Mathilde Panot : les énièmes outrances populistes de la hurleuse professionnelle

par Sylvain Rakotoarison
mercredi 24 avril 2024

« La loi n’a pas changé, c'est toujours la même : nous avons la liberté de nous exprimer. Il y a juste quelques limites : l’incitation à la haine et l’apologie du terrorisme. » (Caroline Fourest, le 23 avril 2024 sur LCI).

La présidente du groupe FI à l'Assemblée Nationale, Mathilde Panot, a été convoquée ce mardi 23 avril 2024 par la police judiciaire de Paris pour s'expliquer sur des propos qu'elle aurait tenus et qui pourraient être jugés comme une apologie du terrorisme. On ne savait pas quels étaient les propos incriminés mais on imaginait bien qu'il s'agissait de sa réaction aux massacres commis par les terroristes du Hamas en Israël le 7 octobre 2023.

Loin de se faire discrète en attendant d'être entendue par la police, Mathilde Panot est sortie avec ses gros sabots et y a vu un complot contre la liberté d'expression. Elle a publié un communiqué incendiaire contre l'État, aussi insignifiant qu'il est excessif. L'esprit complotiste est bien là puisqu'elle a rassemblé un certain nombre de faits, dont l'interdiction d'une conférence par un président d'université (à Lille) de Jean-Luc Mélenchon, qu'elle a laissé entendre comme provenant d'une même origine alors que la députée, qui sait ce qu'est le fonctionnement des institutions, sait très bien que les décisions provenaient d'autorités très différentes (qui toutes ont considéré que les propos qu'ont tenu les dirigeants de FI sont à la limite de l'illégalité et dans tous les cas, c'est factuel, susceptibles d'être fauteurs de troubles).

Dans son communiqué, Mathilde Panot a expliqué notamment : « C'est la première fois dans l'histoire de la Cinquième République qu'une présidente d'un groupe d'opposition à l'Assemblée Nationale est convoquée pour un motif aussi grave sur la base d'accusations fallacieuses. ». Je ne sais pas si c'est vrai (la violence verbale a toujours existé au Parlement et à l'époque de l'OAS et du FLN, les débats étaient particulièrement durs), mais même si c'était vrai, il faudrait aussi s'interroger soi-même, Madame Panot : à ma connaissance, jusqu'à maintenant, je n'ai jamais connu un président de groupe d'opposition à l'Assemblée Nationale depuis le début de la Cinquième République à être aussi peu respectueux des usages, à hurler autant dans l'enceinte du Parlement, à dériver autant vers le populisme avec autant de violence verbale.

Mais ce qui m'a le plus choqué, dans ce communiqué, c'est cette petite phrase idiote, très politicienne mais très grave car elle renforce le sentiment d'antiparlementarisme : « Le régime macroniste aura transgressé toutes les limites imaginables. ». Tout, dans cette phrase, transpire le populisme et le mensonge le plus puant.
 

D'abord, parler de « régime » macroniste n'a de sens que si on veut le comparer à une dictature, ce qui n'est pas le cas : Emmanuel Macron a été élu Président de la République par 66% des Français en 2017 et par 59% des Français en 2022. C'est important de le rappeler, d'autant plus que c'est historique puisqu'il est le seul chef de l'État après De Gaulle à avoir été réélu sans une période de cohabitation qui ont redonné une virginité politique à François Mitterrand en 1988 et Jacques Chirac en 2002. Nous sommes en démocratie et la présence d'Emmanuel Macron à l'Élysée vient donc uniquement de la volonté populaire (j'insiste sur ce point-là). La République, c'est plus Emmanuel Macron que Jean-Luc Mélenchon, n'en déplaise aux insoumis.

Ensuite, le verbe au futur antérieur, comme si le second quinquennat était déjà terminé (alors qu'il reste encore trois ans !). Le verbe "transgresser" n'a aucun sens ici puisque la procédure judiciaire est très classique et procède de l'État de droit. Enfin, plus généralement, cette phrase laisse croire que c'est Emmanuel Macron qui a demandé à la police de la convoquer pour l'empêcher de parler. D'une part, plus elle parle, plus elle se discrédite, donc ses adversaires se frottent plutôt les mains ; d'autre part, le Président de la République est garant de l'indépendance de la justice et c'est la justice qui a agi ici, et si Mathilde Panot conteste qu'il y a indépendance, qu'elle apporte les preuves que le Président de la République serait intervenu dans cette affaire. Comme elle connaît très bien le fonctionnement des institutions, Mathilde Panot veut tromper sciemment ceux qui la liraient ou l'écouteraient dans un but purement démagogique.

C'est la raison pour laquelle j'étais très content que l'essayiste Caroline Fourest, invitée de David Pujadas sur LCI le 23 avril 2024, ait relevé l'arnaque populiste de cette phrase. Une véritable escroquerie intellectuelle. Elle s'est juste interrogée : « La question est de savoir si les personnes qui sont aujourd'hui convoquées et qui vont devoir s'expliquer devant la justice, ont tenu des propos qui tombent sous le coup de la loi, point. ».

La phrase du communiqué de Mathilde Panot (sur le "régime macroniste") a fait réagir Caroline Fourest ainsi : « C'est un raccourci qui est indigne, pour le coup, d'une parlementaire. C'est du populisme, une fois de plus, c'est mensonger. ».

La question de la liberté d'expression n'est pas en cause ici, c'est avant tout une question de respect de la loi et de respect des institutions dont il s'agit : « On verra. Peut-être que la justice va décider à la fin que [ces propos] relèvent de la liberté d'expression. ». Mais : « Il faut garder à l'esprit que toute personne, qu'on soit député ou pas, qu'on soit d'un groupe parlementaire ou pas, en fait, tout citoyen, les élus politiques ne sont pas au-dessus de la loi, a priori, tout citoyen qui tient des propos pouvant être attaqués est convoqué par la police. C'est la procédure, en fait, tout simplement. Ce n'est pas le Président de la République qui le décide. Ce n'est même pas des juges. C'est la procédure avant d'aller se défendre devant la chambre qui va avec. Mais en l'occurrence, les plaintes concernant ces personnalités, elles viennent d'organisations juives qui ont estimé, donc tout le monde peut le faire, en fait, qui ont estimé que ces propos étant extrêmement choquants et donnant le sentiment de comprendre l'action du Hamas voire de s'en réjouir, ils devaient être examinés par la loi. ».


Ainsi, Caroline Fourest a cité quelques propos controversés (sans savoir si ce sont ceux-là qui sont en cause pour la convocation), comme ceux de la militante propalestinienne Rima Hassan, candidate éligible sur la liste FI (et convoquée par la police judiciaire pour le 30 avril 2024 pour apologie du terrorisme), lâchés dans une émission à la fin du mois de novembre 2023 ("Le Crayon"), qui a répondu « vrai » à l'affirmation : « Le Hamas mène une action légitime. ». On peut également évoquer la comparaison vaseuse de Jean-Luc Mélenchon, faite le 18 avril 2024 à Lille, d'un préfet actuel avec Adolf Eichmann, principal organisateur de la "Solution finale" (comparaison qui, selon Fabien Roussel, l'a complètement « discrédité » et l'a rendu « indéfendable »).
 

Il y a aussi ceux d'un responsable de la CGT du Nord, Jean-Paul Delescaut (qui a été gardé-à-vue pour cette raison, puis condamné le 18 avril 2024 par le tribunal correctionnel de Lille à un an de prison avec sursis pour apologie de terrorisme), qui a mis sur un tract : « Les horreurs de l'occupation illégale se sont accumulées. Depuis samedi [7 octobre], elles reçoivent les réponses qu'elles ont provoquées. ». Phrase publiée sur le site de la CGT du Nord du 10 au 20 octobre 2023 (elle a été retirée après de nombreuses protestations).

Ces propos, qui mettent un lien de causalité, sont révoltants car cela signifierait que les innocents qui ont été enlevés, violés, torturés, brûlés, assassinés le 7 octobre 2023 mériteraient leur sort pour une raison ou un autre. Caroline Fourest, avec raison, a comparé ce raisonnement avec celui de dire qu'une femme aurait mérité d'être violée car elle portait une jupe (qui aurait alors "provoqué" le viol).

Ce qui est étrange, c'est que des journalistes comme Daniel Schneidermann, trop noyés dans leur militantisme propalestinien, ne comprennent pas l'horreur d'une telle phrase. Cet éditorialiste a écrit en effet le 22 avril 2024, dans sa chronique : « Personnellement, je n'aurais sans doute pas écrit les choses comme le tract de la CGT. Parce que j'ai toujours une réticence face aux explications mécanistes de l'Histoire. Parce qu'en dépit de la brutalité meurtrière de la politique israélienne depuis 75 ans à l'égard des Palestiniens, en dépit du génocide en cours à Gaza, je ne peux pas m'empêcher de me souvenir d'où vient ce pays. Un souvenir de plus en plus vacillant, que je dois faire effort pour conserver vivant. Je fais cet effort. Mais je trouve insupportable de ne pas avoir la liberté de l'écrire. ». Sauf que justement, l'emploi même du mot "génocide", qui n'est absolument pas justifié (comme l'a bien confirmé la Cour européenne des droits de l'homme, contrairement à ce qui se raconte), laisserait entendre que le Hamas aurait quand même raison de se battre.

Caroline Fourest a rappelé le massacre du 7 octobre : « C'est quand même ce qui s'est passé le 7 octobre. On a des terroristes du Hamas qui tuent des civils, kibboutzims, des pacifistes israéliens, chez eux, pas en territoires occupés, pas en territoires colonisés, pas dans les colonies disputées, pas à Gaza, chez eux, en territoire israélien, et ils n'ont rien fait. Ils sont violés, découpés en morceaux, et passés à la kalachnikov ou brûlés. (…) Est-ce que c'est violent [de mettre un lien de causalité] ? C'est à la justice de le dire. Est-ce que c'est l'apologie du terrorisme ? Dans le cas de ce syndicaliste CGT, ça a plutôt visiblement été tranché dans ce sens. Mais ce n'est pas un complot politique d'un régime dictatorial qui est en train d'œuvrer. ».

Pour illustrer ses propos, l'essayiste a donné un exemple contraire, celui de l'humoriste Guillaume Meurice qui, le 29 octobre 2023 sur France Inter, avait tenu des propos très limites dans un sketch sur Benyamin Netanyahou (qualifié de « sorte de nazi, mais sans prépuce ») qui ont été classés sans suite le 11 avril 2024 par le parquet de Nanterre (parce que les infractions dénoncées n'étaient pas « suffisamment caractérisées ») : « Il a aussi été convoqué par la police. Il a aussi suivi le cours, ce n'était pas pour apologie du terrorisme mais c'était pour incitation à la haine. Et il a été relaxé parce que, pour le coup, le sketch de Guillaume Meurice, on peut le trouver plus ou moins réussi, on peut trouver que Guillaume Meurice a toujours les mêmes têtes de Turcs (…), mais ce sketch fait partie de la liberté d'expression, totalement. ».

Bref, l'instrumentalisation politique qu'a faite Mathilde Panot de sa convocation ne l'honore pas du tout. On ne s'étonnera pas, avec de telles personnalités politiques, que les électeurs s'éloignent des urnes et laissent ce petit monde s'entre-dévorer tout seul. Heureusement qu'à côté de ces hurleurs professionnels, il y a des personnes responsables qui se préoccupent de l'avenir de la France et de l'intérêt des Français ...comme le Président Emmanuel Macron dont le discours très attendu (attendu en France mais aussi dans le monde) sur l'Europe, qu'il fera jeudi 25 avril 2024 à 11 heures à la Sorbonne, marquera une nouvelle étape.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (23 avril 2024)
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