Champignons : attention aux amanites phalloïdes

par Le Hérisson
lundi 23 octobre 2006

Cet automne 2006 comptera dans les annales des mycophages. Il s’agit en effet d’une année exceptionnelle pour les champignons, et l’on a rarement trouvé autant de cèpes de Bordeaux. Hélas, comme souvent, les intoxications sont aussi de retour. Dans les Deux-Sèvres, une jeune femme, dont on a dû greffer le foie, est tombée dans le coma après avoir mangé une amanite phalloïde.

Dès qu’il voit un champignon dans les bois, voilà la question qui vient immanquablement au néophyte : « Est-ce qu’il est mangeable ? » Or, parmi tous ceux qui poussent à l’automne, on peut retenir que la très grande majorité, au moins 80 % à 90 %, sont inconsommables, soit parce qu’ils n’ont aucune valeur gustative, soit parce qu’ils sont amers avec un goût détestable ou bien encore insipides. Sur la petite minorité qui reste, environ 20 à 30 espèces sont consommables, les plus célèbres étant le cèpe de Bordeaux, la girolle, la trompette de la mort... Enfin, quelques dizaines sont vénéneuses. Les troubles vont du bénin, indigestion, problèmes intestinaux, neurologiques, (hallucinations), etc., jusqu’à la mort. Curieusement, certains champignons n’ont pas la même toxicité partout. L’amanite tue-mouches, par exemple, semble davantage vénéneuse à l’Ouest de l’Europe qu’en Sibérie. Elle était en effet utilisée comme stupéfiant : on fumait la queue du champignon, une fois séchée.

Reconnaître la tueuse

Parmi la petite dizaine de champignons mortels, celle qui fait chaque année le plus de victime est sans conteste l’amanite phalloïde. Comment la reconnaître ? D’abord, comme les amanites, elle possède une volve, à la base du pied, et un anneau. On ne redira jamais assez combien il est important, lorsque l’on connaît mal un champignon, de le ramasser en totalité, base du pied compris. Cela dit, il peut arriver que ces deux signes distinctifs, volve et anneau, disparaissent, par exemple, en cas d’intempérie. L’autre signe permettant de reconnaître la phalloïde est la couleur de son chapeau : brun à olivâtre. Mais, lorsque le champignon est jeune, cette couleur typique n’est pas encore très affirmée. Rappelons enfin que les lamelles sont blanches, le pied est également blanc et peut être teinté aussi de couleur olivâtre. Pour les connaisseurs, les intoxications à ce champignon sont toujours surprenantes car, lorsqu’on en a vu, ne serait-ce qu’une fois, il est difficile de ne pas la reconnaître ensuite. Cependant, elle est responsable de 90 % des intoxications mortelles et seulement 20 grammes peuvent conduire à une issue tragique.

La particularité de l’intoxication phalloïdienne

Outre qu’elle est hautement toxique, une autre raison explique le triste bilan de la phalloïde.

En effet, les troubles gravissimes se révèlent plusieurs heures, parfois jusqu’à deux jours après l’ingestion du champignon. En général, l’intoxication se produit de la manière suivante : dans les premières heures qui suivent le repas, douleurs digestives, assez faibles pour ne pas alarmer la personne intoxiquée. Puis,disparition des troubles. Enfin, dans un délai plus ou moins long, douleurs et symptômes gravissimes, la phalloïde entraînant la mort principalement par la dégénérescence du foie. Lorsque l’intoxication à la phalloïde ne fait plus aucun doute, il est généralement trop tard. En effet, un médecin, le docteur Pierre Bastien, décédé en 2006, s’était fait connaître par un traitement contre l’intoxication phalloïdienne. Comme ses pairs ne parvenaient pas à le croire, Pierre Bastien était venu sur les plateaux de télévision, à partir des années 1970. Il consommait le champignon, jusqu’à 150 grammes, devant les caméras puis ensuite s’appliquait son traitement, à base notamment de vitamine C. Aujourd’hui, son protocole thérapeutique est assez reconnu et appliqué dans les urgences. Il faut rendre hommage au docteur Bastien qui s’est battu, presque seul contre tous, pour faire reconnaître son traitement. Seulement voilà : Pierre Bastien se l’appliquait immédiatement après avoir consommé du champignon. Dans ce cas-là, il est efficace. Mais, hélas, la particularité de l’intoxication phalloïdienne est de se révéler tardivement, et là, même le protocole du Dr Bastien ne peut rien.

Le seul remède vraiment efficace contre la phalloïde est de l’avoir reconnue, ne serait-ce qu’une fois. Nul ne devrait ramasser de champignons sans cette condition, y compris dans les prés. La phalloïde peut être confondue, par exemple, avec les autres champignons à lamelles blanches, comme les lépiotes (coulemelles), pour peu que sa couleur soit délavée. Rappelons également qu’il existe des lépiotes très toxiques, reconnaissables au petit diamètre de leur chapeau (moins de 5 cm). Car les accidents touchent bien plus les néophytes qui ne récoltent qu’une seule espèce en croyant ne jamais se tromper, que les mycologues qui eux en ramassent plusieurs, et qui laissent de côté, sans les détruire car ils sont utiles à l’écosystème, tout champignon douteux.

Documents joints à cet article


Lire l'article complet, et les commentaires