Le Omicron pourrait être un nouveau virus, un SARS-CoV-3

par Bernard Dugué
vendredi 17 décembre 2021

 1) Le virus détecté en Afrique du Sud et baptisé variant Omicron pourrait être en réalité un nouveau virus bien plus qu’un variant du Sars-CoV-2 comme cela fut annoncé par la communauté scientifique. Le nombre très élevé de modifications sur la protéine Spike penche en faveur de l’hypothèse d’un nouveau virus dont les effets cliniques (à confirmer) seraient sensiblement différents des symptômes causés par les variants du SARS-CoV-2, y compris le Delta. On dénombre plus de 30 modifications, composées pour l’essentiel de substitutions d’acides aminés, puis de trois délétions et surtout une insertion de trois résidus dans le NTD (214_EPE). Le domaine de liaison RBD concentre quelque 15 substitutions, ce qui est énorme, comparé aux autres variants qui n’en possèdent que 3 en moyenne et pour le delta, seulement 2 dont la fameuse L452R. Les modifications sur la protéine Spike sont décisives, elles déterminent le tropisme d’un coronavirus, son réservoir. La protéine Spike est composée de quelque 1300 résidus. En comptant les délétions et l’insertion, on a quelque 36 résidus modifiés, soit 2.7% du total. Lorsque le Sars-CoV-2 est apparu, les virologues ont noté une parenté du virus avec la souche RaTG13 de chauve-souris. Le séquençage a donné une divergence nucléotidique de 2.6 % pour le gène de la protéine S (Srinivasan, 2020). Ce qui signifie que le taux de modification observé sur S traduit une distance entre Omicron et les variants SARS-CoV-2 aussi élevée qu’entre le SARS-CoV-2 de Wuhan et la souche de chauve-souris RaTG13. Ce qui est un élément pour considérer le Omicron comme une nouvelle souche et non pas un simple variant. A noter aussi les trois substitutions inattendues sur la petite protéine M, qui signent aussi la spécificité du virus Omicron.

 

 2) Les changements de réservoir ou de tropisme viral sont des événements assez bien documentés et du reste étudiés dans les expériences de gain de fonction. Il suffit d’un nombre limité de substitutions pour modifier la transmission d’un virus au sein d’une espèce ou alors depuis une espèce vers une autre. Ces phénomènes ont été observés pour le virus H5N1 de la grippe aviaire. Les coronavirus sont eux aussi connus pour réaliser des sauts d’espèces. Quelques mutations sur Spike suffisent à faire passer un coronavirus des félins aux canidés. Des sauts de tropismes intra-espèce sont aussi documentés. Un coronavirus porcin respiratoire peut devenir entérique avec quelques mutations qui le rendent fatal pour les élevages de porcelets. Il n’est pas exagérer de dire que c’est le tropisme qui définit un virus, ainsi que son réservoir, limité à une espèce ou alors pouvant être composé d’une dizaine d’espèces voire plus, ce qui est le cas pour le nouveau coronavirus apparu à Wuhan en 2019.

 

 3) Le virus Omicron est profilé pour générer un changement de fonction. Avec les nombreuses mutations sur le domaine de liaison à l’ACE accompagnées d’une altération du code furine avec un acide aminé basique supplémentaire, N679K et la mutation P681H observée sur le variant alpha. Le « motif » furine du virus historique est NSPRRARS, il deviendrait alors KSHRRARS. L’influence de cette mutation n’a pas encore été étudiée. Ce changement peut se traduire par un gain ou une perte en contagiosité mais aussi une altération du tropisme. S’il se confirme que ce virus Omicron s’accroche moins aux tissus pulmonaires, ce serait évidemment une bonne nouvelle, signifiant alors que ce virus produit beaucoup moins de pneumonies atypiques. D’ici un mois, les cliniciens pourront confirmer la tendance observée pour une souche apparemment bien moins agressive que le variant Delta.

 

 4) Bien évidemment, l’apparition du virus Omicron n’a pas d’explication. La thèse du patient immunodéprimé est un peu facile. Mais elle est consistante avec la possibilité d’une recombinaison chez un patient infecté par deux virus. Ce genre de procédé est assez bien documenté pour les coronavirus. Une autre option peu étudiée implique une infection d’un réservoir animal par l’homme puis la fabrication d’un nouveau virus capable d’infecter l’homme et d’être transmissible d’humain à humain. Bref, un remake de ce qui aurait pu se produire à Wuhan fin 2019. Recombinaison certes, mais la filiation du virus ne fait que peu de doute. Les mutations P681H et N501Y sont la marque de fabrique du variant alpha. Le Omicron aurait sans doute émergé lors d’une recombinaison ou d’un spill over interespèces pendant l’hiver 2021, quand le variant alpha circulait.

 

 5) Seule une étude clinique à grande échelle saura indiquer s’il se confirme que le Omicron est une nouvelle souche comme le suggère la carte de visite moléculaire du virus. Quelques résultats préliminaires obtenue à Hong Kong laissent transparaître un tropisme altéré, traduit par une multiplication virale accrue dans les voies supérieures et les bronches, avec une charge virale encore plus élevée que pour le Delta ce qui explique la transmission accrue. En revanche, le Omicron infecte bien moins les poumons, ce qui explique l’agressivité atténuée et une létalité 5 à 8 fois moindre que pour le Delta. D’éminents représentants de la médecine sud-africaine n’hésitent pas à évoquer une maladie le plus souvent bénigne causée par la souche Omicron (voir lien plus bas). Dernier point sensible, la réaction immunitaire face à l’infection par le Omicron et les premiers résultats montrant que les vaccins contre le SARS-CoV-2 ont une efficacité réduite, mais boostée en cas de troisième dose de rappel. Par ailleurs des infections par le Omicron ont été observées sur des patients ayant contracté le variant Delta. Des résultats complémentaires conséquents sont nécessaires pour apprécier l’impact de la stratégie vaccinale et envisager des options alternatives.

 

 6) Toutes ces observations préliminaires, combinées aux analyses moléculaires, livrent le tableau d’une nouvelle pandémie émergente avec une souche virale classée dans la sous-famille des sarbecovirus dont sont issus les SARS-CoV humains de 2002 et de 2019. La souche Omicron se propage très vite et pourrait être la seule souche circulante à la fin de l’hiver 2022, infectant en masse les sujets sans être très létale dans un contexte de vaccination massive des populations dont l’effet sur les formes graves reste envisageable sans espérer de miracle.

 

 7) Cette souche Omicron pourrait alors être désignée Sars-CoV-3, virus responsable du Covid-21 alors que la précédente causait le Covid-19. Une autre désignation est possible, elle prend en compte l’origine sarbecovirus et la diminution des attaques pulmonaires. Ce qui donne comme dénomination le Sarb-CoV-3, troisième de la liste puisque les deux autres étaient eux aussi de cette famille. Cette proposition ne sera pas acceptée mais elle donne un peu de sens à ce qui va nous arriver. Ce n’est jamais une mauvaise chose que de nommer avec précision les réalités mais je ne suis pas certain d’avoir visé juste. Aux virologues de se prononcer, sans doute en ne compliquant pas les choses et en continuant de mentionner le variant Omicron. 

 

 S. Srinivasan et al. Structural Genomics of SARS-CoV-2 Indicates Evolutionary Conserved Functional Regions of Viral Proteins. Viruses. Mar 25 ; 12(4). pii : E360. doi : 10.3390/v12040360. 2020

https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/32218151

 

 Millet JK, and Whittaker G.R. ; Host cell proteases : Critical determinants of coronavirus tropism and pathogenesis ; Virus Res. 2015 Apr 16 ; 202 : 120–134.

https://dx.doi.org/10.1016%2Fj.virusres.2014.11.021

 

 Infections par le Omicron, étude réalisée à Hong Kong

https://www.med.hku.hk/en/news/press/20211215-omicron-sars-cov-2-infection

 

 

 Données cliniques en provenance d’Afrique du Sud

https://abcnews.go.com/Health/wireStory/south-african-doctors-signs-omicron-milder-delta-81689492

 

Selon l'Institut national sud-africain des maladies transmissibles :

— Seulement environ 30 % des personnes hospitalisées pour COVID-19 au cours des dernières semaines ont été gravement malades, soit moins de la moitié du taux qu'au cours des premières semaines des vagues pandémiques précédentes.

— La durée moyenne des séjours à l'hôpital pour COVID-19 a été plus courte cette fois - environ 2,8 jours contre huit jours.

— Seulement 3% des patients hospitalisés récemment avec COVID-19 sont décédés, contre environ 20% lors des épidémies précédentes du pays.

"Pour le moment, pratiquement tout indique qu'il s'agit d'une maladie plus bénigne", a déclaré Willem Hanekom, directeur de l'Africa Health Research Institute

 

vignette : Alexandra Koch


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