In Malawi with Madonna

par LM
vendredi 10 novembre 2006

Bimbo porno des années 1980, rentière has been des années 1990, puis kabbaliste branchée de ce début de XXIe siècle, Madonna Louise Veronica Ciccone, dite Madonna, a récemment cédé à la mode de l’adoption d’enfants par des stars. A quarante-huit ans, l’icône gay devient tiers mondaine.

Elle est loin l’époque où « touchée pour la toute première fois », Madonna (pas Jeanne Mas) se gondolait à Venise avec un crucifix entre les seins et quelques raies sous les ponts. Le clip de Like a virgin premier succès interplanétaire de la madone, laissera des souvenirs émus autant qu’humides à toute une génération d’adolescent(e)s qui voyaient s’installer là et pour longtemps à la tête des hit parades une jeune femme peu farouche et déterminée. C’était l’époque du Top 50 du regretté « petit clou » Marc Toesca, où le jeune mais déjà carriériste J.-J. Goldman enfilait des tubes et David et Jonathan des amis à eux. Madonna débarquait à l’époque dans un milieu qui parlait tout juste « clips vidéos » et où Michael Jackson fréquentait sans crainte une ribambelle d’enfants qui achetaient par paquets d’un million sa redoutable musique. Madonna fut d’abord une bombe sexuelle. La musique dite « rock » n’en a jamais manqué, mais avec elle, on passait un cran au dessus. La légende voulait qu’elle ait débuté par quelque film porno, dont on peut sans doute encore trouver trace sur Internet aujourd’hui. Sylvester Stallone, lui aussi, avant d’incarner le très « bushien » héros Rambo, avait commencé dans le X, avec un surnom aiguisé : « l’étalon italien ». Alors, pourquoi pas Madonna ? Qu’elle n’ait pas avalé que des couleuvres pour pénétrer le métier ne faisait pas d’elle une pestiférée, loin s’en faut. Elle rendra d’ailleurs bien plus tard un hommage à son « introduction » par les bourses en prénommant son fils Rocco.

Les années 1980 furent synonymes de triomphe pour la madone, y compris au cinéma, ou un petit navet comme Recherche Susan désespérément trouva son public parmi les fans, immensément nombreux, de la chanteuse. Shanghaï surprise et Who’s that girl, qui suivirent, toujours aussi navets, ne remplirent pas les salles. Mais rien qu’au niveau du disque, la wonder woman vendit quelque 84 millions de copies de ses albums, rien que ses albums ! Ce que Mireille Mathieu, qui chantait La Marseillaise récemment chez Fogiel, a réussi à vendre en quarante ans (ou cinquante) de carrière. Pour situer. Les années 1990 virent la body buildée culminer à 70 millions d’albums vendus, un gros chiffre, mais qui traduit mal pourtant une certaine baisse de régime de l’Américaine. Comment dire, dans les années 1990, gonflées de cynisme et de noirceur, la provocation érotique ne faisant plus du tout recette, Madonna fut moins présente, dut revoir sa copie, au point de s’essayer au rôle historique sur grand écran, en endossant les habits d’Eva Peron, loin de Rocco Siffredi, vous en conviendrez. Réduire une chanteuse à un seul style n’est pas très élégant, j’en conviens, et Madonna n’est pas qu’un porte-jarretelles, un string ou quelques suggestifs mouvements du bassin. Elle n’est pas juste cette chanteuse performeuse qui se frotte longuement contre ses danseurs, si possible de couleur, bâtis comme les Village people. Non, bien sûr. Mais elle n’est pas non plus Eva Peron. Quand une carrière fléchit, bat de l’aile, quand on n’est plus à la mode (le grunge est loin du style de la madone, en ce début des années 1990), on se raccroche à ce qu’on peut. L’âge aussi venant, la star délaisse ses habits de prêtresse du sexe pour enfiler ceux de « l’artiste », comme dirait Michel Drucker. Certains la découvrent alors « émouvante », « intelligente », « crédible », qualificatifs dont on affuble systématiquement les stars qui ne sont plus à la mode.

Pour compter à nouveau, Madonna se tournera vers la France, qui lui avait offert dans le passé une paire de seins coniques devenus célébrissimes, et fera appel à quelques maîtres-d’œuvre de la musique qui fait bouger les jambes et tourner les seins, j’ai nommé Mirwais et aujourd’hui Jacques Lu Cont, des Rythmes Digitales. L’ex-taxi girl Mirwais lui ouvrira à nouveau les portes du paradis financier avec l’album Music, salué même par Les Inrocks, ce Télérama bobo (pléonasme ?). Star à nouveau, mais citoyenne avant tout, la madone se permettra même de jeter une grenade sur son président aujourd’hui ratatiné, W, dans un clip illustrant la chanson American Life. Pas la première fois que la star prend « position » et « revendique », même si ce genre d’agitation ne sert à rien qu’à soigner l’attitude. Son dernier album s’appelle Confessions of a dance floor, où il est surtout question de dance floor, peu de confession. Quoique...

Depuis quelques années, Madonna agrémente ses spectacles de messages « kabbalistiques » au strict sens du terme. La kabbale est à elle ce que la scientologie est à Tom Cruise et Katie Holmes : une raison de vivre. Qu’est-ce que la kabbale ? Une tradition philosophique et ésotérique juive. C’est Wikipédia qui explique : « Le Baal Soulam, kabbaliste, et commentateur du Zohar, en donne la définition suivante : "Cette sagesse n’est ni plus ni moins que l’ordre des racines, descendant à la manière d’une cause et de sa conséquence, selon des règles fixes et déterminées, s’unissant au nom d’un but unique et exalté, décrit par le nom révélation de Sa Divinité à Ses Créatures en ce monde" ». Qu’est ce que Madonna vient faire là-dedans ? Un coup de moins bien ? Une mauvaise chute ? Trop de soleil ? L’abus de testostérone ? Une ampoule à changer ? Quand on regarde la liste des vedettes qui adhèrent à cette sagesse, on comprend mieux l’engouement de Madonna : des lumières aussi « sages » que Britney Spears, Victoria Beckham ou Geri Halliwell sont dans l’équipe. Une équipe de vainqueurs. Tout cela sent bon la scientologie et la bande de célèbres bouffons qui dînent à sa table, les dents alignées et bien blanches, adeptes de cette secte dont l’Amérique ose faire une religion et qui n’est qu’un mouvement pour l’instant inoffensif de quelques agités profiteurs mais potentiellement à risque. Que Madonna emprunte la kabbale, on s’en fout un peu, qu’elle en parsème allègrement ses spectacles, en allant même jusqu’à inciter ses fans à s’intéresser au mouvement, c’est autre chose. Une sorte de manipulation, d’endoctrinement. Loin du show business.

Loin du show business aussi se trouve le Malawi. Ce petit Etat africain, qui compte autant d’habitants que Paris (dix millions) a été choisi par Madonna comme lieu de naissance de son troisième enfant. Après Lourdes (sic) et donc le bien nommé (on le lui souhaite) Rocco, Madonna a choisi de passer la troisième, mais sans effort, en adoptant. Et en adoptant un petit Malawite, parce que sur le marché c’est tout ce qu’elle a trouvé de satisfaisant, peut-être. Comme d’autres grandes stars avant elle (Mia Farrow, qui a adopté une dizaine d’enfants de différents pays, Meg Ryan, Ewan Mc Gregor, plus proche de chez nous, enfin en Belgique, Johnny et Laeticia), miss Madonna a décidé de tendre la main à ces pauvres populations sans moyens pour éduquer et élever leurs enfants convenablement. Sainte madone s’est donc déplacée au Malawi, avec ses 4X4 un peu polluants et ses gardes du corps un peu envahissants, a dansé pour les caméras avec les gens du coin, sympas et contents de voir les micros, a serré les mains, les bras, embrassé les joues et rempli les yeux de quelques enfants comblés de rencontrer enfin celle qu’ils ne connaissaient pas la veille, et puis huit jours plus tard, ayant rassasié son envie d’exotisme, la chanteuse est repartie avec sa cour. Sans le bébé qui n’avait pas ses papiers. Il arrivera finalement plus tard à Londres, le temps de prévenir suffisamment de photographes pour couvrir l’évènement. Une affaire vite faite bien faite, le petit David allait pouvoir s’éclater avec son frère, sa sœur, Guy Ritchie et tutti quanti. Mais au Malawi, d’un seul coup d’un seul, les dents se sont mises à grincer. Et certaines associations qui s’opposent aux adoptions « sauvages » et imposent aux demandeurs de résider au Malawi au moins dix-huit mois avant de pouvoir adopter, et de répondre à une enquête permettant de savoir si l’enfant sera placé entre de bonnes mains, ont critiqué les méthodes de la material girl. Madonna n’a pas respecté ces règles. Le père du garçon, lui, qui au départ ne voyait pas de mal à ce que la star américaine élève son enfant, affirme aujourd’hui qu’on lui a menti, que l’enfant n’était pas si adoptable que ça, qu’il avait une famille, ou au moins une grand-mère...Au Malawi aussi, on apprend vite ce qu’argent veut dire, ce que procès peut signifier, ce que rapporter veut dire.

Alors Madonna, victime d’une cabale ? C’est ce qu’elle dit, bien sûr. D’un autre côté, quand on connaît le parcours du combattant, long et dur à vivre que représente le processus d’adoption pour des milliers de parents dans le monde, toutes les démarches qu’il faut faire, répéter, pour s’entendre souvent signifier un refus, on peut comprendre aussi l’agacement de certaines associations, qui estiment que, Madonna ou pas, elle doit passer par les mêmes obligations que les autres avant d’être déclarée « apte ». Certains affirment même qu’aujourd’hui ils ont un problème avec « la morale » de l’icône gay. Beaucoup de bruit pour pas grand-chose, bien sûr, ça ne vaut pas le mariage scientologue de Cruise et de Holmes évidemment, ou le récent divorce de Britney Spears, mais bon, c’est tout de même le premier évènement mondial qui secoue le Malawi, passé de l’anonymat complet aux pages de Voici, Paris Match et Gala, The Sun et The Daily Mirror.

Vingt ans après le Live Aid, Madonna a sans doute cru qu’elle pourrait prélever en Afrique un enfant sans que ça se voie. Raté. Elle aurait dû suivre la méthode Hallyday et passer un coup de fil à Jacques Chirac, qui n’a sans doute pas oublié sa petite culotte. Bernadette, elle, doit s’en souvenir.


Lire l'article complet, et les commentaires