Politique économique (3) : La part du rêve

par Pierre Bilger
mercredi 6 juillet 2005

Tout aussi prioritaire pour la remise en marche de la machine économique et complémentaire des trois actions d’urgence que j’ai évoquées dans ma note d’avant-hier, mais relevant, à mon sens, d’acteurs différents, est le chantier de la réforme du marché du travail. Qu’elles aient été détestables ou louables, les initiatives prises par les gouvernements successifs dans ce domaine depuis plusieurs décennies ont pour caractéristique commune d’avoir toujours échoué et de laisser derrière elles un champ de ruines législatives ou règlementaires dont le seul mérite est de nourrir l’activité des spécialistes de tous statuts, privés ou publics, du droit social.


Toute nouvelle initiative gouvernementale dans ce domaine me laisse incurablement sceptique. Je crois qu’aucun progrès réel ne sera fait dans les délais courts qui sont requis si le sujet ne sort pas du champ idéologique et politique et si, comme par miracle, le patronat et les syndicats ne se mettent pas autour d’une table et décident ensemble de prendre à bras-le-corps le problème avec pour seul objectif de mettre fin au scandale national que constitue un taux de chômage continuellement proche de 10% de la population active.
Faisons un rêve ! Une présidente du MEDEF, Laurence Parisot, a été élue hier. Imaginons qu’elle propose, soutenue par les instances de son organisation, aux grands leaders syndicaux de ce pays, d’engager honnêtement et sans préalable le dialogue de la Réforme.
Je suis convaincu qu’elle trouverait chez des personnalités comme François Chérèque des interlocuteurs capables de relever un tel défi. François Chérèque qui écrit dans son livre Réformiste et impatient ! : L’année 2005 doit être une année utile. Alors que les partis politiques risquent d’être soumis plus fortement encore au jeu des tendances internes en vue de l’élection présidentielle, nous devons ensemble, syndicats et patronat, retrouver le chemin de la négociation. Ce ne sont pas les sujets qui manquent : les salaires dans les branches professionnelles, la pénibilité du travail, l’emploi des seniors, le télétravail... Ce serait redonner espoir aux salariés, les convaincre de l’utilité d’un espace de décision pour les partenaires sociaux. Tout cela implique de la part du patronat un choix clair et déterminé en faveur de la voie contractuelle.
Mais à supposer qu’une telle approche soit mise en ?uvre, elle ne pourra réussir qu’en combinant une flexibilité maximale pour les entreprises, une sécurité extrême pour les personnes affectées par les impératifs du changement, la mutualisation du financement correspondant et, au bout du parcours de la négociation, l’engagement de l’Etat en faveur d’un service public efficace et compétitif de gestion intégrée de l’emploi et de formation des personnes tout au long de leur existence.
Continuons à rêver et imaginons que cette démarche soit soutenue par un consensus des principaux partis politiques, d’accord pour une fois sur une question nationale essentielle, la remise au travail de trois millions de chômeurs. Question à laquelle aucun d’entre eux n’a apporté de réponse satisfaisante et acceptée par tous, ce qui justifie de leur part humilité, écoute et ouverture.
Ainsi pour remettre la machine économique en marche, le gouvernement doit faire qu’au plus vite le pays exporte davantage, investisse davantage, innove davantage et syndicats et patronat doivent réformer ensemble et vite le marché du travail. Moyennant quoi, la croissance reprendra, les recettes rentreront, l’endettement diminuera, le chômage baissera, le pouvoir d’achat augmentera et la confiance reviendra. Un autre rêve ? Le pire n’est jamais sûr !


Lire l'article complet, et les commentaires