Les chats fourrés au chat de gouttière

par gordon71
lundi 27 mai 2013

J'ai eu la chance de passer les vingt premières années de ma vie à la campagne, à une époque où l'on prenait encore le temps de parler, de discuter et de raconter ; voici une petite histoire que je tiens d'un vieux maréchal ferrant aujourd'hui disparu.

Du temps de mes vaches grasses, j'avais deux chevaux, un AQPS que j'avais acheté à une amie éleveuse amateur, et un petit arabe aussi beau que doux et affectueux.

L'entretien des deux équidés comportait un ferrage tous les trois ou quatre mois et c'est Marius un maréchal ferrant en fin de carrière qui venait avec sa camionette et sa forge portative, tailler et ferrer les deux bestiaux.

Marius ferrait à la française, ce qui signifie qu'il ne tenait pas les pieds des chevaux et qu'il avait besoin d'un aide, moi en l'occurrence pour tenir les sabots. C'est ainsi que nous passions deux bonnes heures à déferrer, curer, rogner, parer, chauffer les fers, les mettre en forme, les ajuster, clouter, river, puis limer, pour offrir aux deux destriers deux paires de chaussures neuves.

C'était également l'occasion pour nous de deviser, de parler tout en travaillant, Marius étant intarissable, après une carrière de presque cinquante années de ferrage.

C'était un personnage : chasseur, pêcheur, braconnier à ses heures, un peu maquignon dans le commerce de chevaux, coureur de jupons, également, amateur de bonne chère et de petit blanc sec, il était de plus conteur et je crois un peu inventeur d'histoires, sur sa vie son travail, et relatait tout un tas d'anecdotes savoureuses.

Ainsi il me raconte un jour cette histoire de chats et de gendarmes.

Dans son village, où il était connu pour faire les quatre cent coups, il reçoit un jour la visite des gendarmes, qui viennent frapper à sa porte ; en effet quelques voisins du quartier sont allés se plaindre que leurs chats avaient disparu, et avaient suggéré que les responsables pourraient bien être Marius et ses copains chasseurs qui avaient sans doute fait un carton sur les greffiers, un jour de désoeuvrement.

Il se trouve que ce jour là, les copains sont justement ensemble, et sont en train de déguster un petit Macon, en grignotant un peu de charcuterie apportée par l'un des compères, exerçant le noble art de charcutier.

Toute l'assemblée, Marius en tête, nie farouchement être les auteurs du carnage de félins, arguant de leur profond respect pour ces petits animaux, de leur goût prononcé pour le respect de la loi et des ses représentants, , et leur incapacité fondamentale à faire du mal à qui que ce soit.

Philosophant sur la méchanceté de notre époque et la tristesse que lui inspirait à la fois le destin tragique des minous, et la délation des voisins, Marius propose aux gendarmes de ne pas partir sans partager le verre de l'amitié, ce qu'acceptent volontiers les deux pandores après un premier refus de politesse.

Tout ce petit monde trinque donc en levant son verre de Saint Véran, Marius n'ayant pas son pareil, pour détendre l'atmosphère par un bon mot ou une gauloiserie.

Au deuxième verre -pour ne pas partir sur une seule jambe- Marius propose aux pandores, un peu de charcuterie, une terrine concoctée la veille par l'ami charcutier ; après s'être un peu fait prier, les deux brigadiers prennent une morceau du pâté accompagné d'une tranche de pain et savourent en connaisseurs, félicitant l'artisan pour l'excellence de son oeuvre, puis ils repartent, tout le monde se souhaitant bonne continuation, et en espérant que les assassins de chats soient vite démasqués.

C'est ainsi, concluait mon ami Marius, en s'esclaffant "que j'ai fait manger de la "terrine de chat", à deux poulets.


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