La guerre larvée entre Israël et l’Iran

par Dr. salem alketbi
jeudi 3 août 2023

Au cours des dernières années, la guerre larvée entre Israël et l’Iran n’a jamais cessé de se développer. L’un des chapitres récents de cette guerre a été mis en lumière lorsque l’agence de renseignement israélienne a rendu public le fait qu’elle avait mené une opération en Iran, mettant la main sur un suspect à la tête d’un groupe qui complotait l’assassinat d’Israéliens à Chypre. Le Mossad a déclaré que le suspect avait admis recevoir des ordres des Gardiens de la révolution iraniens.

Cette annonce est porteuse de signaux importants, notamment le fait qu’elle émane directement du Mossad lui-même, et non de fuites délibérées ou d’autres moyens détournés. Cela reflète une tactique claire employée par les services de renseignement israéliens pour révéler ouvertement certaines des opérations exécutées pour atteindre des objectifs stratégiques spécifiques concernant l’autre partie (l’Iran). L’un de ces objectifs pourrait être d’affirmer leur message, de clarifier leur cible et de démontrer la capacité de représailles et de dissuasion d’Israël.

Le deuxième de ces signaux est l’infiltration continue d’Israël en Iran. Cela met en évidence les faiblesses et les vulnérabilités permanentes du dispositif de sécurité interne de l’Iran. En outre, cela démontre les prouesses d’Israël en matière de renseignement par rapport à la partie iranienne, avec toutes les implications et insinuations, en particulier lorsqu’il s’agit d’exposer la notion de supériorité et l’influence considérable exercée par les Gardiens de la révolution iraniens.

La troisième de ces indications tourne autour de l’intention du gouvernement israélien de se distancer de tout accord potentiel conclu entre Washington et Téhéran. Il s’agit de projeter l’image d’une approche israélienne indépendante face aux menaces iraniennes. Ce signal coïncide avec les pourparlers américano-iraniens en cours, dont la médiation est assurée par des canaux régionaux, ce qui renforce la perception de Téhéran selon laquelle Israël n’est pas réellement concerné par les résultats de ce dialogue. Au contraire, Israël se retroussera les manches pour assurer sa sécurité et sa stabilité par les moyens et les méthodes qu’il jugera appropriés.

Nous constatons que ce signal a beaucoup de poids, étant donné que la partie iranienne croit fermement qu’elle peut détourner l’attention de Washington d’Israël en ce qui concerne les intérêts stratégiques américains. L’Iran pense que les Etats-Unis n’ont plus la capacité, l’efficacité et la détermination de continuer à garantir la sécurité de leurs alliés au Moyen-Orient, y compris Israël. L’Iran a déjà mis cette hypothèse à l’épreuve en ce qui concerne les alliés de Washington dans le Golfe et a constaté qu’elle était vraie. En outre, l’Iran l’a également testée à plus petite échelle par l’intermédiaire de ses mandataires en Syrie et au Liban, et Washington n’a pas démenti la conviction de l’Iran à ce sujet.

Le quatrième signal dans ce contexte tourne autour du sujet de ce cycle de la guerre sous couverture, à savoir la campagne d’assassinat menée par les gardiens de la révolution contre les Israéliens à l’étranger.

Il est de notoriété publique que les opérations de renseignement d’Israël en Iran sont principalement axées sur les installations nucléaires et la perturbation des activités d’enrichissement de l’uranium. Toutefois, l’arrestation d’un suspect impliqué dans la planification d’éventuels assassinats d’Israéliens montre que le conflit avec l’Iran va au-delà de la seule question nucléaire. Il met en lumière de nombreuses autres dimensions et aspects des menaces iraniennes, y compris le ciblage de personnalités israéliennes à l’étranger. Cela attire l’attention des cercles politiques et du public occidentaux, en soulignant l’étendue de la menace iranienne et en soutenant la position politique israélienne, qui insiste sur la nécessité de rester vigilant face aux multiples facettes du danger iranien.

En outre, une telle opération sert de mesure préventive pour dissuader d’autres actions iraniennes potentielles, surtout si l’on considère les avertissements répétés en matière de sécurité concernant le ciblage possible par l’Iran d’individus israéliens dans divers pays, y compris la Turquie et d’autres États de la région.

Il ne fait aucun doute que la conviction iranienne selon laquelle les États-Unis traversent une phase de déclin stratégique et de diminution de leur influence, et qu’ils n’ont ni la volonté ni les capacités suffisantes pour protéger un allié de la taille d’Israël, est une notion erronée qui ne résiste pas à une analyse objective. Elle découle de calculs stratégiques inexacts, car Israël, aux yeux des États-Unis, n’est pas un allié stratégique comme les autres. Les Iraniens sont bien conscients de cette réalité, mais ils préfèrent toujours mettre ces hypothèses à l’épreuve de la pratique.

Il est certain que le seul État au monde qui puisse obtenir l’accord unanime de tous les cercles décisionnels et institutions souveraines des États-Unis pour le protéger et intervenir en son nom est sans aucun doute Israël. Certaines raisons sont liées à des considérations électorales, d’autres à la forte influence du lobby pro-israélien aux États-Unis.

En outre, cette situation souligne l’affaiblissement des liens de partenariat entre Washington et ses alliés du Moyen-Orient, au point que les États-Unis n’ont plus qu’un seul allié régional fiable, et c’est Israël, quel que soit le pouvoir en place.

L’un des aspects les plus frappants de l’escalade de la guerre de l’ombre entre Israël et l’Iran est la détermination persistante d’Israël à démontrer sa capacité à atteindre l’Iran en profondeur. Cette opération récente intervient après des années de vol furtif d’environ une demi-tonne de dossiers classifiés relatifs au programme nucléaire iranien au cœur de Téhéran en 2018. L’Iran n’avait aucune idée de cette opération. Ces dossiers contenaient le nom d’un éminent scientifique nucléaire iranien, Mohsen Fakhrizadeh. Puis, en 2020, Fakhrizadeh a été pris pour cible à l’aide de techniques avancées près de sa résidence en Iran.

L’infiltration d’Israël à l’intérieur de l’Iran est étayée par de nombreuses preuves et indications. Ce qui est nouveau ici, c’est la décision tactique des services de renseignement israéliens de renoncer au secret et à la confidentialité et de discuter ouvertement de leurs opérations en Iran. Nous pensons que cette approche découle en grande partie de la volonté d’Israël d’intensifier le sentiment de peur, d’anxiété et de suspicion parmi les responsables iraniens, concernant la possibilité d’être pris pour cible par les services de renseignement israéliens. Cet avertissement a déjà été souligné par l’ancien ministre iranien du renseignement, Ali Younesi, qui a tiré la sonnette d’alarme sur l’influence croissante du Mossad israélien dans diverses régions du pays. Il a souligné que les dirigeants iraniens s’inquiètent pour leur vie, leur sécurité et leur bien-être.

Nous pensons que l’objectif du Mossad est d’instiller fermement cette inquiétude parmi les dirigeants et les responsables iraniens, afin de renforcer sa stratégie de dissuasion et de contraindre l’Iran à éviter de s’en prendre à Israël et aux Israéliens, par crainte des conséquences potentielles auxquelles ils pourraient être confrontés un jour.

La théorie de la supériorité israélienne se heurte au sentiment croissant de confiance en soi que l’Iran a ressenti ces dernières années, notamment depuis l’amélioration qualitative de son arsenal militaire, en particulier dans le domaine des drones, dont certains ont été utilisés par la Russie dans la guerre en Ukraine. Nous devrons attendre d’autres rounds de la guerre sous couverture jusqu’à ce que l’une des parties de ce conflit soit convaincue que les coûts impliqués ne dépassent pas les gains obtenus.


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