Celle San Vito, la commune franco-provençale d’Italie qui attend Macron

par Lucia Gangale
vendredi 16 septembre 2022

Celle San Vito est un petit village de la province de Foggia, dans le sud de l'Italie, où, depuis sept siècles, les habitants parlent la langue franco-provençale. Le 14 septembre 2022, poussé par l'immense curiosité pour cette histoire (dont j'ai déjà brièvement écrit ici) je m'y suis rendu en voiture. Le village se trouve au pied du mont Cornacchia, le plus haut de toute la région des Pouilles (1151 mètres), sur une crête en forme de paquebot transatlantique immergé dans les bois. Il se trouve à environ sept cents mètres au-dessus du niveau de la mer.

Celle di San Vito - Flickr

Je suis parfaitement convaincue que ce lieu, ainsi que Faeto voisin, peut constituer une mine d'informations pour les études d’anthropologie et de sociologie, mais surtout pour celles de la francophonie, aussi et surtout au niveau académique. Et je pense, en effet, que ces réalités doivent tisser des liens toujours plus forts avec les universités et les centres de recherche, en raison de la singularité qu'elles apportent.

Peu d'habitants. Au village, on me dit qu'il y en a environ soixante-dix, alors que sur la carte, il est écrit 150. Les gens ont des manières très charmantes, prenant le meilleur du savoir faire du sud de l'Italie et du style français. Tout le monde est souriant, on me donne des informations, une gentille dame me propose de m’accompagner pour découvrir le lieu.

La Porte des Provençaux

Il y a des fleurs partout, une belle église et des rues en pierre très propres. Un artiste local, Gabriele Capacchione, a peint de grandes peintures murales représentant des scènes de la vie du village et des reconstitutions historiques provençales.

Le pays est dirigé par une femme maire, Palma Maria Giannini, qui en est à son troisième mandat et qui fait tout pour relancer la fortune d'un pays en désertification permanente, trop éloigné des centres de décision de la politique et qui, par conséquent, suit le sort d’autres municipalités interrogées uniquement lorsqu'il s'agit de donner leurs voix à tel ou tel parti politique, pour tomber dans l'oubli au fil des années. Dans tout le village, elle a fait installer des carreaux artistiques bilingues indiquant le nom des rues. Elle a fait restaurer l'ancien mas de San Vito où la première colonie provençale formée par des soldats de Charles Ier d'Anjou fut appelée ici pour vaincre les soldats sarrasins amenés à proximité de Lucera par Frédéric II de Souabe. Elle a fait installer Qr code sur tous les monuments du pays, afin que le visiteur sache ce qu’il visite. Elle a créé un point d'information pour les touristes. Grâce à la loi 482 de 1999, qui protège les minorités linguistiques en Italie, elle a créé le bureau des langues (créant des emplois pour les quelques jeunes locaux), qui préserve la tradition franco-provençale et distribue chaque semaine L'Àreche, le bulletin de la communauté. Elle a accordé beaucoup d'importance à la communication concernant sa commune, ainsi qu'à la recherche de toutes les voies possibles pour mettre en valeur ses itinéraires architecturaux et environnementaux, ainsi que sa tradition gastronomique. Elle a organisé des conférences dans la salle de conférence du centre historique pour parler de la langue et de l'histoire locales. Elle a fait cela et bien plus encore, mais la nouvelle est que la maire, à laquelle ne manque pas l’imagination et qui est aussi une femme très sympathique (comme je l’ai vu dans certaines de ses interviews sur le net, parce que je ne la connais pas personnellement), a invité Emmanuel Macron à Celle. Et Macron, par la voix de son chef de cabinet, Brice Blondel, a également répondu : « Je vais y réfléchir ». (Ici, tout le contenu de la lettre de Macron).

La statue de Charles Ier d’Anjou s’élèvera sur le socle au bout du belvédère

L'occasion de cet échange de lettres est l'inauguration d'une statue de Charles Ier d'Anjou sur le belvédère de Celle San Vito, dans la zone où se trouve la Porte des Provençaux. L'inauguration de la statue devait avoir lieu le 23 juillet de cette année, mais l'administration a décidé de la reporter dans l'attente d'une décision du chef de l'État français. Le maire a déclaré : « Cette réponse nous a rendus fiers et a rempli de joie toute une communauté. Nous sommes conscients que sa venue à Celle n'est pas très probable, mais nous l'espérons jusqu'au bout  ».

Évidemment, le maire a écrit à Macron en français.

On ne sait pas si l'invitation à Macron aura une suite (Nicolas Sarkozy était aussi invité et, bien qu'il ait une épouse italienne, il n'est jamais venu à Celle), mais on sait pourquoi on l'a remarqué parmi les habitants du pays, que cette visite est très attendue par eux et que pour le petit centre des Pouilles ce serait une véritable grande raison d'honneur, qui lui donnerait une renommée nationale et internationale.

Sur Internet, il est possible de télécharger une étude détaillée sur Celle San Vito, à cette adresse.

La lettre de réponse de Macron

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