L’Afrique et le réchauffement climatique

par TSAKADI Komi
jeudi 2 novembre 2006

A la veille de la Conférence des Nations unies sur le climat, qui se tiendra du 6 au 17 novembre prochains, à Nairobi (Kenya), plusieurs rapports sont publiés ou remis à l’ordre du jour, venant corroborer le constat fait par Al Gore, l’ancien vice-président américain, dans son documentaire (« Une vérité qui dérange ») sorti en France le 11 octobre, sur la catastrophe que va représenter le réchauffement de la planète en raison de l’augmentation des émissions de gaz à effet de serre dans l’atmosphère.

Afrique : continent vulnérable

Pour ce qui concerne l’Afrique, où il a peu de pays industriels émetteurs de gaz à effet de serre mais plusieurs pays appauvris, le rapport[1] « Africa-up in smoke 2  ? » d’un groupe sur le changement climatique et le développement[2] publié en octobre 2005, se basant sur des données scientifiques, affirme que le climat y serait déjà de 0,5 degré centigrade plus chaud qu’il y a cent ans. Ce même rapport estime que la hausse des températures sera deux fois plus élevée dans plusieurs régions dudit continent qu’ailleurs, que les sécheresses vont s’y étendre et le climat y devenir de plus en plus imprévisible.

Un exemple palpable est le lac Tchad, l’un des plus grands de la planète, dont le niveau d’eau a baissé drastiquement pour ne couvrir actuellement qu’un dixième de la surface de 1963, avec pour conséquence l’augmentation des risques de conflits liés à la gestion de l’eau.

Selon un rapport publié au début juin 2005, signé entre autres par la Banque mondiale, l’Union européenne et la Banque africaine de développement (BAD) : « Les changements climatiques pourraient augmenter la présence de certaines maladies dont la malaria, le choléra et la dysenterie. Ils pourraient aussi entraîner une baisse quantitative et qualitative de l’eau et aggraver le problème de la sous-alimentation en Afrique.  »

Le dernier rapport annuel de la FAO publié le 30 octobre dernier, intitulé « L’état de l’insécurité alimentaire dans le monde (SOFI 2006) », explique qu’il y a aujourd’hui 820 millions d’êtres humains victimes de sous-alimentation dans les pays en développement, contre 800 millions en 1996, et que l’Afrique subsaharienne compterait 179 millions d’affamés, soit plus du double de l’objectif fixé par le Sommet mondial de l’alimentation (SMA) qui s’est tenu à Rome il y a dix ans, et qui promettait de réduire de moitié le nombre de personnes sous-alimentées dans le monde d’ici à 2015.

L’Afrique n’est pas en mesure de faire face à cette catastrophe que représenterait le réchauffement climatique et qui pourrait coûter à l’économie mondiale jusqu’à 5,5 trillions d’euros, selon le rapport Stern, du nom de l’ancien chef économiste de la Banque mondiale, publié lundi dernier. Selon ledit rapport, l’humanité devrait dépenser 1% du PIB annuel de la planète, soit 275 billions d’euros, sous peine de voir le coût du réchauffement climatique être de 5 à 20 fois plus élevé. Il faudrait, comme proposé dans ledit rapport, que les gouvernements occidentaux prennent des mesures radicales.

Monsieur Breton, ministre français de l’économie et des finances, répondant à une question à l’Assemblée nationale mardi dernier sur le réchauffement climatique, a expliqué que « ...la France est en effet aux tout premiers rangs pour ce qui concerne les émissions de dioxyde de carbone par habitant, avec un taux inférieur de 40 % à la moyenne mondiale. [...] Elle s’est en outre clairement engagée à respecter les exigences de Kyoto et l’étape de 2012.  »

Tony Blair plaide pour un accord post-Kyoto qui inclurait les principaux pays émergents tels que la Chine et l’Inde, ainsi que les Etats-Unis (premier émetteur mondial de gaz à effet de serre mais ayant refusé de ratifier le protocole de Kyoto, conclu en décembre 1997 et entré en vigueur en février 2005, et qui impose des réductions d’émissions des gaz à effets de serre).

Le Canada, pour sa part, s’est engagé à demander, lors de la Conférence de Nairobi, une révision complète du protocole de Kyoto.

Des promesses pour aider l’Afrique à faire face au réchauffement climatique non tenues

Des propositions fermes avaient été faites lors du dixième anniversaire du Sommet mondial de la Terre à Johannesburg (Afrique du Sud) en 2002. A cette occasion, les gouvernements s’étaient mis d’accord sur une assistance aux pays africains au sujet du changement climatique. Un Plan d’action de Johannesburg s’engageait entre autres à :

• « aider les pays africains à mobiliser des ressources suffisantes en vue de répondre à leurs besoins d’adaptation face aux effets préjudiciables des changements climatiques, des conditions météorologiques exceptionnelles, à l’élévation du niveau de la mer et à l’instabilité du climat, et aider à établir des stratégies nationales concernant les changements climatiques et des programmes en vue d’atténuer leurs effets au niveau national... » (paragraphe.56 (k))

• « apporter une assistance technique et financière aux pays africains en vue de renforcer leurs moyens institutionnels et humains, notamment à l’échelon local, pour une gestion efficace des catastrophes, y compris en matière d’observation et d’alerte rapide, d’évaluation, de prévention, de planification préalable, d’intervention et de secours » (paragraphe.59 (a))

Mais, ces promesses ne sont pas tenues. Et pourtant lors de la Conférence mondiale sur la réduction des catastrophes de janvier 2005, les gouvernements l’ont reconnu : « En Afrique, les catastrophes constituent un obstacle majeur aux efforts du continent pour parvenir au développement durable. »

Le rapport « Africa-up in smoke 2 » désigne l’Afrique comme «  le continent le plus vulnérable aux effets prévus du changement car le niveau de pauvreté générale y restreint les possibilités d’adaptation ». Est-il souhaitable que les gouvernements africains participent au système d’échange de crédits de pollution, même si le rapport Stern affirme qu’un tel mécanisme est essentiel à une réduction rapide des émissions polluantes ?

La conférence de Nairobi va-t-elle déboucher sur des mesures concrètes pour limiter l’émission de gaz à effet de serre dans l’atmosphère, afin d’éviter la catastrophe prévue, l’Afrique devant être le continent le plus vulnérable et le plus pénalisé ?

Komi TSAKADI



[1] http://www.iied.org/pubs/pdf/full/10005IIED.pdf (résumé en français)

[2] Ce groupe comprend ActionAid International, Birdlife International, CAFOD, The Catholic Institute for International Relations (CIIR), Christian Aid, Columban Faith and Justice, IDS (Institute of Development Studies), IIED (International Institute for Environment and Development), Friends of the Earth, Greenpeace, Medact, nef (new economics foundation), Operation Noah, Oxfam, People & Planet, Practical Action (ancien ITDG), RSPB, Tearfund, teri Europe, WWF and WaterAid.


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