bon désormais de considérer que les fautifs sont entièrement responsables de leur triste sort.
Un individu sorti d'une grande école, spécialiste des dérapages verbaux et des nouveaux éléments de langage se dit qu'il y aurait bien moyen de pratiquer un petit glissement sémantique entre deux termes : allocution et allocation. Ce fut un enthousiasme unanime dans cette réunion qui regroupait des gens qui ignorent ce qu'est le besoin.
Plutôt que de verser des indemnités dont il est facile de prétendre que ce sont elles qui grèvent le budget et accroissent la dette, autant trouver une astuce pour leurrer ces pauvres gens un peu plus encore. Cette pratique du reste a depuis le premier mandat du banquier, démontré son efficacité, pointant toujours du doigt les plus miséreux pour protéger les plus fortunés.
L'allocution chômage consistera en une déclaration orale (il convient d'éviter la paperasserie envahissante) pour déclarer sur l'honneur la situation de carence que subit "l'allocuteur". Remarquez le glissement du dernier terme, qui permet de sortir le déclarant de la longue liste des bénéficiaires d'indemnités.
Chacun vit dans ce bel aréopage un moyen extraordinaire de gagner du temps et de l'argent, profitant de l'aubaine pour fermer les officines de France Emploi. Un gain considérable qui devrait permettre de dégager des revenus pour quelques nouveaux avantages fiscaux pour les amis du pouvoir.
Reste alors l'épineux problème du lieu de la déclaration. La notion d'honneur étant particulièrement défaillante dans cette masse qui se refuse à être laborieuse, il convient de ne pas entacher des établissement publics de la tache de ces propos sans valeur. Personne du reste n'a songé à faire remarquer que sous les lambris de la République, l'habitude est prise depuis longtemps de n'ouïr que des propos insincères…
Une solution remédia à ce problème de taille : la réactivation de l'ancienne pratique du pilori. Sur les anciennes places des martyres ou de la prévôté pour les grandes villes, sur les places des marchés ou des foires ailleurs, chaque déclarant viendra tenir son allocution chômage ; déclarant la main sur le cœur, son intention de retrouver au plus vite du travail, qu'importe la rémunération de celui-ci.
Il précisera également devant les gens du village réunis une fois par mois pour l’occasion, la nature de ses éventuelles compétences (un débat eut d'ailleurs lieu dans le groupe sur l'opportunité d'évoquer le terme de compétences chez ces pauvres gens…). Au bout du compte, puisque les paroles s'envolent, nulle trace ne restera de cette déclaration qui ne donnera pas lieu à la moindre indemnisation. Le tour était joué afin de permettre aux sénateurs de s'offrir de nouveaux fauteuils luxueux pour leurs précieux séants.
Peintures de Victor Brauner