Le court de tennis le plus prisé de France

par Axel_Borg
samedi 29 juin 2019

La brique pilée de Roland-Garros ? L'académie de Patrick Mouratoglou sur les pinèdes de Sophia Antipolis ? Ni l'un ni l'autre mais le court en gazon de l'ambassade de Grande-Bretagne, alias Wimbledon sur Seine. C'est là que la plupart des meilleurs tennis(wo)men français(es) viennent préparer le troisième tournoi du Grand Chelem de la saison, avant de prendre l'Eurostar de Paris Gare du Nord vers Londres Saint-Pancras, en espérant succéder à Yvon Petra et Marion Bartoli, derniers lauréats français chez les messieurs (1946) et les dames (2013) respectivement.

La France et l'Angleterre, deux ennemis multi-séculaires devenus amis au fil de tant d'évènements historiques : Guerre de Cent Ans (1337-1453), Camp du Drap d'Or (1520), guerres napoléoniennes marquées par les batailles de Trafalgar (1805) et Waterloo (1815), Entente Cordiale (1904), déclin géopolitique commun via la décolonisation et la crise de Suez (1956), inauguration du Tunnel sous la Manche (1994) ... 

Inséparables, les deux pays le sont aussi dans plusieurs domaines du monde sportif : En Formule 1, les Grands Prix de Grande-Bretagne et de France sont deux piliers historiques du Mondial : le premier fut le premier à accueillir les bolides de F1 le 13 mai 1950 à SIlverstone, le second fut le premier Grand Prix automobile de l'Histoire en 1906.

En rugby, le XV de la Rose et le XV de France sont historiquement les meilleures du Vieux Continent, se partageant les records en Tournoi des Cinq puis des Six Nations, mais surtout les meilleurs résultats en Coupe du Monde (titre pour l'Angleterre en 2003 et finale en 1991, finales pour la France en 1987, 1999 et 2011).

Si Albion est peu présente en cyclisme via sa géographie trop plate là où l'Hexagone tient le haut du pavé avec le Tour de France, Paris-Nice, le Critérium du Dauphiné Libéré et Paris-Roubaix, le rapport de forces s'inverse en golf où l'île de sa Majesté est le berceau du jeu via l'Ecosse et Saint-Andrews, ainsi que son écrin avec le British Open, plus prestigieux des quatre levées du Grand Chelem.

Reste le tennis ... Là aussi, comme souvent, l'invention est d'origine anglaise, bien que directement inspirée du Jeu de Paume à la française. Le mot tennis dérive du vieux français tenetz ... Là encore, le temple du jeu est en Angleterre, à Wimbledon. Mais là encore, la France possède un magnifique patrimoine avec Roland-Garros, fief construit pour la Coupe Davis 1928 et bastion imprenable pendant six ans, qu'Albion sera la première à conquérir en 1933.

Des deux côtés, on compte des joueurs et joueuses de grand calibre ... Fred Perry et Andy Murray ont porté bien haut les couleurs de l'Union Jack sur les courts du monde entier. Côté français, Suzanne Lenglen, Mary Pierce et Amélie Mauresmo chez les dames, ainsi que les mousquetaires Jean Borotra, Henri Cochet et René Lacoste chez les messieurs, ont offert d'immenses résultats individuels (hors Coupe Davis).

Qui dit Paris-Londres dit Roland-Garros - Wimbledon, soit le doublé le plus difficile à réaliser sur une même saison ... Seuls quelques joueurs d'exception y sont parvenus : Jack Crawford (1933), Don Budge (1938), Tony Trabert (1955), Lew Hoad (1956), Rod Laver (1962 et 1969), Bjorn Borg (1978, 1979 et 1980), Rafael Nadal (2008 et 2010), Roger Federer (2009). Chez les dames, l'exploit reste assez rare également : Maureen Connolly (1953), Margaret Court Smith (1970), Billie Jean King (1972), Chris Evert (1974), Martina Navratilova (1982, 1984), Steffi Graf (1988, 1993, 1995 et 1996), Serena Williams (2002 et 2015).

Une fois Roland terminé, la transition est bien difficile à réaliser avec peu de tournois chez les messieurs : le Queen's à Londres, Halle et Stuttgart en Allemagne, Eastbourne ou s'Hertogenbosch (Bois-le-Duc).

Rien à voir avec le nombre incalculable de tournois sur terre battue, de l'Europe (Monte-Carlo, Barcelone, Munich, Madrid, Rome, Estoril, Genève, Lyon) à l'Amérique du Sud (Rio de Janeiro, Buenos Aires, Vina del Mar) en passant par l'Amérique du Nord (Houston) et même l'Afrique (Marrakech).

Difficile de faire plus différent que le gazon où la balle fuse, favorisant le jeu d'attaque et de service-volée, même si Wimbledon a ralenti sa mythique pelouse depuis le début des années 2000, et la brique pilée où les longs échanges, le lift et l'endurance sont des armes absolues pour l'emporter.

Comment faire, en tant que joueur français pour préparer Wimbledon au mieux ? Yvon Petra (1946) attend toujours son successeur chez les messieurs, avec Cédric Pioline pour seul finaliste depuis, en 1997 contre Pete Sampras.

En France, si l'on excepte les courts du tournoi de Deauville (créé en 2016) et ceux de Lagardère Racing dans le Bois de Boulogne, un des courts sur gazon les plus prisés pour préparer Wimbledon reste est situé non loin de la Place de la Concorde : un écrin de verdure en plein Paris, entouré de géraniums, de rosiers et d’agapanthes. Le gazon y est tondu à hauteur d’un centimètre, contre 8 millimètres pour Wimbledon. Autour du court, un marronnier, un goyavier, un magnolia. Les bancs en bois, et la petite fontaine verte renforcent encore l’atmosphère bucolique de ce lieu hors du temps.

Plus connue pour l'Elysée ou sa présence sur le plateau parisien du Monopoly,la rue du Faubourg Saint-Honoré est aussi l'hôte de l'Ambassade de Grande-Bretagne, avec l'Union Jack qui flotte donc sur le 35 de cette très longue rue qui commence rue Royale et se finit à l'intersection de l'avenue de Wagram avec la place des Ternes. La diplomatie de Sa Majesté occupe un ancien hôtel particulier que possédaient jadis les frères Péreire, célèbres banquiers du XIXe siècle.

C’est à l’Ambassade britannique, sur le territoire diplomatique de la Perfide Albion, qu’Amélie Mauresmo avait préparé sa victoire de 2006 à Wimbledon. Ce court est également très apprécié des VIP, l’essayiste Alain Minc, le directeur général de la Société Générale Frédéric Oudéa, l’actuel ambassadeur de France à Londres Jean-Pierre Jouyet (ancien ministre et secrétaire général de l’Elysée), les hommes politiques François Baroin et Bruno Le Maire …

L'Histoire de ce Wimbledon sur Seine débute en 1992 quand la reine Elizabeth II inaugure ce court de tennis au sein de son ambassade à Paris. Cependant, les employés fans de tennis tapaient la balle dans le jardin façon pendant leur pause déjeuner : Ils traçaient eux mêmes des lignes sur un court imaginaire. Mais ce n'était pas pratique car il y avait deux grands marronniers au milieu de la pelouse, raconte Ben Newick, majordome de l'ambassade pendant 37 ans. 

Les arbres menacent de s'effondrer après la tempête du 15 au 16 octobre 1987 (ouragan de force 3 dans l'échelle de Saffir-Simpson). L'ambassade obtient le droit de les faire abattre ... Dès le départ, des évènements sont organisés par HSBC. D'anciens champions comme John McEnroe, Yannick Noah ou Henri Leconte sont conviés à fouler le gazon de l'Ambassade.

Il semble cependant utopique de croire qu'un Français, passé ou non par l'Ambassade de Grande-Bretagne, puisse priver le tandem Novak Djokovic / Roger Federer du titre à Wimbledon, tant le Serbe et le Suisse sont les immenses favoris du tournoi qui s'ouvre lundi 1er juillet ...


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