Le nouveau variant B.1.1.529 et ses multiples modifications

par Bernard Dugué
vendredi 26 novembre 2021

 La situation a été jugée suffisamment « sérieuse » pour que l’OMS se penche sur la question et que nombre de pays suspendent leurs vols avec l’Afrique du Sud. Sur le site de France Info on peut lire : « Potentiellement très contagieux et aux mutations multiples, un nouveau variant du Covid-19 a été détecté en Afrique du Sud, ont annoncé des scientifiques, jeudi 25 novembre. Le variant B.1.1.529 présente un nombre "extrêmement élevé" de mutations et "nous pouvons voir qu'il a un potentiel de propagation très rapide", a déclaré le virologue Tulio de Oliveira, lors d'une conférence de presse en ligne chapeautée par le ministère de la Santé »

 

 Inquiétant ou pas, nul ne peut le dire tant qu’une étude de transmission et une recension clinique n’a pas été réalisée. Pour l’instant, on commentera les substitutions de ce variant, qui ont été publiées le 23 novembre par Thom Peacock avant qu’un nom de code ne lui soit attribué. Quatre génomes ont été séquencés. On peut voir quelque 30 modifications sur la protéine Spike (substitutions mais aussi délétions et insertion), ce qui considérable comparé à la moyenne des quelque 10 substitutions observées sur les variants ayant circulé, le delta étant inclus dans la liste. Voici la carte de visite du variant nommé maintenant B.1.1.529

 

Countries circulating : Botswana (3 genomes), Hong Kong ex S. Africa (1 genome, partial)

Conserved non-Spike mutations - NSP3 – K38R, V1069I, Δ1265/L1266I, A1892T ; NSP4 – T492I ; NSP5 – P132H ; NSP6 – Δ105-107, A189V ; NSP12 – P323L ; NSP14 – I42V ; E – T9I ; M – D3G, Q19E, A63T ; N – P13L, Δ31-33, R203K, G204R

Conserved Spike mutations - A67V, Δ69-70, T95I, G142D/Δ143-145, Δ211/L212I, ins214EPE, G339D, S371L, S373P, S375F, K417N, N440K, G446S, S477N, T478K, E484A, Q493K, G496S, Q498R, N501Y, Y505H, T547K, D614G, H655Y, N679K, P681H, N764K, D796Y, N856K, Q954H, N969K, L981F

 

 Que peut-on en déduire ? Parmi les mutations externes à Spike, on retrouve les deux mutations du variant historique 19B, avec la D614G et la P323L située sur la Nsp12 (polymérase virale). Puis les deux substitutions sur la protéine N de la nucléocapside, R203K et G204R, ce qui signe une filiation à partir du clade 20B apparu pendant l’hiver 2020. Ensuite, on suivra les trois substitutions sur la protéine membrane M, ce qui est assez singulier, car sur les variants précédents, on observe aucune ou une seule substitution. Passons maintenant à la protéine qui inquiète et qui pique, Spike.

 

 Sur Spike, on n’observe pas la L452R caractéristique du delta. En revanche, d’autres substitutions sont connues, notamment 477, 478, 484. La N501Y caractéristique du variant alpha est aussi présente, ainsi que la substitution sur le code furine, P681H, elle aussi présente sur le variant alpha. Ce qui inquiète, ce sont les multiples substitutions sur le RBD, domaine de liaison (333 à 527) et au sein même du RBD, le RBM, partie centrale qui interagit directement avec le récepteur ACE2 (438 à 506). Sur le RBM, on ne compte pas moins que quatre substitutions basiques, 3 lysines K et une arginine. Ces acides basiques renforcent l’électropositivité du domaine et donc son accroche au récepteur. De plus, on note la N679K, à suivre de près car elle touche et peut-être même change le code furine, dont on connaît le rôle dans la contagiosité spécifique au SARS-CoV-2 et qui est absent sur le SARS-CoV de 2002. Le « motif » furine du virus historique est NSPRRARS, il deviendrait alors RSHRRARS, à suivre donc pour les modélisateurs car de plus la proline (qui crée des cassures dans la structure) a disparu au profit d’une histidine. A noter, aucune substitution sur le second code lu par la TMPRSS2 (ainsi que la cathepsine) et responsable de la pénétration endosomale du virion.

 

 Last but not least, la question qui fâche ou inquiète, sur la contagiosité et surtout l’échappement immunitaire. Les éléments disponibles penchent en faveur d’une contagiosité accentuée, à observer en multipliant les séquençages. L’agressivité de ce variant reste à observer également, il pourrait être plus ou moins générateur de formes graves. L’échappement immunitaire peut être envisagé en faisant tourner les modèles informatiques capables de voir l’impact épitopique des substitutions, notamment sur le NTD, partie N terminale reconnue par les anticorps.

 

 Conclusion ; wait and see

 

 Ici la carte de visite du nouveau variant

https://github.com/cov-lineages/pango-designation/issues/343

 Une étude roborative sur les autres variants

https://www.nature.com/articles/s41591-021-01472-w

 


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