L’exemple avunculaire

par C’est Nabum
jeudi 22 juin 2023

 

Saint Loup, le Robin des bois local

 

La belle Austregilde, princesse de sang royal, portait en son giron un rejeton que lui avait donné son Betto de mari. Nous sommes à Orléans, sans doute vers 573. Les registres sont alors fort mal tenus et la plus grande imprécision règne sur sa date de naissance. Toujours est-il que le garçon naît sous plusieurs bonnes étoiles …

Non seulement il est d'origine noble et même royale, mais encore il est oint par le Seigneur des Cieux, en personne , qui avertit la parturiente qu'elle porte en son sein une future lumière de son église. La dame, devant l'importance de la révélation se résout à nourrir elle-même cet enfant exceptionnel qui n'est donc pas, comme la tradition l'exigerait dans ce genre de famille, confié à une nourrice de basse extraction.

Le Petit Loup, ou Leu selon les sources, a également deux oncles évêques : l'un Austrène, exerce son activité épiscopale à Orléans, le second Aunaire, à Auxerre. Il est donc élevé dans le respect de la religion et confié à son oncle auxerrois, celui d'Orléans ayant eu la fâcheuse idée de mourir en 604. À partir de cet instant le cours de son existence sera lié à l'Yonne et à la Seine et non à la Loire en dépit de ce que le laissent croire ses reliques vagabondes.

À l'école, Loup dépasse bien vite tous ses coreligionnaires. Cet enfant a tous les dons ; c'est du moins ce que prétend sa légende dorée. On nous affirme qu'il est pieux et ascète et qu'il pratique la charité avec application et serait même fort bien attentionné vis-à-vis des pauvres ... On ne peut que l'en féliciter. Il chante divinement bien. Hélas, aucun enregistrement n'est venu jusqu'à nous pour accréditer cette affirmation.

Le jeune adulte a un tel désir de perfection qu'il vend tous ses biens et, je n'ose vous le dire tant cet exemple est déplorable pour la curie romaine, donne tout son argent aux pauvres sans réclamer la moindre défiscalisation. Fort heureusement, de telles pratiques n'ont plus cours de nos jours. Il se retire dans un paradis fiscal, l'île de Lérins où il séjourne quelque temps en pratiquant mortifications et jeûnes.

À la mort d'Arthème, archevêque de Sens, il est plébiscité par le bon peuple qui veut se placer sous sa pieuse autorité. Le roi consent à cette nomination et Loup entre en grande pompe dans la fonction. On lui reconnaît alors toutes les vertus et un seul petit défaut cependant : il éprouve une attirance coupable pour Verosia, la fille de son prédécesseur. Nul ne peut l'en blâmer.

Son ministère se déroule sans encombre pour le plus grand bonheur des ses ouailles jusqu'à ce qu'en 613, le roi Clotaire II envahisse le royaume burgonde. Avec un courage exemplaire Loup se dresse devant les troupes ennemies, muni d'une arme inconnue à l'époque : une clochette. Le tintinnabulement de ladite clochette effraie les méchants agresseurs qui sont mis en fuite dans l'instant. Le bruit de ce prodige se répand bien vite dans tout le pays !

Sa bonté ne le met pourtant pas à l'abri de la calomnie et de la jalousie. Farulfus qui est fourbe, manigance auprès de Clotaire pour obtenir son trône. En dépit de ses qualités et de sa popularité à Sens, Loup se voit contraint à l'exil. En quittant son diocèse, il jette dans un fossé son anneau épiscopal en déclarant qu'il reviendra quand celui-ci sera retrouvé. Il se rend alors en Neustrie où il exerce sa force de conviction en convertissant nombre de païens à la vraie foi. Bien plus tard, un barbeau est pêché à Melun dans lequel on découvre l'anneau. Les conditions du retour de Loup sont en place par le miracle de la Seine.

Pendant ce temps, le bon peuple de Sens doit subir les exactions de Medegesil, un imposteur odieux, et se soulève pour réclamer le retour en grâce de son archevêque. Le roi cède à la pression populaire- exemple détestable s'il en est, que, fort heureusement, nos gouvernants de l'heure ne suivent pas - Loup est rétabli dans ses fonctions.

Loup reprend son ministère et accomplit des miracles pour renforcer plus encore sa réputation. Il convient de lui attribuer quelques exploits qui édifient le bon peuple et lui octroient une réputation qui franchit les siècles. Pourtant s'il ne fallait retenir qu'un titre de gloire ce serait bien celui de s'être dressé face à un puissant personnage en déclarant que le devoir d'un archevêque était d'obéir à Dieu et de servir les humbles plutôt que de sacrifier aux désirs des Princes.

Reconnaissons-lui quelques prodiges, à commencer par celui d'avoir multiplié le vin. Un jour où, comme à son habitude, il recevait à manger une foultitude de pauvres, le vin vint à manquer. Notons que depuis que le champagne s'invite aux tables princières, le partage n'est plus de mise d'autant que les bulles ne valent sans doute rien pour le bon peuple. Loup quant à lui ne désespéra pas ; il affirma que Dieu, venant bien au secours des oiseaux, pourvoirait à l'approvisionnement de ses hôtes. Et dans l'instant un messager vint annoncer la livraison de cents muids de vin de Bourgogne !

On peut aisément supposer que Loup aimait à se taper la cloche. Nous avons vu le miracle des clochettes et celui du vin. Il faut encore évoquer celui du bourdon de l'église Saint Étienne. Le son en était si harmonieux que le roi voulut se l'approprier. Clotaire s'empara donc de la cloche contre l'avis du brave archevêque. La cloche perdit dans l'instant la douceur de sa mélodie. Clotaire s'avoua vaincu et la restitua aux gens de Sens ...

Je vous fais grâce des autres miracles attribués à celui qui deviendra bien vite Saint Loup. On ne prête qu'aux riches tout en donnant beaucoup à celui qui toujours fut généreux pour les pauvres. À sa mort, le 1 septembre 623, on le pleura beaucoup à Sens et en bien d'autres endroits. Il fut enterré, selon des précisions de son testament, sous les gouttières de l'abbatiale Sainte-Combe. Il voulait marquer ainsi son humilité jusqu'au tombeau. Un comportement qui ne servit pas d'exemple par la suite …

Son corps exhala un doux parfum : il était déjà en odeur de sainteté et pour le prouver dans l'instant, une femme aveugle depuis plus de trente ans recouvra la vue en venant prier sur son tombeau tandis qu'une paralytique retrouva l'usage de ses jambes. Il est donc possible de réussir en venant d'Orléans tout en se montrant aimable et bienveillant vis-à-vis des plus humbles.

Il serait souhaitable que cette histoire parvienne aux oreilles de nos élus locaux et que cessent enfin les nombreux arrêtés qui punissent, dans la ville natale de Saint Loup, la mendicité. Le brave archevêque en serait mortifié s'il venait à apprendre à ce qu'on fait ici. Saint Yves de la Maraude a intercédé auprès de son glorieux prédécesseur pour que la bonté refleurisse en bord de Loire et ceci n'est pas un bobard.

À contre-courant


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