Le plan B (erezina)

par Chem ASSAYAG
lundi 2 octobre 2006

 

L’accélération de la campagne présidentielle avec le dépôt des candidatures socialistes, le sommet tripartite France-Russie-Allemagne, la confirmation de l’entrée de la Roumanie et de la Bulgarie dans l’Union européenne, ces différents évènements intervenus au cours des derniers jours, a priori sans lien entre eux, illustrent, chacun à sa façon, le marasme dans lequel se trouve l’Union.

Ah, il est bien loin le référendum sur la Constitution ! A l’époque, l’Europe faisait la une des journaux, alimentait les conversations, divisait les familles. Et une fois le scrutin passé, les tenants du non nous promettaient un sursaut, un regain d’Europe, des lendemains meilleurs, évoquant de multiples initiatives, qui devaient spontanément surgir, pour revivifier le débat européen.

Or, pendant que les menaces globales - terrorisme, dégradation de l’environnement, mondialisation incontrôlée - se font de plus en pressantes, c’est exactement le contraire qui s’est produit. Alors que la seule échelle pertinente pour aborder ces problèmes planétaires est l’Europe, et non pas le cadre national, elle a totalement disparu du paysage. En effet, depuis le référendum, les égoïsmes nationaux ont repris le dessus, comme l’ont illustré le débat sur le budget européen, ou plus récemment la cacophonie diplomatique lors de la guerre au Liban, et la Commission se contente d’expédier les affaires courantes. Pour que la situation se débloque et que l’Europe se remette en marche, il fallait d’abord, nous disait-on, attendre les élections allemandes, puis les italiennes, et maintenant l’élection présidentielle française... Après cette dernière, on trouvera autre chose.

L’Europe semble être entre parenthèses, absente des discours et de notre futur. Ainsi, qui a entendu un des candidats à l’investiture au PS ou Nicolas Sarkozy à droite mettre l’Europe au cœur de son projet, au cœur de ses ambitions ? Quelques phrases rituelles, quelques incantations d’usage, mais aucune vision, aucune proposition. Il y a un an, lors du référendum, quel que soit le résultat les bouleversements devaient être majeurs... et depuis, il ne se passe rien. L’inertie d’un grand paquebot.

De même, chaque pays essaie de jouer son petit jeu national, comme en témoigne l’étrange sommet France-Russie-Allemagne. Alors que les défis posés par le pouvoir russe - approvisionnement énergétique, rôle géostratégique trouble - supposeraient la définition d’une vraie doctrine européenne vis-à-vis de son voisin de l’Est, on se contente de recevoir M Poutine avec faste, et de négocier ses petits contrats.

Aussi, lorsqu’on annonce le prochain élargissement à la Roumanie et la Bulgarie, cela se fait-il dans une indifférence polie, comme si chacun savait que cela ne changerait rien, puisque de toute façon l’Europe est au point mort. Ce qui ne fonctionne pas à 25 continuera à ne pas fonctionner à 27, alimentant les rancœurs et la défiance par rapport à Bruxelles.

Bien sûr, le référendum n’est pas seul en cause, et les problèmes existaient déjà avant, mais là où les partisans du non en France portent une responsabilité historique - en tout cas, ceux qui se prétendaient pro-européens - c’est qu’ils ont figé la situation, cassé toute dynamique, gelé tout processus d’évolution de l’Europe pour plusieurs années. Les faits sont têtus, et il leur sera difficile de prétendre le contraire.

Le non au référendum aura déclenché le plan Berezina.


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