Du Heysel au Brexit, trois décennies de mutation du football anglais (Episode IV - 1993/1999)

par Axel_Borg
mercredi 19 juin 2019

1985, au Heysel, le football anglais jusqu’alors hégémonique passe du Capitole à la Roche Tarpéienne. Le 1er juin 2019 à Madrid, la Perfide Albion va replacer deux clubs en finale de la prestigieuse des Coupes d’Europe, comme en 2008 à Moscou. Si elle a profité du trou d’air du Big Four continental (Real Madrid, FC Barcelone, Juventus Turin et Bayern Munich), la Premier League reste insolente de santé.

Episode IV – Le voyage initiatique de Ferguson : l’iceberg du Bosphore, leçon de football en mondiovision à Barcelone, duels contre les mentors de la Juventus et triomphe final en Catalogne (1993-1999)

Champion d’Angleterre en 1993, Alex Ferguson touche enfin au but sur le plan national, lui qui ne rêvait que d’une chose depuis 1986 : faire descendre Liverpool de son putain de perchoir.

Les Red Devils attendaient le titre domestique depuis 1967 et l’âge d’or de Matt Busby avec son trio George Best / Bobby Charlton / Denis Law … Leur retour au sommet annonce une ère sans partage où leurs rivaux n’auront que leurs yeux pour pleurer. Veni, Vidi, Vici, tel Jules César ... Treize championnats gagné en vingt-et-une saisons de Premier League (1993-2013) tous finis sur le podium, soit une partition sans fausse note aux airs de requiem pour la concurrence.

Comme un symbole, les diables rouges de Manchester sont les premiers à soulever le titre en Premier League, qu’ils vont gagner treize fois avec Fergie aux manettes du vestiaire et Ryan Giggs en talisman sur le terrain (entre autres superstars Cantona, Schmeichel, Beckham, Van Nistelrooy et autres CR7), l’Ecossais étant réputé pour son refus viscéral de la défaite : 1993, 1994, 1996, 1997, 1999, 2000, 2001, 2003, 2007, 2008, 2009, 2011 et 2013

Les miettes du festin du Pantagruel mancunien, du temps de Ferguson, se partagent entre Blackburn (1995), Arsenal (1998, 2002 et 2004), Chelsea (2005, 2006, 2010) et Manchester City (2012). Malgré Wenger, Mourinho ou Ancelotti, Sir Alex Ferguson est resté le plus fort dans la jungle darwinienne de la Premier League aux ambiances de western-spaghetti, seul manquant l’harmonica d’Ennio Morricone.

En Europe, c’est toute autre chose. Le dernier match de C1 joué par MU remonte au printemps 1969, le 15 mai à Old Trafford face au Milan de Gianni Rivera … Le monde n’a pas encore connu Apollo 11 et Woodstock, Eddy Merckx n’a pas encore gagné son premier Tour de France …

A l’automne 1993, MU revient donc sur la pointe des pieds. Les ténors du Vieux Continent ont pour nom l’AC Milan de Fabio Capello (finaliste en 1993) et le Barça de Johan Cruyff (championne d’Europe en 1992), la fameuse Dream Team renforcée par Romario à l’été 1993. L’OM de Bernard Tapie manque à l’appel, suspendu par l’UEFA après l’affaire OM/VA qui verra le club phocéen finir au purgatoire de la D2 entre 1994 et 1996.

Le premier tour, sans faire figure de promenade de santé, fait figure de formalité pour MU : victoires 3-2 et 2-1 contre Kispest Honved, le champion de Hongrie. Au deuxième tour en huitièmes de finale, l’adversaire proposé est d’un tout autre calibre, le Galatasaray Istanbul.

Au match aller à Old Trafford, Cantona et les siens concèdent un 3-3. Quand ils rejoignent l’ancienne Byzance et Constantinople, les Red Devils n’imaginent pas que ce sera le terminus de leur voyage européen, tel celui de l’Orient-Express jadis. Pas d’Hercule Poirot ou de James Bond 007 pour sauver les meubles.

Match nul 0-0 au stade Ali Sami Yen et l’expulsion du numéro 7 fétiche de MU, Eric Cantona. Avant même la phase de poules, United se retrouve à quai, rentrant bredouille au Royaume … Dommage, le club anglais aurait pu emmagasiner de l’expérience face à Barcelone, Monaco et au Spartak Moscou. Sortis au deuxième tour par Galatasaray, les Red Devils avaient rendu une copie si pauvre qu’un journaliste du Guardian avait écrit que le club ne faisait pas honneur à la compétition. Pour ne rien arranger, Eric Cantona était suspendu quatre matchs pour la saison suivante (1994-1995) pour avoir insulté l'arbitre suisse Kurt Röthlisberger dans le fiasco de Galatasaray ...

A nouveau titré en 1994 avec presque autant de facilité qu’en 1993 (8 points d’avance sur Blackburn contre 10 face à Aston Villa un an auparavant), MU se donne les droits d’affronter enfin les mastodontes du Vieux Continent. Cette fois, l’UEFA a prévu quatre poules de quatre pour les seize clubs des pays les mieux classés à l’indice UEFA.

Tombant dans la poule de l’IFK Göteborg, de Galatasaray (retrouvailles) et du FC Barcelone, le club anglais va pouvoir se mesurer au gratin européen avec le Barça, vice-champion d’Europe certes écrasé par le Milan de Capello à Athènes (0-4). Mais avec Romario et Stoïtchkov, Barcelone dispose du foie gras et du caviar en attaque …

Le 2 novembre 1994, jour de la fête des morts, acte de la destruction de Manchester United, en maillot noir, par le Barça. 4-0. Ce jour là au Camp Nou, Manchester United avait été découpé par Barcelone au cours d’une partie à la beauté aussi brutale que merveilleuse. Steve Bruce et Gary Pallister passent la pire soirée de leur carrière ... Il ne fallait pas se plaindre, juste l’accepter. On s’est bien fait massacrer, admettait alors Alex Ferguson. Une expérience assez humiliante.

Principaux artisans de cette déculottée, deux attaquants parmi les plus impressionnants de la planète : Romario et Hristo Stoichkov. Comme l’écrit Manuel Vazquez Montalban, Romario a des pieds aussi sensibles et doux que les horloges de Dalí. Il plie l'espace et le temps. Nous avons eu la chance de le voir sur le terrain.

Ensuite éliminé derrière Göteborg et le Barça, MU voit tout le chemin qui lui reste à parcourir en Europe pour gagner le titre le plus convoité du Vieux Continent.

La suspension de Cantona après son kung-fu kick en janvier 1995 face à Crystal Palace offre le titre pour un point à Alan Shearer et Blackburn. Battu au premier tour de la C3 par le modeste Rotor Volgograd, MU peut se concentrer sur ses compétitions nationales où Newcastle est parti sur les chapeaux de roue. Mais la malédiction des maillots rayés (aucun club au maillot rayé n’a été champion depuis Sunderland en 1936) va frapper les coéquipiers de David Ginola. Ferguson, lui, ne pardonnera jamais la phrase de son compatriote écossais Alan Hansen après la défaite inaugurale de MU contre Aston Villa (1-3) en août 1995. You can’t win anything with kids.

Orphelins d’Andreï Kanchelskis et Paul Ince partis à l’été 1995, de Cantona toujours suspendu, MU était trop tendre avec ses jeunes joueurs issus du centre de formation de Carrington.
L’ancien défenseur de Liverpool traînera cette phrase comme un boulet par la suite comme consultant de la BBC. Car la fameuse classe biberon de 1992, certes encadrée par Cantona, Schmeichel et Andy Cole, va prendre les clés du camion sur le modèle de l’Ajax championne d’Europe avec Louis Van Gaal : premier de cordée depuis la saison 1992-1993, le jeune ailier gallois est rejoint par la suite par David Beckham, Paul Scholes, Nicky Butt et les frères Neville, Gary et Phil.

Avec ces jeunes, Ferguson dispose d’un réservoir aussi impressionnant que les Busby Babes disparus le 6 février 1958 à Munich d’un terrible accident d’avion. Eric Cantona reste cependant la boussole du club mancunien. Plébiscité meilleur joueur du club, les Français enchaîne les buts décisifs et offre un nouveau doublé domestique à MU après celui de 1994. Cerise sur le gâteau, MU gagne en FA Cup contre le rival historique de Liverpool. Pionnier du merchandising et de la lutte anti-contrefaçon en Europe, Manchester United trône sur un empire financier, une véritable poule aux œufs d’or. Reste à faire de la marque MU une franchise aussi universelle que Star Wars, Disney ou les Chicago Bulls. Cela passe par des victoires incontestables en Ligue des Champions …

La saison 1996-1997 démarre en fanfare avec un lob d’anthologie de David Beckham contre Wimbledon. L’héritier va apprendre au contact du King Cantona. Sur le plan collectif, MU va apprendre de ses joutes contre la nouvelle référence du Vieux Continent, la Juventus Turin de Marcello Lippi.

Comme tous les grands coaches transalpins (Rocco, Trapattoni, Sacchi, Capello), Lippi est un maître tacticien. Techniquement, la Vecchia Signora dispose avec Zidane et Del Piero de deux alchimistes aux pieds d’or capables de dynamiter et martyrise les défenses, seul le soliste brésilien Ronaldo, du côté de Barcelone, étant plus impressionnant au pinacle de ses arabesques.

Mentalement, le club piémontais est toujours animé d’une grinta à nulle autre pareille, corollaire de l’esprit d’initiative de la dynastie Agnelli. Physiquement, Lippi possède son arme fatale avec Giamperio Ventrone.

A l’été 1996, Zinédine Zidane est encore imparfait, un diamant brut à polir. Son transfert à la Juventus va achever la mue de la chrysalide en papillon, la métamorphose d’un grand espoir du football mondial en Ballon d’Or potentiel.

ZZ Top était prévenu. Un peu avant de signer en faveur de la Juventus, à l’été 1996, le joueur des Girondins de Bordeaux a pris soin de passer un coup de téléphone à Didier Deschamps, recruté deux ans auparavant par les Bianconeri. Les deux coéquipiers en équipe de France ont longuement discuté et Zizou voulait savoir ce qui l’attendait en débarquant à Turin. DD ne lui a pas menti et lui a parlé avec enthousiasme du club, de la Série A et du coach Marcello Lippi. Puis il a mentionné un préparateur physique : Giampiero Ventrone.

Quelques semaines plus tard, à la fin de l’été, Zidane avait compris pourquoi les joueurs de la Juventus citaient davantage ce bourreau de la préparation plutôt que leur entraîneur. Deschamps m'avait parlé de ces séances physiques mais je ne pensais pas que cela pouvait être aussi difficile, confesse-t-il alors aux médias italiens. A la fin, je suis souvent sur le point de vomir tellement je suis fatigué.

ZZ avait vite compris pourquoi ses coéquipiers de la Juve lui répétaient cette petite phrase à propos du terrible Ventrone : Mourir mais finir, souffrir aujourd’hui pour courir demain.

Finir une séance de Ventrone est déjà une victoire en soi. Le préparateur physique, habitué à pousser les joueurs dans leurs derniers retranchements, avait pris l’habitude d’installer une cloche de la honte à proximité du terrain, obligeant les joueurs qui abandonnaient en cours d’entraînement à la faire sonner. Et certains l’ont fait, incapables de tenir face aux efforts demandés.

Mais pas Zidane ! Il avait signé à la Juventus pour franchir un palier, quitter son cocon bordelais, sortir de sa zone de confort et ne surtout pas se contenter de petites victoires.

Ces horribles après-midis sur un terrain de Pinzolo (nord-est de l’Italie) annonçaient quelque chose de bien meilleur. Ce serait la saison où un joueur aussi talentueux que maigrichon deviendrait une superstar. Comme Michel Platini cependant en 1982-1983, Zidane aurait besoin de quelques mois d’acclimatation avant de tirer la quintessence de son formidable potentiel dans le Piémont.

Sir Alex Ferguson, un homme qui n’a jamais été impressionné tout au long de sa carrière, est tombé amoureux de Lippi au cours de leurs premiers affrontements. L’aura de l’Italien et sa capacité à garder son calme, même dans les plus grands matchs, ont captivé l’Ecossais.

Dans une interview en 2009, Ferguson a parlé de cette révélation du mercredi 11 septembre 1996. Je me souviens de ce match à Turin. Lippi était sur le banc, vêtu d'un manteau en cuir et fumant un petit cigare. Il était calme, presque lisse. Moi, je ressemblais à un ouvrier en survêtement, noyé sous une pluie battante. Les deux hommes ont noué une amitié fondée sur le respect mutuel. Comme Lippi ne parlait pas anglais et que l’italien de Ferguson était limité, le français et le vin devinrent leur langage commun. Et Ferguson a demandé à ses joueurs de regarder des vidéos de cette Juve de Lippi : Ne regardez pas la tactique, ni la technique, car nous en avons aussi. Vous devez apprendre à avoir le désir de gagner.

Trois années de suite (1996-1997, 1997-1998, 1998-1999), la Juventus et MU vont se livrer un bras de fer. La première saison, l’avantage est très net du côté de Turin à l’automne 1996 : deux fois 1-0, que soit au stade des Alpes ou à Old Trafford. Le Borussia Dortmund mettra ensuite tout le monde d’accord au printemps 1997 en éliminant MU (deux fois 1-0 dans la Ruhr et en Angleterre) puis en surprenant la Vieille Dame 3-1 en finale au stade olympique de Munich ...

Un an plus tard, à l’automne 1997, malgré la perte de Cantona parti en retraite (remplacé par Teddy Sheringham même si le numéro 7 échoit à David Beckham), les Red Devils haussent le ton face aux Bianconeri : victoire 3-2 à Old Trafford et défaite dans le Piémont. Mais les champions d’Angleterre devancent leurs rivaux italiens au terme de la phase de poules ... Monaco mettra un terme aux ambitions anglaises en quart de finale, avant que la Juventus ne stoppe le club de la Principauté avant une nouvelle finale perdue par les hommes de Lippi : défaite 1-0 à Amsterdam face au Real Madrid.

La Juventus s'est qualifiée ? La question de Gary Neville, en sueur à la sortie d’un match nul à Old Trafford entre Manchester United et le Bayern Munich en décembre 1998, n’a rien d’anodine. L’arrière droit des Red Devils apprend en direct à la télévision anglaise que oui, la Vecchia Signora s'est qualifiée de manière invraisemblable pour les quarts de finale de la compétition. Les Bianconeri ont évité la guillotine grâce à une première victoire dans le groupe B contre le Rosenborg Trondheim, lors de la dernière journée de la phase de poules. La réaction du défenseur anglais est immédiate. Son visage change et on peut lire dans ses yeux la peur et la crainte universelles que la Vieille Dame provoque alors chez ses adversaires européens.

Au printemps 1999, alors que MU s’est extrait d’un groupe de la mort avec le Bayern Munich et le FC Barcelone, les hommes de Sir Alex Ferguson sont invincibles depuis une défaite 1-0 à Middlesbrough. A la lutte avec les Gunners de Wenger en Premier League, les Mancuniens ont sorti le dauphin de la Juventus en Série A, l’Inter Milan. Tenus en échec à Old Trafford 1-1, MU aborde le match retour en ballottage défavorable.
Les carottes se carbonisent avec deux buts d’Inzaghi dans le premier quart d’heure. Mené 0-2 à l’extérieur, MU va pourtant renverser la vapeur via un scénario digne d’Alfred Hitchcock. Le tandem offensif Cole / Yorke prend tout son poids. L’équipe entière enfile le bleu de chauffe, les bottes de sept lieues, notamment le capitaine Roy Keane.

Dire que Roy Keane a réalisé ce jour-là le plus grand match de sa carrière avec Manchester United est aussi évident que d’affirmer que la chapelle Sixtine a un joli plafond. La Juventus menait pourtant 2-0 après un doublé de Filippo Inzaghi (6e et 11e) mais le capitaine irlandais des Diable Rouges a d’abord réduit le score avant d’être décisif sur des buts de Dwight Yorke et Andy Cole.

Le soleil d’Austerlitz intervient par la suite au Nou Camp de Barcelone, là où le navire MU avait bu la tasse en 1994 à la Toussaint … Moins de cinq ans après, au printemps 1999, c’est donc sur cette même pelouse du Nou Camp de Barcelone que MU soulève la Ligue des Champions, ayant appris de ses défaites contre les Blaugrana mais aussi et surtout contre les Bianconeri

Le 26 mai 1999, dix ans après le mythique Liverpool / Arsenal d’Anfield, l’Angleterre tombe à nouveau dans l’ivresse après un nouveau scénario hallucinant, plus encore qu’au Stadio delle Alpi le mois précédent. Promis au naufrage de Waterloo morne plaine, Ferguson et ses hommes exportent le concept du Fergie Time à l’Europe entière. 

Le Bayern Munich coaché par Ottmar Hitzfeld est une diabolique machine qui n’a plus rien à voir avec le FC Hollywood où Klinsmann et Mätthaus se regardaient en chiens de faïence dans le vestiaire de Säbenerstrasse.

Maudit en ce 26 mai 1999 à Barcelone, Lothar Mätthaus ne gagnera jamais la Coupe aux Grandes Oreilles et ce sont les Red Devils qui réalisent le triplé Coupe – Championnat – Ligue des Champions, triplé que Liverpool avait raté en 1977, battu par MU en finale de la Cup.

Sur la pelouse du Nou Camp, Manchester United va revenir dans le match de façon incroyable pour le dernier match de leur gardien danois Peter Schmeichel pour le club. Les hommes d’Alex Ferguson renversent la vapeur en moins d’une minute dans les arrêts de jeu, alors que plus personne n’aurait misé le moindre kopeck sur eux. Sur deux corners de David Beckham, Teddy Sheringham puis Ole Gunnar Solskjaer sonnent le glas des espoirs du Bayern.

Les journalistes inventent l’expression de Fergie Time à cette occasion, et il était écrit qu’en ce 26 mai 1999, jour du 90e anniversaire de Sir Matt Busby, que MU ne pouvait pas perdre cette finale européenne.

Pour cette finale, les Bavarois étaient amputés de deux joueurs majeurs eux aussi : Bixente Lizarazu et Giovane Elber, blessés. A la 81e minute, Alex Ferguson utilise sa dernière cartouche offensive : Andy Cole sort, et c’est Ole Gunnar Solskjaer qui fait son apparition. Le Norvégien est le "super sub" ("super remplaçant") de Manchester United. Son autre surnom : The Baby-faced Assassin, que l’on peut traduire par L’Assassin à la gueule d’ange.

Dans les colonnes du Daily Mail, le Norvégien se souvient : Quand Teddy a marqué, tout le monde a couru vers lui sauf moi. J’ai couru droit vers la ligne médiane. Parce que je me préparais pour jouer 30 minutes supplémentaires. Ça ne sera finalement pas nécessaire.

L’arbitre du match, l’Italien Pierluigi Collina, garde le souvenir d’un bruit ressemblant à un rugissement de lion de la part du kop mancunien quand le supersub norvégien Ole Gunnar Solskjaer marqua le but vainqueur dans le money time (alias Fergie time). Le contraste des images est terrible entre la joie anglaise et l’abattement allemand, entre l’euphorie mancunienne et la douche froide bavarois. Pierluigi Collina est le mieux placé pour décrire cette scène hors du commun : C’était les trois minutes les plus intenses de ma carrière. Incroyable. Je les regarde encore en DVD. L’atmosphère était fantastique. Si vous regardez les gradins, vous voyez une seule vague de 90 000 personnes se lever sur trois étages. Je m’en rappelle encore pour plusieurs raisons. D’abord pour la réaction des fans de Manchester sur le second but. Cela a fait un bruit incroyable, comme un rugissement de lion. Et puis, il y a eu la réaction des joueurs du Bayern : leur déception pendant qu’ils s’effondraient sur la pelouse après ce but…, poursuit le sifflet italien.

En ce 26 mai 1999, la cantatrice catalane Montserrat Caballé interprète la chanson Barcelona qu’elle avait enregistré en 1987-1988 avec le leader du groupe Queen, Freddie Mercury. Orpheline du chanteur britannique mort du SIDA le 24 novembre 1991, Montserrat Caballé n’avait pu interpréter Barcelona aux Jeux Olympiques d’été de Barcelone en 1992. L’ombre de Farrokh Bulsara portera-t-elle chance au nouveau joyau de la Couronne ? Les arrêts de jeu de cette finale de C1 1999 sont comme les six minutes de Bohemian Rhapsody : du pur bonheur, de l’adrénaline à très haute dose …

Pour services rendus au football britannique, la reine d’Angleterre Elizabeth II anoblit Alex Ferguson ; désormais, il faudra l'appeler Sir Alex Ferguson.

Daniel Taylor, journaliste au Guardian, raconta comment l’Ecossais avait pris en défaut une myriade de journalistes après la finale de 1999 remportée dans les dernières secondes au Camp Nou en gardant soigneusement tous les articles de ceux qui, pressés par le bouclage de la première édition, avaient complété 90% de leurs écrits avant les deux buts de Sheringham et Solskjaer et donc relaté tout ce qui n’allait pas dans la formation de Ferguson menée 0-1 par le Bayern avant de rectifier lors de la seconde édition. Puis, lors de la première conférence de presse de la saison qui avait suivi le sacre, Ferguson avait récité une à une les critiques infondées de chaque journaliste. Une manière de les placer face à leurs contradictions et d’asseoir son autorité.

Ensuite battu par la Lazio Rome en Supercoupe d’Europe, MU gagne le titre officieux de champion du monde des clubs en Coupe Intercontinentale face au club brésilien de Palmeiras. En janvier 2000, c’est un autre club de Sao Paulo, qui gagne la première Coupe du Monde des clubs organisée par la FIFA. Manchester United boycotte la FA Cup de l’an 2000, perdant ensuite son titre européen face au Real Madrid de Fernando Redondo dans un match sublime à Old Trafford (défaite 3-2).


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