L’hydrogène, Zorro du climat et de l’énergie ?

par Dominique Bied
vendredi 1er septembre 2006

Cet article a pour but de démontrer, à partir de l’exemple de l’hydrogène présenté comme une alternative crédible aux carburants fossiles, que la résolution de nos problèmes environnementaux, économiques et sociaux actuels ne passe pas par une mutation de matières premières énergétiques, mais par une optimisation de nos consommations, c’est-à-dire en fait par une diminution.

L’enjeu énergétique et climatique est majeur, et nos gouvernants actuels sont très loin de prendre les mesures qui s’imposent pour rendre notre pays efficace.

Le principal danger qui menace n’est pas macroéconomique, pour le moment seulement, mais social. En effet, les pays producteurs de pétrole recyclent leur argent dans l’achat de biens et de services dans les pays consommateurs, et dans l’achat d’actifs financiers, ce qui permet de maintenir des taux d’intérêt bas. Il n’y a qu’aux Etats-Unis que ces investissements ne compensent pas la hausse de la facture pétrolière, car les taxes sur les carburants sont faibles, mais ce phénomène ne pèse pas encore assez sur la croissance américaine. L’économie, tant que celle-ci ne souffre pas trop, continue de tourner à un bon rythme.

Par contre, le risque majeur est social, c’est donc la démocratie même qui est en danger. En effet, le pouvoir d’achat des 15 millions d’actifs gagnant moins de 1250 euros nets en France va souffrir de plus en plus. 

Qu’en est-il de l’hydrogène comme carburant ?

Pour tenir un raisonnement correct sur cette question, il ne faut jamais oublier que la dimension "temps" est essentielle. C’est-à-dire : combien de temps avons-nous pour éviter que les émissions de gaz à effet de serre ne s’emballent, dans combien de temps pourrons-nous monter en volume la production de nouveaux systèmes, sachant que le délai de pénétration dans l’ensemble du parc automobile est de vingt ans environ ?

On voit que l’hydrogène ne représente pas la solution espérée pour réduire les émissions de carbone.

D’autant que la production d’hydrogène peut ne pas être neutre au niveau des émissions de gaz à effet de serre, le CO2 en particulier.

Soit on produit à partir d’hydrocarbures, par exemple le méthane, auquel cas on produit du gaz carbonique, donc on attise l’effet de serre. Le tableau suivant vous donne les émissions de gaz à effet de serre en grammes par km du puits jusqu’à la roue de la voiture (source IFP).

On voit que l’hydrogène comprimé produit à partir du gaz naturel (méthane), émet tout de même 108 g de CO2 par km. Etant donné que nous allons allègrement vers un milliard de véhicules dans le monde, on voit que l’hydrogène n’est pas la panacée.

La deuxième façon de produire de l’hydrogène est de casser la molécule d’eau. Pour cela, il faut beaucoup d’électricité. Là, il faut avoir un chiffre en tête. Chaque fois que vous parcourez un seul kilomètre avec votre voiture, vous consommez 1 kWh d’énergie. Il faut donc produire au moins cela pour faire tourner nos automobiles.

Une voiture parcourt, dans notre mode de vie moyen occidental, 15 000 km par an. Si toutes les voitures du monde font cela, cela nous mène à 15 000 milliards de kWh, et il faudrait plusieurs milliers de centrales nucléaires pour produire cette électricité.

C’est là que la dimension temps intervient. Selon les chercheurs qui travaillent sur la question du permafrost dans les latitudes du Grand Nord, la fonte de celui-ci pourrait provoquer l’émission dans l’atmosphère d’une partie des 450 milliards de tonnes de carbone (méthane plus gaz carbonique) dans l’atmosphère d’ici 2020.

Ceci aurait pour conséquence de provoquer un effet d’emballement du réchauffement. Il faut savoir que l’humanité entière émet aujourd’hui 7 tonnes de carbone dans l’atmosphère par an. De plus, nous devons (c’est un objectif gouvernemental) réduire nos émissions de gaz à effet de serre d’un facteur 4 d’ici 2050, et il est fort probable que nous devrions aller plus vite si les hydrates de gaz réémettent massivement du carbone dans l’atmosphère, comme je le disais plus haut.

Or, il faut à peu près une vingtaine d’années pour qu’une nouvelle technologie arrivée à maturité technique pénètre totalement le parc automobile. On voit donc que le travail sur le carburant et les moteurs est très insuffisant, au regard des enjeux. Ce n’est donc pas là que se trouve la solution.

La seule vraie solution, c’est de mieux organiser nos mobilités (voir mon article dans le blog transports de cap21 sur "fordisme et mobilité" et l’article "changer l’usage de l’automobile"). Bref, il faut d’abord mettre de l’intelligence dans notre mobilité, arrêter les gaspillages, et en parallèle agir sur les carburants et les moteurs, mais ceux-ci ne feront gagner que 30% sur les émissions de gaz, pas un facteur 4. Donc pas de faux espoirs sur la pile à combustible. Travaillons sur l’organisation de nos modes de vie, comme une entreprise travaille sur son organisation du travail, avant d’investir dans une inflation de machines, de technologies nouvelles et de routes.


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