Pinailleur…

par C’est Nabum
lundi 13 novembre 2023

 

Chercher la petite bête sans faire de détail …

 

Ainsi donc, vouloir sauver notre langue, s'insurger contre tous ces tics de langage qui sont savamment diffusés dans les médias par des influenceurs ras du bulbe ou des sbires de la grande entreprise de réduction du niveau de compréhension global, relève du pinaillage de bas étage. Tout ceci ne serait que l'évolution normale dans la logique même de l'existence d'un code verbal.

Une évolution qui curieusement relève de la régression avec des résultats spectaculaires notamment des tests PISA. L'école ne remplit plus son rôle et ce n'est pas de la faute des enseignants. Elle se trouve totalement démunie devant ce formidable rouleau compresseur qui n'a d'autre objectif que d'abrutir les masses.

Alors je veux bien pinailler, ergoter, chercher la petite bête puisque tout ceci relève du détail, de la simple anecdote, du fruit insidieux d'un pauvre concours de circonstance. Croire que le mouvement de fond de l'inexorable réduction du lexique, des formes verbales, de l'usage de la conjugaison avec la disparition des quelques modes ne s'inscrit pas dans un programme d'asservissement des masses, est la plus parfaite manière de se fermer les yeux en se bouchant les oreilles avec un bâillon sur la bouche.

Les trois singes font des grimaces et les braves gens s'amusent de leurs mimiques sans comprendre que tout ceci n'est pas fortuit, qu'il est de l'intérêt de la caste dominante de réduire toujours plus le niveau d'une population dont la seule mission est de répondre servilement à toutes les injonctions consuméristes et éventuellement, de donner leurs voix à ceux qui de toute évidence sont objectivement leurs ennemis.

Curieusement encore, nos dirigeants n'envoient pas leurs enfants dans cette école publique qu'ils ont condamné à la régression la plus folle. Étrangement, les princes de la silicone vallée ne confient pas d'écrans à leurs jeunes rejetons tandis que la pub vous pousse à abrutir les vôtres. Et tout ceci serait fortuit, un improbable mouvement qui va à l'encontre des immenses progrès intellectuels de masse, des siècles précédents.

Pinaillons de concert et allons, comme ce terme le laisse supposer par analogie graveleuse, passer du textuel au sexuel, du profond au superficiel, de l'être à l'avoir, de la culture à la distraction, du savoir à la croyance, de la réflexion à l'opinion, du discours au bavardage, de la correspondance au SMS, de la lecture aux séries en boucle, de l'humanisme au néant.

L'essentiel n'est-il pas de penser que rien de tout cela ne relève pas d'un plan global. Il parait tellement évident que les inégalités qu'elles soient sociales, scolaires, financières, culturelles et mêmes sanitaires ne font que se résorber. Laissez donc les ergoteurs agiter le chiffon rouge en vous gaussant de leurs avertissements. Vous avez été tellement brillants lors des cinquante dernières années avec les alertes environnementales pour vous confirmer dans votre inégalable infaillibilité.

Les Cassandre et les oiseaux de mauvais augure ont le vilain défaut de vouloir interférer à votre irréfragable désir de jouissance, votre inaltérable désir de consommation, votre indécrottable confiance en cette clique qui n'a d'autre dessein que la défense des intérêts de leurs commanditaires. Continuez à vous bercer d'illusions, à vous anesthésier avec la mode, la tendance, la publicité, les gentils animateurs de vos soirées TV, les vedettes et les sportifs.

Il vous reste cependant une arme de destruction massive dont vous n'hésiterez pas le moindre instant à user contre les lanceurs d'alerte, les vigies, les donneurs de leçon, les poètes et les philosophes : il vous suffira de les traiter de complotistes pour qu'il ne soit nul besoin de leur rétorquer le moindre argument. Enfin, vous pouvez pousser le bouchon plus loin en leur tournant le dos, leur jetant des pierres et des crachats tout en les traitant d'éco-terroristes ou bien de encore, cerise sur le fardeau, en mettant en doute leur intégrité mentale. De votre côté, rassurez-vous, tout va bien, vous êtes dans la norme, le plus sûr endroit pour ne rien voir venir.

À contre-vérité.


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