Retour vers le passé.

par Thierry Meyer
mercredi 31 août 2005

Alors que le prix du pétrole ne cesse de grimper, et qu’il ne risque pas de redescendre puisqu’on nous annonce le "peak oil" [moment à partir duquel la production du pétrole va commencer à décroître] pour 2020, au mieux, il pourrait sembler utile de commencer à réfléchir à l’après-pétrole. En effet, quand on commence à imaginer un monde où la courbe croissante de la demande (n’oublions pas l’arrivée de la Chine et de l’Inde sur le marché) va croiser la courbe descendante de la production, on ne peut qu’imaginer une envolée de son prix, et donc, de quasiment tous les prix.

Naturellement, je ne tiens pas, ici, à couvrir tout le spectre des changements nécessaires, mais je souhaite au moins commencer à m’intéresser à une des facettes les plus importantes : la nourriture.

Avec un peu de réflexion, et même s’il est clair que cela ne se fera pas sans grincements de dents, on peut imaginer que nous délaisserons rapidement tous les produits de provenances lointaines (chocolat, banane, etc.), qui afficheront rapidement des prix prohibitifs. Cela dit, étant donné notre embonpoint, cela ne sera peut-être pas plus mal !

Pourtant, même si nous nous passons de ces produits additionnels, il semble certain que les prix des productions locales augmenteront aussi de manière significative. En fait, la question pertinente semble être : pourrons-nous produire suffisamment localement ? Ce qui amène immédiatement les questions suivantes : que faudra-t-il produire, et en quelle quantité ?

Évidemment, si nous nous en tenons au panier actuel de la ménagère, la réponse à la première question sera catégoriquement ’Non’. Aussi nous faut-il peut-être revenir à des notions plus élémentaires et revoir quelque peu nos valeurs.

Si j’en crois les informations que j’ai réussi à collecter, au début du XXe siècle, nous consacrions plus de la moitié de nos revenus à la nourriture (cela atteignait les 3/4 avec le logement), alors même que celle-ci était composée essentiellement de pommes de terre et de pain (600g pour les premières et 900g pour le pain, par jour et par personne !). Comme on le voit, nous avons donc un peu de marge puisque, de nos jours, nous y consacrons moins de 15%, alors que les produits consommés sont devenus de plus en plus sophistiqués.

Ceci dit, avant de nous préoccuper des coûts, occupons-nous de la faisabilité. Si nous souhaitons fournir 900g de pain par jour à 60 millions de français, il nous faut une production d’environ 19 millions de tonnes de blé par an [1] (il faut un peu moins d’un kilo de blé pour faire un kilo de pain). Actuellement, nous consacrons pratiquement 4,9 millions d’hectares à la culture du blé, avec une production de 70 quintaux à l’hectare [1 quintal = 100 kg], ce qui suffit largement à nos besoins actuels [2] (le blé n’est pas utilisé que pour faire du pain !).

Par contre, qu’en sera-t-il dans 15 ans ?

Qui dit moins de pétrole dit moins de mécanisation, mais aussi, moins de fertilisation, puisque la chimie organique est directement liée à la chimie du pétrole. Du coup, il est indéniable que nous devons nous attendre à une baisse significative des rendements, surtout que l’évolution du climat va vers une chaleur plus importante en période de floraison et une pluviométrie accrue durant l’ensemencement. Or, si nous reprenons simplement ceux en vigueur entre 1950 et 1973, ce qui n’est quand même pas très loin, cela ne représente déjà plus "que" 25 quintaux à l’hectare. Du coup, nous obtenons immédiatement une production inférieure aux besoins, et de loin, puisqu’il nous en manque plus d’un tiers [3] !

Naturellement, le premier réflexe consistera à chercher à compenser cette perte en augmentant la surface affectée à cette culture. À ce stade, les choses se compliquent, puisqu’il faudrait connaître les surfaces disponibles et adaptées à cette céréale. Même si le réchauffement climatique risque d’avoir quelque peu brouillé la donne, on peut espérer que notre pays, qui est le grenier de l’Europe, sera capable de subvenir à nos besoins.

Mais à ceux des autres ?

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Publié sur VieRurale.com


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