Aujourd’hui plus que jamais

par Édouard Rochefort
jeudi 30 novembre 2023

 

Aujourd’hui plus que jamais, des mesures radicales sont nécessaires pour contrer la crise climatique, ou plutôt, pour en amoindrir les effets. Il y a 50 ans, la lutte contre les changements climatiques auraient pu se faire avec des sacrifices relativement minimes. Maintenant, ce n’est pas sans changer les normes de nos sociétés que nous parviendrons à ralentir le flot de conséquences climatiques qui s’annonce. En effet, un récent rapport des Nations Unies, le rapport Risques de catastrophes interconnectées 2023, rapporte que le monde s’approche peu à peu de « points de basculement » (Eberle et al, 2023) en ce qui concerne l’avenir de l’environnement et de l’humanité. La multiplication des catastrophes naturelles alimente l'effet domino qu’elles produisent entre elles. L’extinction des espèces, l’épuisement des sources d’eau, la fonte des glaciers et la fréquence des canicules ont tous une cause commune : l’activité humaine. Chaque catastrophe risque d’en engendrer une autre ou de l’amplifier, d’où le phénomène de réaction en chaîne. Il est nécessaire aux humains de faire preuve d’un esprit de camaraderie global, c’est-à-dire d’agir conjointement pour éviter que les catastrophes ne causent un cataclysme général. Toutefois, pour que les habitants de la Terre se mettent à adopter un mode de vie plus vert, les gouvernements doivent mettre la main à la pâte et faciliter la transition écologique de leurs citoyens. De plus, même si ces derniers adoptent un mode de vie plus respectueux de l’environnement, afin de créer un impact aux retombées immédiates, le gouvernement doit serrer la vis aux grandes entreprises et réglementer leur impact environnemental plus intensément, puisque ces entreprises constituent une source énorme de gaz à effet de serre. Beaucoup de citoyens considèrent qu’il est inutile de fournir des efforts au niveau individuel si les entreprises, elles, continuent de polluer abondamment. Afin de faciliter la transition écologique des citoyens et de forcer celle des industries, les gouvernements pourraient forcer la mise en place d’écoétiquettes sur les produits en vente et focaliser sur les grandes entreprises une taxe progressive sur le carbone.

 

Tout d’abord, afin de permettre aux citoyens d’adopter une consommation éco-responsable, les gouvernements pourraient obliger l’apposition d’écoétiquettes sur toutes sortes de produits mis en vente en commerce. Que ces produits soient issus de l’industrie agroalimentaire ou autre, tous les produits transformés possèdent un impact environnemental qui, si exposé au consommateur, permettrait à ce dernier de faire des choix éclairés en toute connaissance de l’empreinte environnementale des produits consommés et de payer, s’il en a les moyens et la conviction nécessaires, pour les produits les plus verts. Comme toutes les mesures nommées dans ce texte, il est nécessaire d’imposer celle-ci progressivement, mais rapidement, car il faut permettre aux entreprises de s’adapter, même si la situation climatique reste urgente. Le concept d’écoétiquette ici proposé consiste en une représentation simplifiée, notamment à l’aide d’un code de couleurs, de l’empreinte écologique liée à la fabrication ou transformation d’un produit. Réalisée par un organisme employé par l’entreprise et reconnu par le gouvernement, l’écoétiquette pourrait devenir obligatoire avec les années. Le secteur qui pourrait grandement bénéficier de cette étiquette et où l’implantation de celle-ci serait plus simple dû à la présence préexistante d'étiquettes sur ses produits est celui de l’alimentation. En effet, le consommateur aurait la possibilité de faire son épicerie en tenant compte de l’impact environnemental des produits qu’il achète. De cette manière, les entreprises agroalimentaires les plus respectueuses de l’environnement seraient favorisées. Suivant cette logique, l’économie régionale serait ainsi encouragée puisque les entreprises locales seraient certainement avantagées, celles-ci étant la plupart du temps plus écologiques étant donné le peu de transport nécessaire à la vente. En France, le Planet Score, une étiquette écologique, est en cours d’expérimentation et sera éventuellement rendu obligatoire. C’est un exemple parfait d’une écoétiquette permettant au consommateur d’être totalement conscient des conséquences de ses choix alimentaires. L’enjeu principal de l’écoétiquette est la méthode de calcul de l’impact environnemental. Je crois cependant que les gouvernements ont la capacité d’approuver une méthode de calcul équitable et sensée, c’est-à-dire qui avantage visiblement les entreprises écoresponsables. Bref, en rendant progressivement obligatoire l’écoétiquette sur des produits issus de l’industrie agroalimentaire ou autre, les gouvernements permettraient au consommateur d’être informé rapidement sur l’impact environnemental des produits achetés, cela étant plus que nécessaire dans les circonstances actuelles.

 

Ensuite, le second moyen proposé aux gouvernements pour participer plus activement et concrètement à la lutte contre les changements climatiques est l’implantation progressive d’une taxe sur le carbone, en particulier pour les grandes entreprises. C’est le moyen controversé proposé par l’ex-ministre français de la Transition écologie Nicolas Hulot, ayant quitté son poste en raison du manque de volonté pour lutter contre les changements climatiques de son gouvernement. En effet, selon lui, en imposant de manière progressive une taxe sur le carbone aux entreprises, on pourrait les convaincre de délaisser les pratiques polluantes pour favoriser une approche écologique des affaires. Aussi, la progression de la taxe permettrait de dissuader les investisseurs de miser sur les industries polluantes puisque le coût du carbone en constante augmentation rendrait les perspectives d’affaires dans ces industries moins attirantes. Au Canada tout comme en France, une taxe carbone progressive est déjà en vigueur, et plusieurs entreprises achètent leur droit de polluer. Il ne fait aucun doute que cette mesure doit être renforcée et précisée concernant la pollution que les grandes entreprises causent. Il faut qu’elle soit adaptée de sorte qu’elle touche de manière moins directe les salariés (on se souvient des Gilets Jaunes) et qu’elle s’attaque plutôt aux géants industriels, une adaptation certainement complexe qui nécessite des réflexions et des débats exhaustifs. Bien que nocive pour l’économie dans ses débuts, cette mesure radicale permettrait à long terme de contribuer à assurer le futur de l’espèce humaine et d’éviter dans la mesure du possible les catastrophes naturelles à l’horizon de l’histoire de l’humanité. Controversée, cette mesure l’est, certes, en raison des conséquences économiques négatives qu’elle engendrerait certainement. Nombreuses sont les objections lancées dès que cette solution est proposée. Je les comprends et je suis d’accord, une taxe sur le carbone, même progressive, serait possiblement nuisible économiquement aux nations l’appliquant. À ce stade, c’est une question de priorités, de valeurs et d’urgence. Comme je l’ai mentionné plus haut, la lutte contre les changements climatiques nécessite des sacrifices, dont celui de prioriser le respect de l’environnement au développement de l’économie. 

Si les valeurs citoyennes qui règnent dans les sociétés actuelles ont trait au respect de l’environnement, les actions des gouvernements doivent suivre ces valeurs en imposant des mesures radicales. Toutefois, si les valeurs populaires ne correspondent pas à l’écologie, il est certain que les gouvernements concernés ne se prononceront jamais pour des mesures rigoureuses. Parfois, le problème ne vient pas du gouvernement-même, mais bien des électeurs, j’en conviens. À mon avis, si les humains tiennent à la survie de leur espèce, ils doivent laisser tomber les normes et les repères actuels pour accepter de mettre en place des solutions sévères pour assurer cette subsistance. Je crois que le temps finira par convaincre la majorité de l’importance de la lutte intense contre les changements climatiques. L’enjeu du futur, c’est l’intérêt des gouvernements à participer à cette lutte. Avec les systèmes politiques démocratiques actuels, qui offrent des mandats allant de 4 à 7 ans, les gouvernements mettant en place des mesures radicales ont peu de chances d’être réélus, puisque, bien que profitant à la cause mondiale du réchauffement climatique, ces mesures ont des répercussions souvent négatives à court terme aux États les adoptant. Ce fait contribue à rendre l’adoption de ces solutions impératives complexe. Afin qu’un gouvernement écologique radical reste au pouvoir pendant une durée conséquente, il faudrait qu’un mouvement de société écologique incroyable se produise. Ainsi, la survie de l’humanité relève du miracle ? Je ne crois pas, je crois qu’elle relève d’une détermination profonde de survivre des individus des sociétés d’un monde qui court à sa perte.

 

Bref, puisque la transition écologique est nécessaire et ne constitue plus en elle-même un débat, ce sont les mesures issues de cette transition et leur degré d’action qui restent à déterminer. À mon avis et à celui de nombreux experts, ces solutions doivent être plus concrètes qu’elles ne l’ont jamais été, car l’ampleur des dégâts causés par la crise climatique ne cesse de croître. Les gouvernements doivent sans équivoque faciliter la transition écologique des citoyens, car sans l’appui de l’État, une société peut difficilement changer. Toutefois, sans l’appui des idéaux d’une société, un gouvernement démocratique ne peut modeler cette dernière. Ces idéaux penchent de plus en plus vers la préservation d’un environnement sain, c’est pourquoi j’insiste sur le rôle prochain des gouvernements. En faisant pression sur les instituts au pouvoir, le peuple pourra les forcer à agir dans la bonne direction. Tout ce qu’il faut, c’est une détermination et un instinct de survie qui grandissent à chaque année, à chaque mois, à chaque semaine, à chaque catastrophe que l’on voit passer dans les médias. Évidemment, les moyens proposés dans ce texte ne sont pas les seules solutions disponibles. Des investissements dans les infrastructures de transport en commun ou dans le transport vert ainsi que dans les énergies vertes, par exemple, constituent également des mesures viables et significatives. À ceux qui affirment qu’on ne peut affaiblir l’économie de notre pays pour le compte de l’environnement parce que d’autres États ne le font pas et gagnent ainsi en puissance, je dis qu’avec cette mentalité, on verrait encore des esclaves dans nos sociétés.

 


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