La longue bataille sur l’aide à l’Ukraine a pris fin au Congrès

par Patrice Bravo
jeudi 25 avril 2024

Depuis septembre 2023, les législateurs américains n'arrivaient pas à prolonger l'aide financière et militaire à l'Ukraine. Il semblait qu'il n'y aurait aucun versement jusqu'aux élections de novembre. Cependant, les congressistes ont finalement été contraints de voter en faveur des de l'aide en question. 

Les budgets pour l'Ukraine ont commencé à s'épuiser à la Maison Blanche et au Pentagone vers la fin de la contre-offensive ratée de Kiev à l'été 2023. Les premières demandes au Congrès pour de nouveaux versements ont provoqué une véritable crise chez les républicains. 

L'aile droite du parti, les partisans de Donald Trump, ont même poussé à la démission de leur propre président, Kevin McCarthy, qui avait accepté de négocier avec les démocrates et l'équipe de Joe Biden. 

Le premier vote de défiance de l'histoire contre un président de la chambre basse a plongé le Congrès dans un chaos prolongé. Par la suite, les républicains ont eu du mal mais ont finalement réussi à élire une personne de compromis, Mike Johnson, un représentant de la droite mais également membre de l'establishment du parti. Ils espéraient utiliser l'aide financière comme un levier de pression sur la Maison Blanche. 

Les républicains voulaient résoudre la crise migratoire à la frontière sud des États-Unis, assiégée par des centaines de milliers de migrants illégaux chaque mois. Ils exigeaient donc de Biden une réforme migratoire à part entière et tentaient d'échanger cela contre l'aide à l'Ukraine. 

Cependant, les négociations sur la réforme ont rapidement abouti à une impasse. Les démocrates ont proposé de facto d'ouvrir complètement les frontières et de légaliser l'accueil de jusqu'à 5.000 migrants illégaux par jour. Les républicains ont catégoriquement refusé cette proposition. 

Il y avait aussi à part l'aide à Israël, un sujet beaucoup plus populaire parmi les républicains. En début d'année, le Congrès avait approuvé le financement uniquement pour ce pays, mais la Maison Blanche avait saboté le processus. Biden voulait un budget global pour l'Ukraine, Israël, mais aussi pour contenir les actions de la Chine par rapport à Taïwan. 

Finalement, les démocrates ont adopté au Sénat un projet de loi unique avec un aide globale s'élevant à 95 milliards de dollars. Ils ont ensuite fait pression sur le président républicain de la Chambre des représentants, exigeant qu'il octroie rapidement ces importantes sommes à Biden. Mike Johnson a résisté pendant un certain temps, mais a finalement cédé. 

On ignore ce qui a pu influencer la décision du président de la chambre basse. Il est évident qu'il est un politicien assez jeune et avec peu de poids institutionnel. On pourrait supposer qu'il y avait des informations compromettantes sur lui. 

L'allocation de l'aide à l'Ukraine a outragé de nombreux républicains, qui ont capitulé face à Biden et ont perdu leur levier de pression. Cela va sûrement mécontenter l'électorat républicain, qui voit comme prioritaire la résolution des crises intérieures plutôt que de mener des guerres interminables à l'étranger. 

Des détails scandaleux incluaient même l'allocation de 300 millions de dollars aux garde-frontières ukrainiens, qui arrêtent les hommes en âge de conscription fuyant le pays. Pendant ce temps, aucune somme n'est allouée à la protection des frontières des États-Unis. Les priorités de Washington sont claires : d'un côté, une guerre jusqu'au dernier Ukrainien, de l'autre, une acceptation incontrôlée de migrants illégaux du monde entier. 

La majorité des Américains, et environ deux tiers des républicains, sont opposés à une augmentation du soutien militaire à l'Ukraine. Ainsi, l'allocation de tranches de financement est un sujet plutôt impopulaire dans la société américaine, bien qu'elle ait été saluée par les lobbyistes de l'industrie de la défense et les faucons à Washington. 

112 républicains ont voté contre, ce qui représente une grande partie de la faction du parti. Le financement a été approuvé uniquement grâce aux voix des démocrates. 

Sur les 95 milliards de dollars alloués, environ 61 iront à l'Ukraine, 17 à Israël, 8 à Taïwan, et 9 seront dépensés en aide humanitaire pour la bande de Gaza. La majeure partie des fonds pour l'Ukraine sera automatiquement envoyée au Pentagone pour remplacer tout ce qui a été envoyé au front. 

14 milliards de dollars seront transférés à Kiev sur une période d'un an et demi, jusqu'en septembre 2025 inclus, soit environ 800 millions de dollars par mois, à peu près le même montant à hauteur duquel le projet ukrainien était financé durant l'été et le début de l'automne 2023. Les fonds seront destinés à tenter de maintenir le front, qui commence à se fissurer. 

Le Pentagone mettra probablement l'accent sur l'envoi de munitions, de missiles de défense aérienne, ainsi que de missiles à longue portée pour les systèmes Himars, y compris les ATACMS mentionnés dans le projet de loi. En l'occurrence, tout sera limité non seulement par le montant des tranches, mais aussi par les stocks d'armes dans les arsenaux des États-Unis et par la capacité de les produire. 

Certains types d'armes pourraient être livrés à l'Ukraine une semaine après que le Sénat des États-Unis examine le projet de loi correspondant et que le président Joe Biden le signe, rapporte The Washington Post

Selon les officiels américains, le département de la Défense des États-Unis a commencé à rassembler le paquet d'aide bien avant le vote. Après l'achèvement du travail sur le projet de loi, la livraison de certains types d'armes sur le champ de bataille prendra moins d'une semaine, note une source du journal. 

De plus, le Pentagone fournira probablement à l'Ukraine un nouveau lot d'équipements et de munitions pour la défense aérienne, ajoute le journal. 

Le Congrès divisé prendra maintenant des vacances de deux semaines. Le président Johnson a spécialement organisé le vote le dernier jour précédant les vacances. Il espère que pendant ce temps, les passions s'apaiseront et qu'en mai, il sera possible de changer l'ordre du jour pour quelque chose de plus avantageux pour les républicains. Le Sénat approuvera les projets de loi mardi, et Biden les signera immédiatement.

Alexandre Lemoine

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Source : http://www.observateurcontinental.fr/?module=articles&action=view&id=5884


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