Les sociétés d’autoroutes : pour qui la bonne affaire ?

par Alex Voltz
mercredi 24 août 2005

Beaucoup de monde fustige la décision du gouvernement de privatiser les société d’autoroute y compris à droite (Roselyne Bachelot s’est exprimée contre le projet, ainsi que Francois Bayrou.). N’importe qui semble devoir penser de même à la vue des chiffres avancés (garder les sociétés dans le giron de l’état devrait rapporter quatre fois le produit de la privatisation sur vingt cinq ans) ; le « magot » est formaté pour attirer les investisseurs.

Cependant, le raisonnement extrêmement simple qui mène à cette opposition : le calcul revenu récurrent/revenu de la privatisation, n’est-il pas justement trop simpliste ?

En effet, l’hypothèse de départ est calquée sur la situation actuelle : la voiture est le mode de déplacement privilégié par les ménages et le camion par les marchandises ; la progression étant continue sur la durée. Par ailleurs, les transports en commun sont marginalisés par leur manque de souplesse pour un coût pas si avantageux et le ferroutage n’en finit pas de mourir par manque d’investissement.

L’équation posée ainsi ne présente guère de difficultés et on ne comprend pas vraiment l’intérêt de tuer la vache à lait. Sauf... ?

Examinons quelques paramètres susceptibles de modifier l’hypothèse de départ :


- Le pic de production de pétrole pourrait être imminent et les tarifs à la pompe continueraient d’exploser sous l’effet de la demande sino-indienne ;

- Le gouvernement pourrait mobiliser les ressources dégagées par les privatisations pour investir massivement dans les transport alternatifs ;

- Pour décourager la circulation automobile trop polluante dans un contexte de
réchauffement planétaire, les taxes sur les péages autoroutiers pourraient être fortement augmentées.

- Le pays pourrait continuer à délocaliser ses usines en grand nombre vers les pays à faible coût de main-d’œuvre, ainsi le trafic marchandise par la route pourrait diminuer car les distances plus importantes sont couvertes de façon plus rentable par la mer ou le rail, le camion faisant l’appoint ;

- Le corollaire de la dernière hypothèse pourrait être un chômage accru.

Sans pousser plus loin, le panorama n’est déjà plus du tout le même, nous obtiendrions alors, à moyen terme, des voyages routiers hors de prix et des usagers appauvris et sensibilisés "par le porte-monnaie" aux problèmes environnementaux. On peut se demander à quoi bon se rendre en vacance dans un midi surchauffé par le réchauffement planétaire puisque de toute façon une fois le voyage payé, il ne resterait rien ou pas grand chose pour en profiter. A quoi bon affréter des camions pour transporter des marchandises chères que peu de gens pourraient encore se payer, etc.

Bon, nous sommes aller un peu loin dans la sinistrose...Contentons nous de "les gens préféreront prendre le train pour aller en vacances le cœur léger et les marchandises seront acheminées de façon plus respectueuse pour l’environnement sous la pression des lobbies écologistes". Et tout est bien qui finit bien. Sauf... ?

Sauf pour les sociétés d’autoroute qui verraient leurs "parts de marché" dans le transport diminuer comme peau de chagrin. Elles pourraient avoir du mal à faire face à leurs obligations contractuelles et être plus concernées par la simple survie que par l’engraissement de leurs actionnaires. En somme, elles ne vaudraient plus les 11 milliards attendus.

Cette petite rêverie est aussi utopiste bien sûr que la première hypothèse est simpliste, mais le but est surtout de montrer que la plupart des paramètres qui régissent notre société ne sont pas immuables. Pour peu que l’Etat intervienne pour canaliser le mouvement dans un sens ou un autre les perspectives changent. L’effet de masse de la société de consommation n’exclut pas le sens des responsabilités collectives et individuelles !


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