Bye Bye Brooke…

par Pale Rider
lundi 19 avril 2021

À elle seule, elle faisait une magnifique publicité à CNN. La belle Brooke Baldwin, anchor sur le Cable News Network, a fait ses adieux le 14 avril dernier. Tout le monde ici s’en fout, sauf moi.

En novembre 2020, souhaitant avoir des nouvelles minute par minute de l’élection présidentielle si palpitante entre Joe Biden et Donald Trump, j’ai eu l’idée de me brancher sur les États-Unis. CNN s’est révélé être le média le plus accessible, aussi bien sur ordinateur que sur Smartphone. Je n’ai pas tardé à me familiariser avec quelques anchor, c’est-à-dire ces journalistes qui détiennent un créneau pour un show dont ils sont le patron ou la patronne pendant une ou deux heures. Il y a de respectables messieurs souvent grisonnants, un noir de service, et quelques belles femmes au brushing impeccable, mais qui tiennent davantage du Musée Grévin que du journalisme live, quelles que soient leurs compétences par ailleurs.

Dame de cœur

 Et puis, il y eut elle. En soirée en France, de 20 heures à 22 heures, six heures de moins eastern time, « l’un des visages les plus reconnaissables sur CNN », a-t-on pu lire. De longs cheveux blonds coiffés d’une manière légèrement « sauvage » (plus à la française), des pommettes bien saillantes, un regard vif, un visage si mobile que la dame est très difficile à saisir en capture d’écran. Très vite, elle a fini par devenir mon amie – artificielle, évidemment ; on n’a pas élevé les cochons ensemble –, pas seulement parce qu’elle était fort agréable à regarder mais parce qu’elle semblait mettre du cœur à l’ouvrage et sympathiser avec ses interlocuteurs, que ce soit pour se réjouir ou pour partager une tristesse.

 En 2008, elle s’était présentée à CNN, au culot, et on lui avait proposé de remplacer quelqu’un au pied levé pendant une semaine. Sans doute son talent, son humour, son dynamisme et sa beauté ont-ils fait le reste : l’essai a duré treize ans. (1)

 Avec elle, j’ai suivi l’attaque du Capitole et ses suites, ainsi que l’étalage des turpitudes de Trump envers lesquelles elle ne faisait aucun effort de neutralité, les retombées de l’élection de Biden et les premières décisions du nouveau président, le déferlement du Covid dont elle avait été l’une des premières victimes, rudement atteinte mais parfaitement remise, les tueries de masse devenues habituelles, les scandales sexuels en politique, le procès de Derek Chauvin – le flic assassin de George Floyd dont le procès se conclut cette semaine –, puis l’assassinat de Daunte Wright par une policière incapable de distinguer entre son Taser et son flingue, le petit gamin abattu par un policier à Chicago, et enfin la mort du Prince Philip pour se détendre un peu, si je puis me permettre.

 Brooke, que ses correspondants et correspondantes aimaient appeler par son prénom, et dont certains exprimeront leur émotion de la voir partir, a mis fin elle-même à sa carrière sur CNN afin d’aller finir un livre sur les femmes qui se battent pour être aussi bien considérées que les hommes. Elle n’a mouillé personne à l’antenne mais a fait comprendre, ailleurs, que les mecs se taillaient la part du lion sur les plateaux de CNN et qu’avoir été évincée de la couverture de l’élection présidentielle au profit de son collègue Jack Tapper était une pilule mal digérée. Elle dit qu’elle fait un plongeon dans le vide, qu’elle n’a pas de boulot mais que, à 41 ans, elle a envie de « sortir de sa zone de confort » et de tenter une nouvelle aventure. On ne se fait pas de souci pour elle. Il semble que son salaire ait quelques zéros de plus que le mien ; son intelligence et son charme feront le reste.

So long and good luck…

 Je vais donc revenir davantage à la télé française et à mes livres, puisque j’ai perdu mon amie d’outre-Atlantique. En ce moment, Covid aidant, des gens se passionnent pour des personnages de séries comme si leur vie en dépendait. À 6 000 kilomètres de moi, Brooke, au moins, avait quelque réalité. Ceci était juste un petit hommage sans prétention à une belle journaliste qui savait admirablement parler et faire parler d’un monde de brutes.

 

1- Si certains étaient tentés de persifler, je signale que l’auteur de ces lignes, pris à l’essai pour un mois, a finalement fait vingt-cinq ans de radio, sans avoir à se compromettre. Il n’y a donc rien de louche là-dessous.


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