L’effet Zidane

En cette période de torpeur estivale où l’actualité nationale tourne au ralenti entre les thèmes récurrents de la sécheresse et des accidents de la route, le retour annoncé de Zinedine Zidane en Equipe de France est apparu comme la nouvelle de l’été. Dans une séquence médiatique exemplaire qui dure depuis une semaine, cette information a fourni un formidable carburant à la machine médiatique qui s’évertue alors à la recycler sans fin.

Tout d’abord, et c’est une grande nouveauté sur laquelle il faudra sans doute revenir, l’information est diffusée sur de « nouveaux supports », en l’occurrence le site web de Zidane -www.zidane.fr - et ensuite le réseau mobile de son sponsor (Orange). Ici la communication et l’information fusionnent complètement dans un mélange inédit. Les médias traditionnels, presse écrite et télévision, sont alors des suiveurs. Zidane enchaîne alors les interviews, là encore d’abord pour son sponsor, Canal+, puis pour TF1 et France Télévisions et les différents organes de presse. A partir de l’information factuelle du retour de Zidane se multiplient alors les commentaires, les exégèses (pourquoi revient-il ? qui l’a convaincu ?), les données périphériques (de l’avis du sélectionneur de l’Equipe de France au micro-trottoir). Et puis en deuxième semaine, comme il devient difficile de continuer à intéresser le public, on bascule dans l’extrapolation et la pseudo-analyse avec la mise en route des sondages (voir le dernier Journal du Dimanche) et les anticipations sur les effets attendus de la nouvelle en faisant appel aux experts et autres gourous de l’opinion (Le Monde du 9 août). Enfin pour couronner le tout dans le numéro de France Football qui sort aujourd’hui Zidane donne des précisions pour le moins étranges sur ses motivations « C’est une force irrépressible qui s’est emparée de moi à ce moment-là. Je devais obéir à cette voix qui me conseillait », ce qui ne manquera pas de provoquer de nouveaux commentaires - dont le mien.

Ainsi à partir d’une information somme toute assez banale qui concerne essentiellement les amateurs de football - un très bon joueur accepte de revenir en Equipe de France, avec deux de ses anciens complices, pour l’aider à se qualifier au Mondial 2006 - une incroyable machine s’est mise en route. Les questions évidentes sont complètement occultées - Zidane apportera-t-il vraiment quelque chose ? Sa dernière saison au Real de Madrid ne plaide pas en sa faveur, et les retours de Thuram et Makalele sont au moins aussi importants pour le jeu de l’équipe - pour laisser la place à une « infocommunication » complètement scénarisée. Par exemple pour revenir au Monde du 9 août la question d’un effet Zidane sur le moral des Français est pour le moins surréaliste : en 1998, faut-il le rappeler, la France avait gagné la Coupe du Monde, qui se tenait chez elle, d’où l’ampleur de l’événement. A ce stade la France est en ballottage défavorable pour sa qualification et Zidane n’a pas encore rejoué... Il reste donc un sacré chemin à parcourir avant toute conséquence concrète du retour de Zidane et ce même sur le moral des français, mais ce qui compte c’est bien de pouvoir entretenir l’ogre médiatique en étirant sans fin la « bonne nouvelle ». Au delà et bien plus que les faits, ce qui compte alors c’est bien l’effet, mais un effet auto-produit.