Couper les vivres
par C’est Nabum
mardi 13 août 2024
Tirer le diable par la queue.
Est-ce le sens du partage qui pousse certains à couper les vivres à ceux qui, jusqu'alors, ils accordaient leur secours ? Couper en la circonstance n'est pas le verbe qui convient puisque c'est en l'occurrence une « faim » de non-recevoir, une manière d’ôter le pain de la bouche en serrant la ceinture.
Les victimes de cette mesure de rétorsion se voient soudain contraintes de tirer le diable par la queue et paradoxalement de manger de la vache enragée sans n'avoir rien à se mettre sous la dent. Si la contradiction est flagrante, elle n'apporte pas d'eau à leur moulin, les astreignant à faire jeûne ce qui à leur âge parait assez normal.
C'est encore une manière de mettre les points sur les « i » en asséchant les subsides accordés trop généreusement sans contrepartie. L'idée sous-jacente est d'apprendre la vie en privant la victime des moyens d'assurer sa survie. La contradiction est flagrante, ce qui atteste s'il le faut que ce moyen est un pis-aller.
Par contre le risque est grand à couper les vivres de finir par couper les ponts. C'est un pas que peut aisément franchir celui qui se voit priver du flot bienveillant qui jusque-là lui apportait ce dont il avait besoin. Un fossé se creuse qui devient vite infranchissable pour celui qui de mauvais diable devient soudainement l'infréquentable parasite.
La suite sera une longue séquence durant laquelle la communication elle aussi est coupée. On coupe beaucoup du reste dans cette histoire à commencer par les cheveux en quatre. Les relations finissent par être à couteau tiré, ce qui justifie toutes ces blessures qui étrangement ne sont plus des petites coupures.
Couper les vivres, vous pouvez le constater, est un terrible engrenage qui risque de s'avérer calamiteux. La victime quoique l'ayant creuse, aura une dent contre son bourreau, car c'est ainsi qu'il considère celui qui entend lui donner une bonne leçon. Comment peut-il savoir qu'elle est bonne puisqu'il ne goûte plus à rien, du moins à rien de ce qui jusqu'alors lui tombait dans la bouche sans le moindre effort.
La victime aura longtemps cette mesure en travers de la gorge, elle lui restera même sur l'estomac et risque fort de ne jamais la digérer. Comme vous pouvez le constater, la langue se charge aisément d'expressions alimentaires ou digestives même pour tenter de narrer une diète imposée en guise de rétorsion.
N'ayant plus rien à me mettre sous la dent pour me mettre en bouche un billet qui vous laissera sur votre faim, je vais tenter de délayer la sauce et d'ajouter un peu de piment à cet exercice de style que je vous sers par le menu. Si le service manque de classe, c'est que je n'entends pas vous servir sur un plateau ce long pensum qui n'aborde pas les questions de fond d'une société perpétuellement en ébullition.
Cet infâme brouet linguistique vous laissera un goût amer, de ceux qui ne passent pas mais avec une potion digestive. Et pourtant nul gros mot ne vient ici surcharger mon propos. C'est donc sans espérer que ce texte finisse par les annales que je vais conclure ce récit sans la moindre chute. Je vous en demande pardon à l'heure de passer à table.