Changements climatiques : les enjeux en quelques mots

par Nicolas Voisin
mercredi 24 mai 2006

"Si la multiplication des évènements climatiques extrêmes n’est pas prouvée, si la mer ne s’élèvera pas de dizaines de mètres, le réchauffement des océans, leur élévation et le déplacement des courants maritimes nous font courir des risques certains." (Sébastien Freudenthal)

Le climat terrestre évolue naturellement de façon cyclique, avec une période dominante d’environ 100 000 ans : ce sont les cycles glaciaires/interglaciaires de Milankovitch.

Cette évolution est due aux variations de 3 paramètres orbitaux :

• l’inclinaison de l’axe de rotation de la Terre (qui oscille sur 4 degrés avec une période de 41 000 ans)
• la rotation de la Terre sur elle-même (précession des équinoxes, période de 20. 00 ans)
• la forme de l’orbite terrestre (excentricité, période de 100 000 ans).

La combinaison de ces paramètres fait rentrer ou sortir d’une glaciation tous les 100 000 ans. Actuellement, nous sommes, depuis 10 000 ans environ, dans une période interglaciaire (chaude).

Ainsi, normalement, dans 60 000 ans, nous devrions nous retrouver dans une période de glaciation, comparable à celle contemporaine de notre ancêtre Cro-Magnon, il y a 20 000 ans, le dernier maximum glaciaire où les températures étaient inférieures de 6 °C en moyenne et le niveau de la mer 120 m plus bas.

Or Aujourd’hui, alors que nous sommes sur un pic « chaud », nous tendons à accentuer ce réchauffement de manière artificielle -non naturelle- par un accroissement de l’effet de serre, dû à notre activité industrielle qui rejette des quantités importantes de CO2 dans l’atmosphère.

L’augmentation des températures d’ici à la fin du XXIe siècle pourrait être supérieure à 6 °C, estimation haute du rapport du GIEC 2001 (Groupement intergouvernemental sur l’Eévolution du climat, regroupement, sous l’égide de l’ONU, depuis 1990, de près d’un millier de climatologues fédérant le travail des différents laboratoires de recherche internationaux).

En effet, certains effets non-linéaires, non pris en compte dans les modèles climatiques, peuvent amplifier le réchauffement et engendrer un cercle vicieux redoutable : la fonte du permafrost, par exemple, commence à libérer et libèrera d’énormes quantités de méthane, gaz à effet de serre plus puissant que le CO2, sans parler d’une hypothétique libération du gigantesque stock de ce gaz actuellement sous forme d’hydrates de méthane au fond des océans (phénomène sans doute responsable, il y a 250 millions d’années, à la fin du Permien, d’une des principales crises de la vie sur Terre qui a vu s’éteindre 90% des espèces marines).

L’enjeu est notamment lié à l’accélération de ces modifications. La rapidité avec laquelle nous avons modifié l’atmosphère au cours des 100 dernières années est sans précédent : nous avons ajouté autant de CO2 dans l’atmosphère pendant cette période que la nature le fait en 10 000 ans, lors d’une transition glaciaire/interglaciaire.

Nous détruisons des puits de carbone qui deviennent ou risquent de devenir des sources de CO2 (déforestation, saturation des océans, etc.).

Le réchauffement climatique, lié au taux croissant de CO2 dans l’atmosphère, n’est pas une hypothèse. C’est une réalité démontrée, sur laquelle les chercheurs travaillent depuis maintenant une bonne vingtaine d’années [ndlr > dans les années 1970, on parlait plutôt d’un refroidissement global - vous verrez plus bas que, pour l’Europe, c’est ainsi qu’il faudrait l’envisager].

Quels en sont ou en seront les conséquences et les dangers ?

Si la multiplication des évènements climatiques extrêmes n’est pas prouvée (même si les soupçons de causalité sont chaque jour plus nombreux - cf. récents articles dans Nature relatifs à la dernière saison cyclonique en Amérique), si la mer ne s’élève pas de dizaines de mètres (de 3 à 6 mètres d’ici un siècle selon des études récentes, ce qui est déjà énorme), le réchauffement des océans, leur élévation et le déplacement des courants maritimes (un ralentissement du Gulf Stream, par exemple, qui protège encore l’Europe de l’air polaire glacial, pourrait générer un refroidissement du climat de l’Atlantique Nord, donc de l’Europe) nous font courir des risques certains.

La faune et la flore ont déjà entamé leur "adaptation", même si ce terme est galvaudé - il vaudrait mieux dire : "La flore souffre déjà du réchauffement (...) et la faune tente de s’adapter" ; exemple des châtaigniers, dans le Sud-Ouest, des chênes de la forêt de Vierzon, ou de la vitesse de migration des insectes vers le Nord ; mais pourront-ils survivre à des modifications aussi rapides du climat ? [ndlr > Hier encore un rapport intergouvernemental dénombrait espèces menacées et en voie de disparition. Les chiffres sont plus qu’alarmants].

Qu’est-ce qui est, à ce jour, incontestable, parmi les probables ou très probables conséquences ?

La température augmente, le taux de CO2 est le plus élevé depuis 800 000 ans minimum, les rendements agricoles sont impactés, de nombreuses terres seront très rapidement submergées. Ceci s’accompagnera de déplacements de populations de grande ampleur.

Par ailleurs, les maladies tropicales se déplacent vers le Nord, la biodiversité est menacée, générant un « effet domino » redoutable et l’impact, ne serait-ce qu’économique, est certain : cela nécessite une remise en cause de nos modèles, donc une véritable volonté politique, industrielle comme individuelle.

Nous sommes en train, par notre action, de modifier tragiquement le climat, et cela de manière irréversible. C’est dans l’accélération inédite de ces modifications que se joue notre avenir, tout autant que notre mode de vie.

Au-delà, le risque est enfin que cette situation, devenant explosive, nous conduise tout droit vers de nouvelles guerres...


Légendes des graphiques :

1 et 2- Changements de température depuis 1000 ans et courbe de la concentration de CO2 dans l’atmosphère (source > La Liste à Suivre)

3- Statistiques sur les catastrophes naturelles (source).


Note : Cet article constitue une synthèse co-écrite par Sébastien Freudenthal et Nicolas Voisin, amendée par jcm, qui décrit simplement et clairement l’état des lieux sur l’un des plus grands enjeux contemporains. Elle est la première qui fait suite au séminaire Freemen qui a eu lieu, les 13 et 14 mai derniers, en Dordogne.


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