Propos (effarés) d’un homme de gauche

par Jacques-Robert SIMON
jeudi 20 juin 2024

Je rassure les uns, j’inquiète les autres, j’indiffère la plupart, je voterai très bientôt pour les candidats Front Populaire. Une seule chose me tient à coeur : va-t-on vers plus d’humain ou veut-on le détruire ? Les gesticulations verbales que prodiguent les médias ont tout lieu de m’inquiéter.

Définir l’humain ? L’humain se trompe souvent, est capable du merveilleux quelquefois, du pire souvent, il accepte le hasard, le doute, l’hésitation, il ne croit pas que tout se pèse ou se soupèse et que le rapport coût-bénéfice représente la quintessence de la pensée progressiste, il considère les différences comme une richesse et il hait par dessus tout les idéologies uniquement faites pour ameuter les gens du commun. Le non-humain n’aime que ce qui est quantitatif, profitable, rentable, il adore les gadgets électroniques qui lui permettent un semblant d’érudition, il s’ébaubit devant l’intelligence artificielle qui lui donne l’impression d’en avoir enfin une propre, les caméras, la reconnaissance faciale, les QR codes, qui permettent de le mettre à nu même dans ses moments les plus intimes, constituent pour lui une réelle délectation.

Je n’ai aucune légitimité à me prétendre « de Gauche », pas moins cependant que ces histrions qui se démènent pour vanter les vertus de leur budget, pour dessiner une société apaisée débarrassée de ses gêneurs et qui cachent leurs faiblesses et leurs peurs derrière des rodomontades guerrières. De plus, contrairement à eux, je ne souhaite convaincre personne et je ne tirerai aucun avantage de ce qui se passera. Le temps est-il révolu où tout est possible avec des pioches, des bras et de l’Amour ? Mais les mains calleuses n’attirent apparemment plus grand-monde !

 

Nos candidats parlent Budget, soit ! Chacun s’emploie à partager un gâteau devenu immense avec le temps, sauf qu’il n’est pas à eux, il n’est pas même à nous. Sans les fonds d’investissement du Qatar, des Etats-Unis et d’ailleurs qui guettent avec gourmandise tous les services publics à privatiser, le gâteau se réduirait à ce que l’on peut produire soit la taille d’une tarte. On peut reprocher à des investisseurs beaucoup de choses, mais ils savent compter beaucoup mieux que les péquins ordinaires.Pour qui doute de la puissance, il suffit de se rappeler le sort de Liz Truss qui fut balayée de son poste de premier ministre du Royaume-Uni en moins de deux mois. Ses propositions économiques, quelque peu radicales, étaient pourtant en faveur des nantis, mais elles se révélèrent non-conformes aux attentes des marchés. Libéralisation certes mais au rythme décidé ailleurs que dans le monde politique.

Curieusement, ce sont ceux qui prêchent pour le libéralisme qui s’inquiètent de la trop forte dépendance des Nations au monde financier. Il faut bien apparaître comme quelqu’un de sérieux même si tout prête à rire. Leurs ficelles étant par trop énormes, il fallait dissimuler la supercherie par une aveuglante carabistouille. Il est évident que du strict point de vue économique, les marchés les plus vastes sont les plus efficaces. Mais alors io faut accepter de perdre son âme.

Un concept éthique fut mis en avant qu’il est plus simple de nommer Care par souci de modernisme mais qui n’est que la simple continuation des bonnes œuvres qu‘animaient certaines notabilités pour assister les démunis dans leur difficile traversée de la vie . Chacun sait que la Charité est l’ennemi de la Justice et que l’on prodigue à profusion l’une pour ne pas établir l’autre. La charité va anesthésier les volontés pour les rendre malléables tandis que la Justice va tout faire pour donner sa dignité à chacun. Il est établi qu’un système inégalitaire est bien plus efficace pour installer et gérer une économie dans laquelle la division du travail a été étendue jusque dans les moindres détails. Il est donc devenu évident qu’il était bon de regrouper les activités au sein de multinationales immenses dans lesquelles le découpage des compétences pourra se faire presque à l’infini. Il est possible de produire 10 à 100 fois plus de biens grâce à une collectivisation bourgeoise de l’économie. Pourtant, vous glissez sans retour vers l’inhumain, limité dans ses savoirs microcosmiques et sans aucune possibilité de changer votre sort.

Impuissante à penser autre chose que la pensée dominante, plus difficile, moins rentable pour ses promoteurs ensuite, la Gauche laissa choir les fleurons de l’industrie françaises, entreprises pourtant performantes et à la pointe de la modernité (EDF, Alstom ; SNCF…). Par pure idéologie des règles sur la concurrence ineptes mais conformes aux directives leur fut appliquées. D’autres industries moins connues connurent le même sort. Photowatt par exemple fut abandonné à un funeste destin sous les assauts de plus puissants mais surtout plus prédateurs qu’elle. Après avoir tant fait pour convaincre des bienfaits d’une mondialisation heureuse, la classe politique, Gauche et Droite confondues, préconisèrent la souveraineté et les relocalisations industrielles : l’argent des emprunts leur avait servi à acheter la paix sociale et à créer des chômeurs. Ne servant (plus) à rien en économie, dans l’industrie, pour la Recherche et Développement, il fallait bien que la Gauche se donne une raison d’exister. Elle avait en tête les fulgurants succès des bigots et des bigotes, la Gauche décida de se consacrer à la bien-pensance faite de fausse compassion teintée de mépris, posture faite surtout pour bannir les adversaires qui ne leur plaisaient pas. La Gauche s’afficha donc résolument antiraciste, affirmer le contraire est évidemment inenvisageable. Mais il y a quelquefois des instincts qu’il faut faut débusquer jusqu’au plus profond de soi, l’antiracisme concerne d’abord soi-même avant de concerner les autres. A titre d’exemple, les Soudanais distinguent de nos jours 50 nuances de peaux plus ou moins noires, de « rouges » pour les plus clairs, jusqu’à « bleues » pour les plus sombres. Malgré la diversité de tons, chaque sous-classe possède un certain nombre de privilèges et se voit interdire l’accès à certaines responsabilités. Les roses (que nous sommes aux yeux des asiatiques) sauront-ils devenir plus raisonnables par la vindicte des nouveaux dévots ou par une solide éducation personnelle ?

Chaque Homme a d’évidence les mêmes droits, le principe d’égalité devant la loi trouve ses sources avant même l’avènement de Jésus Christ. Il ne faut pas en déduire que tous les Hommes sont identiques. Un Africain n’est pas un Asiatique, un Italien n’est ni un Français, ni un Allemand. Bien entendu, une force dite civilisationnelle a gommé dans le passé les aspérités entre les communautés alsaciennes, bretonnes, basques… ce qui a permis de les asservir plus avant mais qui n’a pas contribué pour grand-chose au bien commun. Chacun vivait sur son territoire ce qui ne les empêchait de commercer et d’échanger les informations d’importance. Il serait par contre dramatique de ne pas voir que les Africains sont meilleurs à la course à pied, les Américains en technologie, les Européens en Physique théorique, les Indiens en Informatique. Démêler l’inné de l’acquis n’intéresse personne de sensé, mais prétendre que les uns et les autres ont exactement le même patrimoine génétique, en particulier vis-à-vis de l’héritage de l’Homme de Neandertal, est un non-sens absolu. Appliquer les mêmes recettes dites libérales d’un bout à l’autre de la planète n’est rien d’autre qu’une forme nouvelle de colonialisme.

Sauf si on se prête à des traitements hormonaux féroces et à une chirurgie mutilante, un homme est différent d’une femme. C’est progressiste, d’avant-garde, bien vu de défiler sous une bannière arc-en-ciel et d’essayer par tous les moyens d’y entraîner enfants et adolescents. Je ne vois pas, même en étant très précautionneux, ce que la Gauche a à voir avec ce qui se passe dans l’intimité d’un chez-soi. Il ne s’agit pas de respecter une minorité il s’agit tout au contraire de la rendre agressivement visible pour pouvoir stigmatiser ceux qui souhaitent une sexualité apaisée et naturelle. Les sociétés préchrétiennes montraient déjà une certaine tolérance vis-à-vis des pratiques homoérotiques et ce type de marginalité s’est perpétué de tout temps. Aucun anathème n’est admissible, chacun doit être libre de ses pratiques au sein dans le cadre de sa vie privée mais seulement dans sa vie privée.

La manne du crédit permet d’être dispendieux et de se présenter comme généreux bien que la ruine d’un modèle social exemplaire en soit le prix à payer. Si on peut rêver d’un monde fait de différences et de respect réciproque, l’apport massif de personnes ne partageant en rien ou pas grand-chose des valeurs locales ne permet qu’une chose : détruire les classes sociales pour les remplacer par des communautés. Un dirigeant ne souhaite qu’une chose, diriger, que ses subordonnés soient bien ou mal traités ne dépend que du rapport de forces installé. Insérer des coins entre des individus qui partagent le même sort est un moyen vieux comme le monde de pouvoir perpétuer une domination.En France G. Pompidou avait d’ailleurs déclaré : « Ils (le patronat) en veulent toujours plus (d’immigration) ». Entre les bons sentiments affichés et les besoins d’une main d’oeuvre plus docile par essence, la part des choses est rapidement faite. Puisque la désagrégation sociale est inévitable si les mélanges de population sont trop massifs et brutaux, le devenir totalitaire de la société est grandement facilitée par les immenses moyens offerts par les nouvelles technologies. Le peuple y perdra et son âme et ses libertés et les mêmes (les roses) continueront à asservir les gens du commun.

En politique, le fait d’être nombreux est devenu le facteur prédominant sur toute autre considération. Le Peuple est noble, pas la populace qui se vautre dans les excès : quand on n’a pas de talent il est nécessaire de faire scandale pour être connu. La dislocation des démocraties se produit car elles ne reconnaissent plus aucune des valeurs de la République. Les humeurs passent d’un désastre à une catastrophe sans qu’aucune force régulatrice n’empêche plus le chaos. Les larmes, les pleurs, les commémorations, ont remplacé les solutions que l’on peut offrir à des électeurs devenus quelque peu dédaigneux du spectacle offert. Des managers, des coach-es, des consultants, des experts foisonnent partout profitant de la boulimie paperassière qui s’est emparé des sociétés. On parle de moteurs d’avion sans avoir jamais vu un pot de cambouis, de forces populaires sans jamais prendre le métro, on dirige une usine de nouilles sans savoir faire la différence entre blé et épeautre. La seule élite supportable est celle issue du savoir ou du savoir-faire, les interminables simagrées prétentieuses pour se donner de l’importance ne servent qu’à masquer l’inanité du destin offert aux autres.

En résumé, et dans un langage plus imagé, la Gauche a distribué un pognon possédé par des connards qui souhaitaient investir, la multitude acheta dare-dare du Nutella plutôt que de sauvegarder les acquis du CNR. En contrepartie elle accepta de devenir des roboïdes cornaqués par des algorithmes.

 

Il existe un Mot croisé en trois lettres dont la définition est : Cri de gauche ! (La réponse est Aïe)


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