Le démarchage téléphonique mieux encadré ?

par Michel DROUET
jeudi 2 mars 2023

L’application d’un nouveau décret depuis le 1er mars semble aller dans ce sens en encadrant les pratiques, pourtant on peut déjà parler d’un texte de trop puisque qu’il appartiendra au particulier, s’estimant harcelé par des appels, d’apporter lui-même la charge de la preuve en vue d’une condamnation de l’opérateur indélicat (voire d’engager lui-même les poursuites ?).

Le nouveau dispositif, qui s’ajoute (ou se substitue ?) à la plateforme Bloctel permettant d’inscrire gratuitement son numéro pour s’opposer au démarchage téléphonique, et qui a fait preuve de son inefficacité depuis longtemps, n’ajoute rien à la limitation des nuisances causées par des appels répétés mais complique la vie des particuliers qui voudraient s’en emparer.

Les consommateurs doivent se débrouiller eux-mêmes…

Il les oblige en effet à se livrer à une quasi enquête pour traquer les éventuels contrevenants : noter l’heure et le jour de l’appel pour déterminer s’il n’intervient pas hors des créneaux prévus dans le décret (10 à 13 heures et 14 à 20 heures – hors samedi, dimanche et jours fériés), et qu’il ne s’agit pas du 5ème appel dans le même mois du même professionnel ou un nouvel appel dans le délai de 60 jours après un refus...

Il faudra surtout identifier précisément le démarcheur ce qui suppose d’engager une conversation avec l’appelant au risque de se faire avoir in fine et de se retrouver avec un produit, un contrat ou une prestation non souhaités.

Dès lors, on peut être quasi certain que les peines encourues pour les démarcheurs indélicats (amende de 75000 € pour une personne physique et de 375000 € pour une personne morale) ne sont notées dans le décret que pour la forme, car de fait inapplicables.

La collusion entre l’Etat et les entreprises

Les entreprises qui sollicitent les particuliers ont sans doute été « concertées » pour l’écriture du décret. L’avis des consommateurs victimes d’appels répétés et intempestifs qui souhaitent l’interdiction pure et simple du démarchage téléphonique n’aura été que de pure forme.

Mais entre la rentabilité d’un tel système et un retour à l’écrit (courrier, mail) qui permet de prendre du recul, étudier les termes de l’offre en évitant de se faire avoir et surtout ne pas être dérangé par des appels répétés et intempestifs au nom du respect du droit à la vie privée, le choix a déjà été fait, au nom de la « croissance économique », sur le dos du particulier…

Un décret inutile de plus

La gouvernance par décret, qui contourne parfois l’esprit des lois votées, trouve une fois de plus ses limites et montre au travers de ce genre de texte le poids des lobbies économiques face auquel le consommateur pèse peu.

Le seul effet positif d’un décret réside dans le fait que le gouvernement « communique » lors de sa sortie pour donner l’impression qu’il s’occupe des préoccupations des français, qui, pour la plupart, ne s’intéressent jamais à son contenu.

Ce décret sur le démarchage téléphonique a ceci de plus pervers qu’il constitue en fait un recul en livrant les consommateurs pieds et poings liés aux prédateurs téléphoniques en consacrant la nullité et l’inutilité du dispositif Bloctel, ce que l’on savait déjà.

 


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